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Ruptures conventionnelles et chômage de complaisance

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20.000 ruptures conventionnelles par mois en 2010. Grâce à ces accords à l’amiable des salariés sont mis au chômage (indemnisé). Est-ce un progrès réel ? Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, en doute : la porte est ouverte à un « chômage de complaisance » aux frais des caisses et des contribuables. Il suggère d’autres solutions.

Le succès des ruptures conventionnelles, en hausse de 31% en 2010, soit plus de 20 000 par mois, est paradoxalement la marque de leur échec, et de l’échec de la politique de l’emploi. Pour quelles raisons ?

Ce dispositif créé par accord le 8 janvier 2008 entre le patronat et les syndicats (hors CGT), permet à l’employé et à l’employeur de se séparer à l’amiable. Un accord, même mauvais, étant généralement préférable à un bon procès, cette procédure, qui réduit les recours aux prud’hommes, semble intéressante dans le principe. Elle est appréciée des patrons qui peuvent ainsi négocier des accords amiables avec leurs salariés sans avoir à passer par un faux licenciement suivi d’un faux protocole transactionnel, comme la pratique en était antérieurement courante.

Mais pourquoi fallait-il passer par ce simulacre de faux licenciement et pourquoi aujourd’hui tant d’engouement pour cette procédure de ruptures conventionnelles ? Simplement pour permettre aux salariés de bénéficier de l’assurance chômage. La seule réponse est là, et elle n’est pas admissible, car en définitive les ruptures conventionnelles ont pour effet principal un transfert de charges que les entreprises et les salariés font supporter indûment à la collectivité.

Porte ouverte au chômage de complaisance

Ces quelque 500 000 ruptures conventionnelles intervenues depuis trois ans masquent en fait bien souvent de petits arrangements entre amis. Il s’agit de se séparer bien sûr, mais pour convenance personnelle seulement, ou pour allonger en fin de carrière un décompte de trimestres de retraite pris en charge par l’assurance chômage, ou simplement pour éviter les risques et frais d’un licenciement pour faute et indemniser l’employé en lui permettant de disposer de la part des ASSEDIC d’une indemnité dont différemment il aurait été privé.

Certes la rupture conventionnelle n’est pas seule en cause, elle n’a fait qu’amplifier une tendance à multiplier les « faux chômeurs », qui font désormais partie du paysage français. Dans nombre de familles on trouve facilement quelqu’un qui voulait une année sabbatique, ou qui voulait s’occuper de ses enfants ou bien qui voulait créer son entreprise. Etre faux chômeur est presque considéré comme un droit social.

On objectera que la rupture conventionnelle peut aussi être une nécessaire soupape sociale, une respiration familiale ou individuelle dans une vie de labeur. Ou encore que c’est un apaisement des relations sociales dans l’entreprise, une contractualisation utile du dialogue et des désaccords. Peut-être, mais à quel coût pour la société, pour les entreprises et même pour ceux qui en « profitent » ? Ceux-ci n’en ressortent que rarement grandis, parce que le désœuvrement abîme et la tromperie plus encore. Plus longtemps dure le chômage, plus la reprise du travail est difficile, jusqu’à devenir impossible après avoir été si longtemps désappris.

Quant aux entreprises elles y trouvent de la facilité, un outil de flexibilité dans la gestion du personnel. Le patron propose parfois ce procédé commode et peu onéreux pour se séparer d’un employé. En sens inverse, le salarié sollicite la rupture sous des prétextes divers, on pourrait dire pour son confort personnel, parce qu’il ne s’entend plus avec ses collègues, ou qu’il ne supporte plus sa « hiérarchie », ou encore parce qu’il doit s’occuper de ses vieux parents…

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Mais qui paye ce chômage de complaisance qui peut peut-être représenter jusqu’à la moitié des chômeurs indemnisés ? C’est chacun de nous, les employeurs et les salariés dont les cotisations ASSEDIC comptent pour 6,4% du salaire, les contribuables qui supporteront le déficit de l’ASSEDIC qui s’accroît d’année en année, à un montant de l’ordre de 4 milliards par an, dont 1,3 milliards d’euros par an liés aux séparations amiables selon la CGT.

La solution : liberté de l’assurance chômage

La solution n’est pas dans la diminution des allocations chômage des cadres comme le propose M. Pierre Méhaignerie. Elle est plutôt dans le retour à un vrai système d’assurance alors qu’aujourd’hui les ASSEDIC deviennent de plus en plus, comme tout notre système social français, une caisse de solidarité sans responsabilité.

La souscription d’une assurance chômage pourrait être obligatoire, mais choisie, comme l’assurance automobile. Chaque compagnie d’assurance pourrait proposer ses contrats et les taux pourraient être modulés en fonction du niveau de licenciement de chaque entreprise. Pour sûr, le licenciement serait manié avec moins de facilité comme outil de gestion des relations humaines aux frais de la collectivité.

Les ruptures conventionnelles sont un progrès dans la liberté des relations entre employeurs et employés. Mais toute liberté s’accompagne de responsabilité, elle suppose que chacun en assume les conséquences et notamment le coût plutôt que de le faire supporter aux autres.

Plus généralement il est urgent de trouver les moyens de faire régresser un chômage endémique et trop souvent trop facile qui avoisine aujourd’hui 4 millions de chômeurs, un chiffre auquel on ne prête même plus attention alors qu’il est considérable et inacceptable. Un tel niveau de chômage est même dangereux pour toute la société tant il contribue au rejet du travail et, par là, du progrès.

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9 commentaires

Anonyme 22 janvier 2011 - 11:12

Ruptures conventionnelles et chômage de complaisance
Bonjour,

ce n’est pas tant l’état de chômeur que la durée du chômage dont il faut s’occuper ; mais certainement pas en faisant culpabiliser l’entreprise ou le salarié.

Je pense que cette « respiration » est nécessaire dans la vie d’un travailleur qui voit sa contribution en sa condition augmenter d’année en année, et c’est normal. Qui veut travailler plus de quarante ans en apnée ? Et puis, vous connaissez beaucoup de personnes qui auront ou qui vont travailler toute leur vie pour le même employeur ? Ont-elles le choix ?

Non, il faudrait plutôt, sans tromperie, utiliser ce temps de chômage pour préparer une autre activité utile pour notre société. Et mettre au ban l’enfant dévoué à ses parents n’est pas une solution. D’ailleurs combien coûterait à la société la personne qui remplacerait cet enfant peu vertueux auprès de ces parents dans leur quotidien ?

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Anonyme 22 janvier 2011 - 3:57

ce que l on ne comprend pas on le juge
Je partage le commentaire de Anonyme et je suis choqué de vos jugements de valeurs … Je viens de signer une convention a 59 ans refusant de plonger mon employeur loyal dans plus de problemes je pense que vous jugez ce que vous ne comprenez pas surtout ne vivez pas – je voulais m inscrire dans votre lettre mais vos jugements ne sont pas balancés … je suis décu de me voir visé si injustement

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Anonyme 22 janvier 2011 - 1:53

… moyens pour faire régresser le chomage…
Cett rupture conventionnelle a été un moyen tordu pour essayer de sortir du petrin des tas de PME/TPE des licenciements complexes.

Licencier étant simple mais couteux, le salarié étant parfaitement informé, peut facilement agiter la rebellion pour déclencher un licenciement et son cortège d’indemnités. Selon les personnalités, périodes de la vie, cette attitude humaine aux conséquences lourdes pour la communauté, est utilisée par un bon tiers des salariés.

Cette rupture est un petit pas pour prendre mieux conscience de ce qui ronge le système de l’emploi en France.

Maintenant, essayez de devenir chef d’entreprise en sachant par avance que vous aurez à vous battre pour éviter de subir les tensions d’un licenciement. Les grandes entreprises ont des services pour éviter au comité de direction des nuits de sommeil en moins. Ce sera pour eux juste une ligne budgétaire en plus. Une taxe de plus quoi…

Alors qu’enfin dans nos consciences commence à entrer l’idée le travail des entreprises fait baisser le chomage, j’attends un jour que notre pays retire de son système l’immobilisme syndical obligeant à inventer des mesures tordues en réponse à des problèmes tout aussi tordus.

La protection sociale Française encourage au profit de peux de personnes sur le dos de l’ensemble des actifs. On devra un jour ou l’autre accepter de se retrouver non plus au 7ème rang mondial mais plutot dans la catégorie des pays en voie de sous développement. Sans réformes pour retirer nos immobilismes, nous avançons doucement vers une 2ème révolution quand notre pays n’aura plus d’argent… (ouf nous sommes a dit Alain Minc).

Mais je n’ai simplement pas envie de cela pour mes enfants.

A vous de choisir.

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Anonyme 22 janvier 2011 - 8:32

Complaisance, vous avez dit complaisance
Je suis en général d’accord sur les articles de l’IREF, mais là, je suis assez dubitatif. Certes, les ruptures conventionnelles donnent probablement lieu à du chômage de complaisance mais, en tant qu’employeur, je peux témoigner du fait qu’un salarié qui ne veut pas travailler peut facilement se mettre en congé maladie et dans ce cas, certes, il ne pointe pas au chômage, mais le coût pour la société est encore plus important. Cette solution a donc l’avantage d’appeler un chat un chat sans dégrader le climat social et c’est vraiment cela dont notre pays a besoin. S’il y a quelque chose à remettre en cause pour que le coût supporté par la société soit moindre, c’est peut-être le niveau des indemnisations ou leurs durées ou encore les faux chercheurs d’emploi. Ceci est un autre débat mais, faire porter le chapeau à la rupture conventionnelle me paraît se tromper de cible.

Pascal.

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Anonyme 23 janvier 2011 - 12:15

petits arrangements
Je témoigne en tant que secrétaire de comité d’entreprise:

Oui des salariés essaient d’obtenir des ruptures conventionnelles auprès de l’employeur pour des motifs personnels tels que ceux énoncés dans l’article;

Oui, l’un des remèdes est de transformer en vrai contrat d’assurance cette indemnisation chômage; Comme tous les autres risques celui ci serait adapté à l’assuré (l’entreprise); Les taux d' »assurance accidents du travail » ne sont-ils pas variables selon les entreprises et les branches et les statistiques?

Oui il y a beaucoup d’arrangements et non ce n’est pas un droit de taper dans la caisse pour arranger sa fin de carrière: C’est de la malhonnêteté et vos 59 ans de bons et loyaux services ne sont pas une excuse pour voler la collectivité!!!

Aidez donc les partisans de la mise en place de systèmes de retraite par capitalisation et vos successeurs au travail partiront quand ils en feront le choix…

Le système de quota de trimestres à accumuler est débile… (voir les nombreuses études réalisées de l’IREF, l’IFRAP, l’ALEPS)

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Anonyme 16 avril 2012 - 2:01

bravo
je pense comme vous

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Anonyme 23 janvier 2011 - 1:33

camoufflage
Bonjour!

Je n’ai pas trouvé mon cas dans cet article.

La rupture conventionnel à été utilisé pour éviter un licenciment économique. Car la société n’était qu’une branche du groupe. Bref, on m’a fait une proposition de reclassement qui me ferait gagner moins d’argent que mes indemnités chômage sans compter les frais de transport! Hors à 30ans j’espère bien retrouver un travail sans me prostituer. Mais le gros problème c’est les gens sur diplomé qui vont travailler pour un smic! les entreprises ne cherche plus que ça! et dès qu’ils veulent évoluer on leur dit voilà une rupture conventionnel on va se séparer de toi.

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Anonyme 23 janvier 2011 - 8:42

Si le risque de chômage se gérait avec l’épargne…
Si le risque de chômage se gérait avec l’épargne, chacun pourrais parfaitement démissionner et utiliser cette épargne le temps de chercher un autre emplois, je ne vois donc pas ce qu’il y a de si choquant à cette possibilité.

Bien sûr il y a un risque d’abus lié à l’aléa moral, mais c’est se tromper de cible que de viser cette modalité de séparation amiable.

Le vrais problème est la trop grande importance des Assedic, dont le modèle incite des gens gents qui ne peuvent plus se supporter à « travailler » ensemble jusqu’à ce que l’un des deux craque.

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Anonyme 24 janvier 2011 - 12:18

Abus d’indemnisation du chômage …
Pour ma part je pense que la durée d’indemnisation devrait être limitée à 5 ans dans une vie entière comme c’est le cas aux USA. Cela pour inciter le chômeur à chercher plus activement d’une part et de ne pas se laisser mettre à la porte facilement…

En tous cas il est inadmissible que des « arrangements  » consistant à intégrer les indemnités dans le revenu global, en faisant le pont entre deux missions pour le même employeur, soient possibles. C’est particulièrement choquant quand on pense aux chômeurs rayés pour 10 minutes de retard à un entretien « Pôle Emploi » …

C’est aussi détourner l’objet de l’indemnisation et donc du détournement d’argent public…

D’autre part une caisse de capitalisation « réserve de chômage », sans répartition, obligatoire pour tous les salariés pourrait constituer une alternative aux Assedics. Avec une petite incitation fiscale ou un taux d’intérêt attractif…

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