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La fiscalité peut-elle être libérale ?

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Le meilleur impôt pourrait être celui qui n’existe pas. Certains libertariens souhaitent une société établie seulement sur des rapports contractuels et privés dans laquelle il n’y aurait pas besoin d’impôts parce qu’il n’y aurait pas besoin de police, de justice, de services sociaux… tous ces services étant assurés par des organisations privées et soumis au régime contractuel. Mais une telle société est illusoire. Les individus peuvent s’associer pacifiquement, mais il arrive toujours que des conflits surviennent. Ceux-ci peuvent être réglés par accord des parties, voire par arbitrage consenti par les parties. Mais si l’une des parties refuse, il faut pouvoir la « trainer » en justice. Ce qui peut requérir la force publique. Il y a des indigents ou des incapables dont personne ne voudra s’occuper… Bientôt la communauté se dotera de services communs et elle aura besoin de ressources, donc d’impôts.

Des impôts de liberté

Pour autant, l’impôt n’est pas nécessairement spoliateur et peut contribuer à l’expression de la liberté plutôt que de lui nuire. Il lui faut à cet effet répondre à certains critères :

Simple : l’impôt doit être lisible, prévisible, compréhensible. Les contribuables doivent pouvoir l’évaluer aisément. Une certaine diversité des assiettes d’imposition est souhaitable pour prendre en compte les différentes façons de gagner sa vie et de la dépenser. Mais le pire des maux est celui qui consiste à compliquer et augmenter tant les impôts qu’il faut y ajouter sans cesse des dérogations et des exceptions pour les rendre supportables : les niches (dépenses fiscales) dont le montant avoué de plus de 90 Md€ au budget 2024 n’est que la partie immergée de cet iceberg.

Démocratique : l’impôt doit être partagé par tous ceux qui participent à la vie politique. Faire voter les impôts qui pèsent sur quelques-uns par ceux qui majoritairement ne les payent pas est source d’injustice et d’irresponsabilité. C’est malheureusement le cas en France où 10% des contribuables payent 70 à 75% de l’impôt sur le revenu, une majorité de ceux qui votent l’impôt s’auto-exemptant de le payer.

Raisonnable :  l’impôt doit être mesuré. C’est d’ailleurs l’intérêt de l’Etat car trop d’impôt tue l’impôt : « les hauts taux tuent les totaux » disait Laffemas, ministre d’Henri IV. La France n’est pas raisonnable : les recettes fiscales en 2022 représentaient 46,08% du PIB français contre une moyenne de 34,04% dans l’OCDE.

Juste : Le juste, c’est ce qui revient à chacun.  Lorsque la collectivité rend des services publics ouverts à tous (non excluables selon Samuelson) et dont le bénéfice qu’en tire chacun n’ampute pas celui des autres (non rivaux), par exemple la défense nationale, il faut répartir le prix de manière globale et indépendamment des contreparties. Sinon, il faut que leur montant corresponde le mieux possible au coût du service rendu (cas de la collecte des ordures par exemple).

Les impôts proportionnels satisfont plus facilement à ces critères. A cet égard la TVA n’est pas en soit un mauvais impôt, à condition qu’elle ne soit pas pervertie par la déclinaison de trop de taux. L’impôt proportionnel sur le revenu serait également un très bon impôt, facile à déclarer et à percevoir, d’un excellent rendement pour autant qu’il ne soit pas perclus de niches. La CSG en offre l’exemple.

Des impôts sur le patrimoine ne sont pas forcément mauvais s’ils ne sont pas cumulatifs. On peut admettre qu’en soient frappés les biens qui sont valorisés par l’environnement dû à des dépenses publiques de sécurité, d’amélioration … Mais la France est l’un des pays qui taxe le plus le capital et le détruit : cf. la crise du logement. Les impôts sur le patrimoine représentent 3,67% du PIB en France selon l’OCDE contre 1,89% en moyenne dans l’OCDE.

Des prélèvement sociaux responsables

Neutralité :  un bon impôt est aussi celui qui attente le moins possible aux situations et ne vise pas à modifier les c comportements, car ce n’est pas son rôle. L’impôt est fait pour donner des moyens à la collectivité, pas pour être un moyen de redistribution sauf à favoriser l’arbitraire. Toute progressivité d’ailleurs est arbitraire parce qu’elle fixe des seuils qui le sont.

Adéquation des recettes et des dépenses : D’une manière générale, les régimes sociaux de la sécurité sociale font l’objet de financements croisés qui en empêchent la compréhension et rendent plus difficile d’y remettre de l’ordre financier. Les cotisations ne financent que les 2/3 des retraites qui sont alimentées par des taxes affectées ou assimilées pour 60Md€ et par des concours directs des administrations centrales pour 65 Md€. De même les caisses de maladie maternité ne sont fiancées qu’à hauteur de 60% par les cotisations. Si la Caisse des allocations familiales, CNAF, ne finançait pas chaque année d’important déficits des autres branches de la Sécurité sociale, elle serait en excédent de 12Md€. Les cotisations sont devenues des impôts sociaux. Les financements des régimes sociaux manquent totalement de transparence et deviennent de plus en plus difficiles à réformer. Comme les collectivités locales qui à défaut d’être maîtres de leurs recettes, ne le sont pas non plus de leurs dépenses.

Ce qui explique que la France ait les dépenses sociales les plus élevées du monde : 31,6 % du PIB en 2022 selon l’OCDE contre 21,1% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Et elle utilise les prélèvements sociaux pour contribuer à la redistribution dont sont déjà l’objet les dépenses sociales. Double pénalité.

Subsidiarité : En réalité, l’Etat ne doit intervenir que lorsque les individus et autres collectivités intermédiaires ne le peuvent pas par eux-mêmes. Ce n’est pas le cas en matière d’assurances sociales, sauf pour une modeste partie de la population. Chacun est capable de choisir et négocier son assurance automobile ou logement. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la retraite, le chômage ou la maladie ?

La confusion du juste et du bien : L’Etat politique est devenu un Etat social, la justice est devenue une justice sociale, dénoncée par Hayek, dans la confusion du juste et du bien. Cette dérive est une longue histoire qui doit sans doute tout à la fois d’une part à l’hubris du pouvoir toujours prompt à se mêler de ce qui ne le regarde pas et qui a voulu faire la charité à la place des personnes et d’autre part à l’émotivisme, le règne des bons sentiments, que Rousseau a définitivement établi en modèle de société.

Il nous reste à retrouver la raison et le sens de la justice, sans s’interdire à titre personnel de pratiquer la charité.

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1 commenter

Maellys93 6 mai 2024 - 12:38

Magistral ! Tout est dit sur l’impôt.
Sauf un point qui à mon avis est important.
L’impôt n’est VIABLE que s’il est CONSENTI par CEUX qui y CONTRIBUENT!
En France ce sont principalement les CLASSES sociales dites «LABORIEUSES & MOYENNES »
Elles ont toujours eu une préférence pour les technocrates «intelligents».
Et elles CONTINUENT de les ELIRE à chaque scrutin électoral.
Mazarin aurait dit :  « … Il y a quantité de gens qui ne sont ni pauvres, ni riches. Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! … ce sont ceux-là qu’il faut taxer! … car plus tu leurs en prends, plus ils travaillent pour compenser …C’est un réservoir inépuisable.»
La référence historique n’est pas garantie.
Mais le propos est éclairant.

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