Quand des économistes français de premier rang (l’un actif dans une banque d’investissement, l’autre, ancienne rédactrice en chef d’un magazine économique) reconnaissent que l’écologisme risque de mener à la banqueroute économique et sociale mais persistent néanmoins à considérer qu’il s’impose, n’y aurait-il pas à s’inquiéter de la prégnance de cette idéologie mortifère ? Le constat que Patrick Artus et Marie-Paule Virard établissent du déclin est correct, mais doutons du résultat de la recette qu’ils proposent !
L’américain Michael Shellenberger, écologiste de la première heure mais homme de terrain, suit un chemin inverse et appelle au bon sens. Jamais, nulle part, l’idéologie n’a résolu les problèmes qu’elle avait contribué à créer. Les derniers développements géopolitiques et la situation énergétique en témoignent.
Artus et Virard : un constat alarmant tout comme les propositions qu’ils avancent
Patrick Artus, économiste de haut vol (École polytechnique, ENSAE, Sciences Po, Professeur des universités et chief economist de Natixis jusqu’à ce que la limite d’âge ne le rattrape) et Marie-Paule Virard, journaliste économique, ont commis un nouvel opus ensemble, leur treizième sauf erreur, Pour en finir avec le déclin.
C’est peut-être leur meilleur, en tout cas, de prime abord, moins pessimiste que certains précédents, lorsqu’il fut question du pire à venir, des « 40 ans d’échecs de la politique économique française », de « ce qui nous attend », de la croissance zéro et du chaos, de la folie des Banques centrales, de la sortie de l’Euro, de la « dernière chance du capitalisme », des constats qui n’étaient pas assurément faux, mais n’incitaient guère à l’optimisme.
Ici, ils s’interrogent sur les priorités économiques et sociales de la France pour en finir avec le déclin. Bel ouvrage, car Patrick Artus y fait une belle démonstration de sa maîtrise théorique de la macroéconomie et de l’économie politique.
Mais, les sciences économiques, en ce qu’elles permettent d’expliquer les événements a posteriori, non de les prédire, ne sont-elles pas, comme l’écrivit un professeur d’économie belge influent, une sous-branche de la sociologie, ou de l’anthropologie, et ne convient-il pas d’en prendre les recettes avec circonspection ?
40 ans d’échecs
D’emblée, les deux auteurs font un état des lieux : la France, ce sont des dépenses publiques égales à 55% de la richesse nationale, un déficit extérieur en chute libre (65 milliards d’euros en 2020, 86 en 2021), une dette publique qui s’envole (113,5% du PIB en 2022 selon le FMI), des prélèvements obligatoires confiscatoires (46%) et, pourtant, plus de 9 millions de pauvres (14,6% de la population active).
Artus et Virard parlent d’un déclassement de l’économie française, à l’encontre duquel il est urgent de redonner à chacun foi en l’avenir et à l’économie française sa place dans le monde. Jusque-là, rien à redire qui n’ait déjà été dit (on le répète : 40 ans d’échecs…), l’intention est louable, dût-on remettre une quarante-et-unième fois l’ouvrage sur le métier afin de « transformer la mélancolie en énergie collective » – quand on vous parlait de l’économie comme d’un succédané de sociologie et d’anthropologie !
40 ans d’échecs de la politique économique française, dites-vous. Bon sang mais c’est bien sûr ! Il y a quarante ans, c’était le début des années quatre-vingt, les années Reagan aux Etats-Unis, Thatcher au Royaume-Uni, Mitterrand en France : faudrait-il s’étonner que les trajectoires économiques de ces quatre décennies ont été différentes dès lors que la France connut une panne à l’allumage ?
Pour en finir avec le déclin, les deux auteurs énumèrent alors six priorités : l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes (en prenant soin de ne pas étendre la mesure à tous les salariés au risque d’accélérer l’inflation et d’aboutir à l’effet contraire de celui recherché) ; la réduction des inégalités de patrimoine (à la suite de l’enchérissement des actifs immobiliers ; en ce qui concerne les valeurs mobilières, les marchés s’en occupent déjà !) ; la transition énergétique ; la digitalisation des entreprises (qui ont beaucoup perdu en compétitivité par rapport à la concurrence étrangère) ; la solvabilité de l’État français et la soutenabilité de la dette publique ; l’amélioration de l’éducation et des compétences.
La décarbonisation, une tragédie
Mais, là où le masochisme économique et social atteint son comble, c’est dans tout ce qui touche à la transition énergétique ! Patrick Artus et Marie-Paule Virard, bien qu’ils semblent gagnés à la cause, en décrivent les conséquences avec lucidité. C’est le mérite, non le moindre, de leur essai Pour en finir avec le déclin.
Ladite transition entraînera la destruction d’un stock considérable de capital non encore amorti, la suppression d’emplois dans les secteurs touchés par la « décarbonation » de l’économie et une augmentation du chômage structurel, des investissements gigantesques dans des infrastructures et équipements moins performants, une hausse massive des prix de l’énergie (en raison notamment de l’intermittence des énergies renouvelables), un maintien des taux d’intérêt réels négatifs et, inévitablement, un recul de la croissance… Les raisons de lever de nouveaux impôts, les auteurs le concèdent volontiers, ne vont pas manquer dans les années qui viennent !
Qu’en proie à l’idéologie — alors qu’elles comptent pour moins de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et que les plus grands pollueurs du monde n’en ont cure — la France (0,8% des émissions mondiales), le reste de l’UE et leurs clercs, avec la guerre aux portes, s’enfoncent dans leur délire écologiste et continuent à se faire hara-kiri, constitue l’une des plus grandes tragédies de l’histoire de l’humanité.
2 commentaires
La grande peur de l’an Mil est de retour et l’affolement émotionnel fait faire des âneries : détruire notre civilisation sans savoir ce que l’on construirait à la place. C’est vrai en matière économique comme dans d’autres domaines (politique, religieux, écriture inclusive par exemple). C’est la démonstration que nous offrent les enfants gâtés de cette génération qui, se sachant incapables d’imagination et de construction, veulent se déculpabiliser à tout prix : détruire ce jouet dont on ne sait rien faire…
Il ne faut pas tomber dans le piège du réchauffement climatique et réduire l’écologie à cette seule théorie.