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Berlusconi a gagné une bataille mais pas la guerre

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Berlusconi a obtenu un vote qui devait le sauver, mais il a finalement fait voter pour le gouvernement qu’il voulait renverser. Cet épisode tragi-comique de la vie politique italienne n’efface pas les difficultés économiques de l’économie italienne. C’est l’opinion du Pr Enrico Colombatto (Université de Turin) directeur de la recherche de l’IREF.

La chronologie de la dernière crise italienne est très simple. Berlusconi avait besoin de torpiller le gouvernement dont ses hommes faisaient partie. Il s’agissait d’une décision prise avec quelques réticences, car la chute de l’équipe conduite par M. Enrico Letta aurait ouvert la fenêtre sur un futur très incertain. Pourtant, Berlusconi avait deux bonnes raisons pour le faire. D’une part, il fallait réduire le Sénat au silence avant que la Commission Sénatoriale ne vote son exclusion du Parlement suite à sa condamnation pour fraude fiscale. D’autre part, il fallait créer un nouveau terrain de jeux pour négocier la grâce avec le Président de la République, Giorgio Napolitano, qui est le véritable patron de Letta et, aux yeux de la communauté internationale, le garant de la stabilité politique italienne.

Les dissidents quittent le parti et la gauche est secouée

Hélas pour Berlusconi, il a probablement gagné une bataille mais perdu la guerre. On connait la suite d’un mercredi troublé. Berlusconi demande un vote de confiance pour abattre Letta et donner une leçon à Napolitano. Pourtant, quelques heures plus tard entre 20 et 40 sénateurs berlusconiens ont reculé: pas question pour eux d’abandonner leurs postes, ni de s’engager dans une nouvelle, sanglante et coûteuse campagne électorale, une campagne que les Italiens auraient eu du mal à comprendre et qui aurait fait plusieurs victimes dans le camp des Berlusconiens. Finalement, Berlusconi a fait marche arrière et fait voter en faveur du gouvernement qu’il voulait supprimer deux ou trois heures auparavant: une humiliation monumentale. Elle est partiellement compensée par deux éléments. D’une part les dissidents ont été obligés de quitter le parti et de former un nouveau rassemblement politique. La présence de ce rassemblement exige une nouvelle composition de la Commission Sénatoriale qui doit s’exprimer sur l’expulsion de Berlusconi. Ça prendra du temps, même si on voit mal ce que Berlusconi fera de ce gain de temps. D’autre part, Berlusconi a réussi à secouer ses opposants. Le parti de Beppe Grillo s’est divisé sur le vote de confiance et sur la possibilité de participer à un nouveau gouvernement de Letta, tandis que la gauche a du mal à expliquer pourquoi ils acceptent de faire partie d’une coalition avec l’homme considéré comme le paria de la politique italienne.

Les politiques étouffent les entrepreneurs

Les conséquences de cette bataille sont difficiles à prévoir. Letta sort de cette expérience plus fort, car son opposant a été affaibli ; mais aussi plus faible lui-même, puisqu’il est clair que Letta n’a le courage ni de démissionner, ni de s’engager sur un plan de réformes crédibles et radicales. Autrement dit, le problème italien se compose d’un équilibre précaire des finances publiques et d’un manque structurel de croissance. Il est manifeste aujourd’hui que la politique financière italienne est décidée à Berlin et soutenue par les promesses de la Banque Centrale Européenne; et que Letta n’a ni les idées ni la force pour relancer l’économie.
Dans ce cadre, les revirements de la politique italienne sont amusants, mais avec des retombées limitées. À présent aucun des leaders sur la scène n’a les qualités pour produire ce dont le pays aurait besoin. On s’approche donc peu à peu de la catastrophe : stagnation économique et dette intenable. C’est vrai, l’économie de l’Italie est encore performante et ses petits et moyens entrepreneurs sont toujours là. Pourtant, on a l’impression que la classe dirigeante de la presqu’île fait de son mieux pour les étouffer.
Enrico Colombatto
Directeur de la Recherche de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales) et professeur à l’université de Turin

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