Pour que la Corse dispose d’un statut d’autonomie, un accord de principe a donc été noué ce 11 mars 2024 sur un projet d’ « écriture constitutionnelle ». Son contenu est encore à définir et son approbation n’est pas acquise.
« La présente écriture constitutionnelle prévoit la reconnaissance d’un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre », dirait le premier alinéa de l’accord. Mais encore faut-il que l’Assemblée nationale et le Sénat votent la révision dans le même texte et que les chambres réunies en Congrès à Versailles l’acceptent à la majorité des deux tiers. Un chemin semé d’embûches.
D’ores et déjà une droite jacobine sans laquelle cette majorité sera introuvable s’inquiète des atteintes à l’unité de la nation. Éric Ciotti fixe sa « ligne rouge » en s’opposant à tout transfert de pouvoir législatif à l’Assemblée territoriale corse tandis que Bruno Retailleau craint que la réforme ne constitutionalise le communautarisme. Manuel Valls, l’ancien premier ministre socialiste, y voit lui-même une boîte de Pandore pour d’autres particularismes. Et il est vrai qu’il n’est jamais bon de discuter sous la menace de la violence d’une population pourtant déjà bénéficiaire de statuts spécifiques et d’avantages presque exorbitants, qui en veut toujours plus.
Des avantages fiscaux ont déjà été octroyés à la Corse sans mesure : crédits d’impôt de 20 ou 30% sur les investissements des PME, TVA allégée à tous les niveaux, exonération de taxe foncière sur les propriétés agricoles, abattement de 25% sur la cotisation foncière des entreprises, exonération de la moitié de droits de succession et de la totalité des droits de partage…
Quelle autonomie ?
Certes, il est plutôt sain de s’interroger sur l’autonomie des territoires de la République. Car nos collectivités locales sont anémiées aujourd’hui par le centralisme républicain. Des collectivités autonomes seraient plus fortes, dans l’intérêt de la nation tout entière, mais à condition que l’autonomie soit le fruit d’une véritable décentralisation et non de la déconcentration dont on s’accommode depuis des décennies et qui produit de mauvais résultats. L’autonomie des collectivités locales n’a été encouragée jusqu’à présent qu’en leur demandant d’exercer plus de compétences, sans leur permettre de disposer de ressources propres à cet effet. Elles restent donc dépendantes de crédits arbitraires de l’Etat et les habitants de ces territoires ne font pas de lien immédiat entre les dépenses qu’ils réclament à leurs élus et les impôts qu’ils vont payer.
Il n’y a pourtant de véritable autonomie que lorsqu’elle est comptable de ses ressources et de ses charges. La force et la mesure de la démocratie suisse tiennent précisément à ce que les communes et les cantons y sont, pour l’essentiel, maîtres de leurs ressources au travers des impôts qu’ils lèvent. Les habitants savent ainsi que rien n’est gratuit et ils évaluent les conséquences de leur vote avant de réclamer toujours plus de dépenses. Ils sont responsabilisés. Ce que ne sont pas les Corses qui aujourd’hui bénéficient de tant d’avantages sur le dos des contribuables du continent.
La nécessaire égalité devant la loi
Par ailleurs, il n’est pas juste, et pas compréhensible, que la Corse obtienne un statut particulier refusé aux autres. Certes, elle est une île. Elle en subit les surcoûts mais profite de maints atouts qui les compensent, et elle sait combien elle y gagne grâce au tourisme. Chaque région a ses forces et ses faiblesses. Chacune peut prospérer à sa manière. L’Etat central peut aider un territoire en difficulté, mais il est souhaitable que la fiscalité nationale soit la même pour tous. Toute justice repose sur les principes d’égalité devant la loi et d’objectivité dans son application. Lorsque la justice, fiscale ou autre, devient subjective, à la carte, opportuniste, toutes les dérives deviennent possibles.
Par contre, il n’est pas illégitime que chaque territoire dispose de sa liberté d’imposer. Transférons aux Corses les compétences locales qu’ils veulent assumer et donnons-leur le droit de lever les impôts dont le revenu, selon la moyenne des rendements nationaux, correspondraient aux charges actuelles qui leur sont transmises. Si les Corses veulent baisser ensuite ces impôts au profit de leurs contribuables, en réduisant corrélativement leurs charges, qu’ils le fassent. Par ailleurs, cessons, progressivement sans doute, de leur consentir des avantages iniques lorsqu’ils sont refusés aux autres contribuables français, ou accordons-les à tous.
De même, donc, permettons aux autres régions françaises de disposer des mêmes règles de partage de compétences et de ressources. La Bretagne les demande déjà d’ailleurs. Des collectivités pleinement responsables d’elles-mêmes trouveront mieux qu’aujourd’hui les moyens d’être au service de leurs citoyens/contribuables avec une meilleure efficacité et à un moindre coût. Celles qui n’y arriveront pas seront sanctionnées, ne serait-ce que par le vote, avec leurs pieds, de leurs habitants et leurs industries. La concurrence est toujours vertu.
6 commentaires
Assez d’accord avec vos propos et pourtant je suis politiquement de gauche.
Bonjour. Le libéralisme n’est pas une idéologie « de droite ». On peut être libéral et politiquement « de gauche ». Il me semble que j’en suis la preuve : social-libéral ? La libre entreprise et la liberté tout court entraînent le progrès, et pas un Etat omniprésent. Un Etat doit être exercer en priorité ses compétences premières (police, justice, politique étrangère, défense, organisation des infrastructures), ce qu’on appelle le « régalien » (même si ce terme est à mon goût trop teinté d’ancien régime).
Bien cordialement.
Autonomie, c’est-à-dire prise de contrôle des populations par les mafias locales. C’est du tout vu. Et puis après cet exemple, la Bretagne avec ses factions d’extrême gauche, l’Alsace et ses irrédentistes d’extrême droite germanique, la Catalogne et ses groupuscules indépendantistes de grand n’importe quoi. La fin de l’Etat de Droit.
Il restera le pres carré républicain de l’Auvergne et peut-être seulement la Lozère !
Vous écrivez que « les Corses aujourd’hui bénéficient de tant d’avantages sur le dos des contribuables du continent ». Il est possible que quelques entreprises corses bénéficient de tels avantages, mais ce n’est pas le cas de la population.
Pour quelles raisons n’indiquez-vous pas qu’en Corse: (1) le coût de la vie est un des plus élevés de France (cf. produits alimentaires et carburants), (2) les traitements des fonctionnaires et les pensions des retraités sont exactement les mêmes qu’en France continentale, (3) le pourcentage de personnes sous le niveau de pauvreté est plus élevé que dans n’importe quelle région de France continentale ?
Autonomie pour les îles oui mais en contrepartie : fin des aides.
La Corse indépendante . J’espère que l’on empêchera les importations de fruits, de vin, de charcuterie et pas plus f’un bateau par semaine avec le continent .