Le marché du Repo (pour Repurchase Agreement ou accord de rachat ou encore opérations de pension) devient moins attractif pour les banques à cause des nouvelles règles de levier d’endettement (« Leverage Ratio ») imposées par la législation.
Les doutes subsistent sur le fait que ces règles puissent empêcher un nouveau gel du crédit, dans le cas où l’insolvabilité du secteur financier se présenterait à nouveau.
C’est en août que les premières inquiétudes ont émergé, les professionnels rapportant des perturbations sur le marché du Repo américain, qui fournit le marché mondial des capitaux en liquidités. Les opérations des banques sur ce marché ont nettement ralenti au cours de l’été. Les banques expliquent que ce ralentissement est dû aux nouvelles règles sur les leviers d’endettement (cf. notre lettre d’information de février), qui renchérissent le coût du capital.
En quoi consiste ce marché du Repo ? Il s’agit de prêts à très court terme (souvent 24 heures) effectués par les spécialistes en valeurs du Trésor (comme les obligations) : l’agent vend cette valeur à un investisseur, pour la racheter quelques heures ou jours après à un prix convenu à l’avance – et la différence, c’est-à-dire le taux d’intérêt, constitue le profit pour l’acheteur. Cela permet aux banques d’obtenir les liquidités nécessaires au bon déroulement de leurs activités quotidiennes. Avec le développement du marché des produits dérivés, et notamment des « contrats d’échange de taux d’intérêt » (Interest rate swaps), elles ont été également amenées à jouer le rôle d’acheteur et assurer l’accès à de la liquidité à l’ensemble des institutions financières.
Le marché du Repo était très attractif, grâce au modeste intérêt que les banques pouvaient en tiré pour un risque de crédit minimal. Mais également parce que le Repo représente pour les banques une source stable de Bons du Trésor, très utiles dans le cadre des autres activités de couverture des banques.
Pourquoi les banques se retirent-elles de ce marché ? Parce que, bien que les dettes souveraines fassent l’objet d’une pondération de zéro dans l’évaluation des actifs à risques selon les critères de Bâle (cette pondération, associée aux différents actifs détenus par la banque, permet de déterminer le capital nécessaire qu’une banque doit mettre de côté pour se prémunir d’un risque de défaut de la contrepartie. Dans le cas présent, les obligations gouvernementales sont donc déduites du total des actifs et ne rentrent pas dans le calcul du capital à mettre de côté), ces titres obligataires rentrent désormais dans le calcul du ratio d’endettement, à compter du 1er janvier 2015.
Mais ce ralentissement observé sur le marché du Repo doit-il être exclusivement attribué à la nouvelle règlementation ? Rien n’est moins sûr.Il y a également une pénurie de bons du Trésor, notamment pour les maturités utilisées comme collatéral. L’origine de ce problème provient probablement de la banque centrale américaine, qui, avec son activité de rachat d’actifs dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif, accroit la rareté. Par conséquent, les banques, qui fournissent l’argent pour ces opérations, pourraient subir des pertes, si les prix des titres obligataires américains continuent d’augmenter. Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que les banques préfèrent déposer leurs liquidités sur leur compte de réserve à la banque centrale américaine, dont le taux de rendement est supérieur, tout en s’évitant les désavantages du levier endettement.
Dans des conditions de marché normales, le marché du Repo offre une alternative simple et bon marché de rendre un actif plus rentable. Si la tendance que nous venons de voir persiste, cela présage-t-il d’une réduction en masse du recours à l’effet de levier ? Nous pouvons en douter. Depuis le début de la crise financière, la mise en place de plusieurs lois encadrant la finance ont poussé les banques à innover, grâce notamment aux transformations de collatéral ou aux échanges de collatéral entre elles, soit en contournant les règles existantes, soit avec l’accord tacite du législateur. L’ exemple de la « réhypothèque » de certains actifs illustre bien notre propos (cf. notre lettre d’information de janvier).
Enfin, ces perturbations sur le marché du Repo représentent-elles une conséquence imprévue des nouvelles règles concernant le levier d’endettement ? L’opinion dominante semble négative. Les banquiers centraux à la Réserve fédérale se souviennent encore de la crise en 2008, et ont peur que l‘assèchement du marché du Repo se répète. Les sceptiques pourraient penser que ces banquiers centraux se concentrent trop sur les symptômes de la crise plutôt que sur sa cause. Il est bien établi qu’au point culminant de la crise (avant la possibilité des sauvetages des banques), la paralysie, en particulier celle du marché du Repo, a été provoquée par les contreparties insolvables, qui renonçaient à leur obligations de rendre les liquidités ou le collatéral. En conséquence, la confiance, dont ces marchés interbancaires dépendent, a disparu. Le spectre d’un nouveau gel du marché du Repo ne fera que renforcer les risques systémiques, dans le cas où des problèmes d’insolvabilité referaient surface.
Des taux d’intérêt bas contribuent à la fragilité du marché du travail
A la conférence annuelle de « Jackson Hole », l’idée d’élaborer une nouvelle façon de mesurer le chômage et les conditions sur le marché du travail a trouvé de nombreux appuis. Les doutes subsistent quant à l’efficacité de l’assouplissement quantitatif (QE). La cause : des taux d’intérêt proches de zéro freineraient le retour au plein emploi.
Fin août, la crème des banquiers centraux s’est réunie à Jackson Hole, dans le Wyoming, pour assister à la conférence annuelle de la Réserve fédérale de Kansas City. Chaque année la conférence a un thème. L’an passé c’était, « l’assouplissement quantitatif (QE) : quand et comment se terminera-t-il ? ». Le thème de cette année portait sur le chômage, avec un titre pour le moins grandiloquent : « réévaluer les dynamiques du marché du travail ».
Il semblerait que Mme Yellen, la Président de la Réserve fédérale américaine (Fed), ait enfin reconnu l’existence d’un problème souvent abordé dans les lignes de cette lettre d’information, à savoir, que les données du chômage peuvent être trompeuses. Par exemple, elles ne prennent pas en compte les personnes désabusées, qui quittent tout simplement le marché de l’emploi et ne se retrouvent plus dans les statistiques mensuelles de l’administration américaine. Mme Yellen se penche donc sur le développement d’un nouvel indicateur permettant de suivre l’évolution du marché du travail. Ce nouvel outil est appelé « Labour Market Conditions Index » (LMCI : Indice des conditions du marché du travail) ; il prend en compte le taux de participation de la main d’œuvre et plusieurs autres variables. Elle considère que le LMCI est un meilleur indicateur – que le simple taux de chômage – car il évalue le dynamisme du marché du travail. D’après cette nouvelle méthode, le chômage reste encore considérablement plus élevé au’avant la crise. En conséquence, Mme Yellen reste préoccupée de la force actuelle de la reprise économique américaine :
« Le comportement récent des salaires nominaux et réels indique que les conditions de reprise du marché du travail sont plus faibles que l’on penserait si l’on examinait uniquement le taux de chômage actuel ».
Néanmoins, Mme Yellen ne s’oppose pas à une hausse des taux, notamment si les futures données du marché du travail étaient meilleures que prévu.
On retrouve une inquiétude similaire parmi les banquiers centraux britanniques. La Banque d’Angleterre conduit sa politique de taux en fonction de l’évolution des salaires.
Le Président de la BCE, Mario Draghi, a pris en considération la détérioration du marché du travail européen, dont les données de cet été suggèrent qu’un nouveau ralentissement économique est en cours. Le ralentissement semble toucher principalement la France, l’Italie et même l’Allemagne. Cependant, le ministre des finances allemand, Schäuble a récemment déclaré que « la BCE en a déjà assez fait ». L’Allemagne est donc résolument contre un stimulus de plus à ce stade.
Dans son discours, M. Draghi a placé les inquiétudes sur le marché du travail au premier rang des problèmes européens. L’Europe a subi une seconde augmentation du chômage, trois ans seulement après la crise de 2008/2009. . Dès le début de 2011, tout indiquait que certains pays ne pourraient pas acquitter leur dette sans un sauvetage financier, et la perte de nombreux emplois a fait croitre le taux de chômage européen jusqu’à des niveaux qui viennent à peine de se rééquilibrer. M. Draghi a profité de l’occasion de ce rendez-vous très médiatisé pour exprimer ses doutes quant à l’effet d’un QE dans la zone euro sur les conditions du marché du travail, dans la mesure où les gouvernements nationaux ont échoué à mettre en œuvre les reformes structurelles jugées nécessaires. A la manière d’un préparateur physique qui réprimanderait un groupe de personnes ayant échoué à perdre du poids après trois ans de thérapie, si ces personnes ne sont pas satisfaites du résultat, il faut se rendre à l’évidence qu’ils sont les seuls responsables, car lui, a tout tenté.
Bien que ces discours révèlent les doutes qu’ont les banquiers centraux qu’une politique de taux d’intérêt proches de zéro (ZIRP, pour Zero Interest Rate Policies) puisse aboutir aux résultats économiques escomptés, il y a encore une grande différence entre ces simples doutes et un réel scepticisme à l’égard d’une ZIRP. Ces doutes ont d’ailleurs été vivement exprimés par la Banque des règlements internationaux.
C’est au contraire un autre point de vue qui semble gagner un soutien toujours plus large : la ZIRP contribuerait au manque de dynamisme du marché du travail En réduisant le coût de l’argent en dessous de prix du « marché », les biens d’équipement sont devenus, de manière disproportionnée, bon marché, comparés au coût d’un travailleur. Une analyse coût/bénéfice vérifie cette hypothèse. Par exemple, l’installation d’une machine pour vendre des billets dans une gare devient plus avantageuse, avec de faibles taux d’intérêt, que d’employer une personne pour ce même travail. Une simple méthode d’actualisation, en utilisant les taux d’intérêt moyens sur la période, permet ainsi d’optimiser les flux de trésorerie. Le problème avec la ZIRP est donc double : le coût d’emprunt pour la machine n’est pas seulement plus bas, c’est aussi le coût actualisé des salaires qui augmente automatiquement lorsqu’on applique un taux d’intérêt proche de zéro. Cela pourrait expliquer en partie la tendance à remplacer les emplois peu qualifiés par des machines, comme on l’observe dans les supermarchés.
Il s’agit d’un cas typique de mauvaise allocation des ressources et de « malinvestissement » (qui tire son origine de l’économie Autrichienne). Quand les taux remonteront, les investissements excessifs en biens d’équipement des entreprises seront plus chers à rembourser et pèseront sur les budgets. Ces entreprises se tourneront vers le facteur travail, pour autant qu’il soit plus productif que les investissements. Cependant, le manque d’employés qualifiés – du fait qu’une longue période de chômage pèse sur la productivité – rendra la concurrence pour cette main d’œuvre plus intense. La pression salariale augmentera, et la combinaison de l’excès de la capacité en capital et la pression salariale croissante intensifieront la stagflation que nous avons déjà constatée jusqu’à présent.
Gordon Kerr, John Butler, Enrico Colombatto
2 commentaires
stagflation
Je suis surpris que les auteurs parlent de "stagflation" car si la croissance est assurément en berne en France (entre autres), nous ne sommes pas en période de forte inflation…
Stagflation
Définition de la Stagflation:" La stagflation est une situation économique caractérisée par une croissance de l'activité nulle ou très faible et une inflation. La stagflation s'accompagne en général d'un taux de chômage élevé.
Le terme "stagflation" a été employé pour la première fois en 1965 par Iain Macleod, homme politique britannique qui fut le Chancelier de l'Échiquier, pour qualifier la situation économique du Royaume-Uni alors que les autres pays développés connaissaient encore une période de forte croissance ("les Trente Glorieuses"). Dans les années 1970, il permet de caractériser une situation inédite de ralentissement de la croissance et d'une forte inflation provoquée par l'augmentation des prix du pétrole et des autres matières premières."
Après une période de déflation qui commence, c'est exactement la situation que nous allons connaître.
En clair, la baisse du niveau de vie se terminant par la ruine….
Un seul remède, la mise en place d'urgence de Paradis fiscaux qui relanceront les économies, l'investissement, la créativité et la CONFIANCE, donc la baisse du chômage.