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Climat : faut-il sacrifier nos vaches ?

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Le gouvernement irlandais, après celui des Pays-Bas, sous la pression de l’Union européenne, voudrait faire abattre un nombre important de vaches au nom de la lutte contre le changement climatique. Cette folie a atteint la France par le biais, rien moins, d’un rapport de la Cour des comptes déjà dénoncé par l’IREF. Or, aucun des arguments invoqués pour massacrer notre cheptel ne résiste à un examen sérieux.

L’élevage, notamment bovin, est accusé d’être à l’origine de tous les maux environnementaux imaginables. « Il consomme trop de terres agricoles », « trop d’eau », et surtout, la digestion des vaches produit « trop de méthane », ce gaz à effet de serre « beaucoup plus puissant que le CO2 ».

Que disent vraiment la science et le GIEC ?

Les arguments autres que climatiques pour conduire les vaches au sacrifice

 Contrairement aux affirmations des végans, un régime alimentaire sans protéines animales n’est pas adapté à l’homme. Nous avons besoin non seulement d’une certaine quantité de protéines pour vivre, mais aussi d’une grande variété, car chaque acide aminé (composant de base des protéines) a une fonction précise dans l’organisme, et celui-ci ne sait pas tous les fabriquer.

Or, les végétaux ne disposent ni de la concentration, ni de la variété d’acides aminés nécessaires (fig.1). Un régime totalement dépourvu de protéines animales est donc carencé et dangereux pour la santé. Pour compenser un régime sans viande, il faut consommer… du lait et des œufs ;  lesquels ne sont pas disponibles sans élevage, élevage qui ne saurait être rentable si la viande des animaux n’est pas également commercialisée.

Figure 1. Les 8 acides aminés indispensables, par famille d’aliment

L’affirmation selon laquelle l’élevage occupe une trop grande part des terres agricoles est également sans fondement : selon une étude citée comme référence par la FAO reprise par l’INRAE (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), les vaches consomment 86% de végétaux non consommables par les humains (fig.2), à commencer par les déchets de l’agriculture qui nous est destinée. Le métabolisme du bétail transforme donc une importante quantité de déchets agricoles dont nous ne saurions quoi faire en nutriments indispensables à l’homme.

Figure 2. Part de l’alimentation animale non consommable par l’homme

Selon la même étude, sur les 20 millions de km2 utilisés pour l’élevage dans le monde, seuls 7 millions pourraient être reconvertis en agriculture végétale.

Enfin, les chiffres délirants cités par les anti-viande sur la consommation d’eau de l’élevage bovin ne sont pas sérieux. L’INRAE rappelle que cette consommation d’eau fait partie d’un cycle qui existerait même sans bovins, et qu’en France la consommation réelle moyenne d’eau par kg de viande produite est de l’ordre de 50 à 70 litres, ce qui ne crée aucun stress hydrique notable.

Les arguments « climatiques » pour conduire les vaches au sacrifice

Cependant, la charge des anti-viande se focalise surtout sur la question climatique. La « fermentation entérique » des vaches produit des rôts et flatulences chargés en méthane, gaz faiblement présent dans l’atmosphère mais dont la capacité « d’effet de serre » par molécule est bien plus élevée que celle du CO2. Ainsi, en Europe, l’élevage serait responsable d’environ 81% des émissions de GES agricoles.

Dans le monde, selon le GIEC, les GES seraient responsables d’une augmentation de la température de 1,6°C depuis 1850, et le méthane (CH4) d’origine agricole représenterait 10% de cette augmentation (fig.3).

Figure 3. Contribution en °C au réchauffement des différentes émissions,
classées par gaz et par secteur depuis 1850, Monde

Quelle est la part de l’agriculture européenne dans ces émissions ? Elle est négligeable, inférieure à 0,01°C (fig.4). Et en termes relatifs, ses émissions de méthane agricole sont passées de 20% du pouvoir réchauffant en 1850 à moins de 5% aujourd’hui (fig.5):

Figure 4. Contribution en °C au réchauffement des différentes émissions,
classées par gaz et par secteur depuis 1850, Union Européenne

Figure 5. pourcentage des différentes émissions dans la contribution de l’UE
au réchauffement depuis 1850

Les émissions de GES agricoles de l’UE ont connu un pic en 1985 mais sont revenues à leur niveau de 1961. Quant à la fermentation entérique, qui représente moins de la moitié de ces émissions, elle a diminué de 25% depuis 1960 (fig.6, source).


Fig 6. Évolution des émissions de GES de l’agriculture de l’UE depuis 1961,
et des émissions de méthane entérique, exprimées en équivalent CO2.

Ces performances sont d’autant plus méritoires que la production agricole européenne a explosé durant cette période (source), que ce soit celles de céréales (x2,5), de viandes (x2,5, graphique), de légumes (x1,4), etc.

Rappelons aussi que l’UE est un nain en termes d’émissions: comme l’IREF l’a montré, elle représentera 7% des émissions mondiales entre 2019 et 2030 (fig.7), proportion en constante réduction. Le méthane agricole européen contribuerait donc à 0,35% (5% x7%) du réchauffement supposément anthropique mondial pendant la présente décennie, soit 7 dix-millièmes de °C. Les vaches ont bon dos !

Figure 7. Part des différents continents dans les émissions de CO2, 2019-2030
Source Iref

Les émissions de méthane de l’élevage sont-elles bien comptabilisées ?

 Sacrifier nos vaches serait d’autant plus inutile qu’il y a lieu de croire que l’influence du méthane agricole sur les températures mondiales puisse être exagérée.

Tout d’abord, le GIEC indique que les pâturages en zone tempérée absorbent plus de CO2 à l’hectare que les sols cultivés ou même certains types de forêts (fig.8), et que les sols absorbent 5 fois plus de carbone que toute la vie animale et végétale. Aussi l’impact carbone de la conversion de terres d’élevages en cultures serait au mieux négligeable, au pire négatif.


Figure 8. Capacité de stockage du CO2 dans le sol par type de couvert

De plus, le professeur d’Oxford Myles Allen, que l’on ne peut guère qualifier de climato sceptique (il est co-auteur du rapport spécial du GIEC de 2018 “Réchauffement global: 1,5°C” et un des créateurs du concept d’émissions Net Zéro), estime que la comptabilité des effets réchauffants du méthane agricole doit être révisée.

En effet, le méthane, dans l’atmosphère, réagit avec des radicaux OH issus de la dégradation de la vapeur d’eau pour reformer du CO2 et de la vapeur d’eau. Aussi la durée de vie du méthane dans l’atmosphère (≈12 ans) est-elle beaucoup plus courte que celle du CO2  et donc l’effet réchauffant du méthane agricole est de plus courte durée. De plus, le carbone contenu par le méthane émis par une vache provient, au départ, d’une molécule de de CO2 qui a été  absorbée par la nourriture de l’animal, et donc lorsque le carbone-méthane redevient carbone-CO2, sa contribution au budget carbone global est neutre.

Aussi, selon Allen, comptabiliser le pouvoir réchauffant du méthane agricole (65% des émissions de méthane anthropiques) comme celui issu des activités industrielles est une erreur. Il explique que la comptabilité en « équivalent CO2 » usuelle est biaisée et qu’à émissions constantes, le pouvoir réchauffant des émissions de méthane agricole est surestimé d’un facteur 3,5 ! Mieux encore, il affirme qu’une réduction de 6% des émissions de méthane sur 20 ans équivaut à un impact “net zéro” sur la température mondiale du secteur réalisant ces baisses.
Or, nous avons vu que l’élevage européen a réduit ses émissions de méthane entérique bien au-delà de 6% ces dernières décennies. Et la recherche agricole sur la nourriture des bovins ou la pratique de pâturages optimisés (“rotationnels”) permet d’envisager des progrès futurs encore plus importants. Si la comptabilité du méthane proposée par le Pr. Allen est exacte, alors l’élevage contribue à réduire la hausse des températures mondiales, et donc ne devrait pas être considéré comme une cible prioritaire des politiques climatiques.

Sauvons le bœuf, c’est bon pour la planète !

 Une fois de plus, l’Union européenne, en voulant faire étalage de vertu écologique, s’en prend à un secteur clé de nos économies. Elle régurgite sans analyse critique les préjugés erronés de certains groupes de pression, et ignore les impacts sur la vie quotidienne des populations. Supprimer l’élevage européen n’aurait qu’un effet infinitésimal sur les températures globales, et provoquerait un marasme économique, sanitaire et social inimaginable. Forcer une réduction rapide de l’élevage européen est d’abord une décision contre l’humanité.

En revanche, poursuivre nos progrès technologiques pour améliorer la qualité sanitaire et réduire les émissions de notre production sans porter préjudice à sa quantité ni augmenter ses coûts, et exporter dans le monde les technologies qui permettent d’y parvenir, est une stratégie gagnante, pour l’économie, pour nos agriculteurs. Et peut-être, à en croire le GIEC, pour le climat.

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