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Taxation des rachats d’actions : la nouvelle ineptie du Gouvernement

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Après des mois de tergiversation, la taxe sur les rachats d’actions devrait voir le jour. Malgré son faible rendement – 200 à 300 millions d’euros espérés –, elle aura des effets négatifs certains. En plus d’être profondément injuste.

Le doute n’est plus permis. La taxe sur les rachats d’actions devrait voir le jour pour aider à combler ce déficit qui a surpris Bruno Le Maire. A vrai dire, la petite musique se fait entendre depuis au moins un an. En mars 2023, le président de la République, interrogé sur TFI et France 2, avait mis le sujet sur la table : « Quand on voit des entreprises qu’on a aidées […], de grandes entreprises qui font des revenus exceptionnels et qui les utilisent pour racheter leurs actions, je demande au gouvernement de travailler sur une contribution exceptionnelle quand il y a des profits exceptionnels ». Quelques jours plus tard, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, revenait sur le sujet : « Les entreprises qui font des rachats d’actions, qui ont les moyens de le faire, doivent distribuer plus d’intéressement, de participation, de prime défiscalisée ». Quant à François Hommeril, le président de la CFE-CGC, il n’y allait pas par quatre chemins : « On devrait couper les subventions publiques aux entreprises qui font du rachat d’actions. Ce devrait être interdit ».

Ces jours derniers, c’est Gabriel Attal, le Premier ministre qui a remis l’idée au goût du jour en déclarant au Monde qu’il estimait possible de taxer « les opérations type rachats d’actions menées par de grands groupes qui, plutôt que d’investir et de mieux rémunérer leurs salariés, rachètent leurs propres actions pour faire monter leur cours ». La veille, dans l’Opinion, l’oracle de la Macronie, Jean Pisani-Ferry, approuvait l’idée. Cela équivaut à une bénédiction.

 Le rachat, une pratique en vogue

Selon Les Échos, la taxe ne devrait rapporter que 200 à 300 millions d’euros (M€), autant dire pas grand-chose vu l’ampleur du déficit public.

Le rachat d’actions est une opération qui consiste, pour une entreprise, à racheter ses propres actions pour les annuler. Généralement, il fait augmenter le cours de Bourse parce que le bénéfice par action croît mécaniquement.

Le rachat d’actions est critiqué pour deux raisons majeures. La première est qu’il favoriserait les actionnaires – qui profitent de la hausse du cours et du bénéfice par action –, sous-entendu au détriment des salariés. La seconde est qu’il mobiliserait de l’argent que les entreprises n’investissent pas dans des projets nécessaires à leur développement.

La voracité des actionnaires mettrait, en quelque sorte, en péril l’avenir de l’entreprise. Dans ces conditions, on comprend bien que, pour les étatistes, l’État doive intervenir afin de « protéger » les entreprises, leurs investissements, leurs emplois et les salaires de leurs collaborateurs contre des actionnaires qui ne pensent qu’à s’enrichir en dormant.

En 2021, les sociétés françaises du SBF 120 ont réalisé des programmes de rachats d’actions pour l’équivalent de 28,7 milliards d’euros (Md€) ; en 2022, c’était 27,2 Md€ ; en 2023, 32,3 Md€. Alors qu’en 2018 et 2019, on atteignait à peine 13 Md€.

Comment ne pas trouver indécent tout cet argent donné aux actionnaires, alors que l’État peine à trouver 20 Md€ d’économies ? En s’en prenant aux « riches », le Gouvernement montre qu’ils sont mis à contribution pour redresser les finances publiques et, au passage, flatte l’aile gauche de son électorat.

Des critiques qui ne tiennent pas la route

Rappelons d’abord, comme nous l’écrivions dans ces colonnes il y a deux ans, que les actionnaires ne se « gavent » pas puisque la distribution de liquidités entraîne une baisse de la valeur de l’entreprise, et donc de son cours de Bourse. Les actionnaires ne peuvent pas s’enrichir avec le rachat d’actions. Ce qu’ils gagnent d’un côté, ils le perdent de l’autre.

Ensuite, comme l’explique Christophe Bonnet, professeur à Grenoble École de management (GEM), il est faux de dire qu’un rachat d’actions fait mécaniquement monter le cours de bourse car il entraîne une hausse du bénéfice par action. Il cite un récent numéro de la lettre Vernimmen qui rappelle que « corrélation n’est pas causalité ! » En effet, « les entreprises rachètent leurs actions lorsqu’elles sont en bonne santé, pas lorsqu’elles sont en difficulté. Observer simultanément un rachat d’actions et une hausse du cours n’indique pas que le premier a causé la seconde mais, simplement, que l’entreprise va bien ». Par ailleurs, insiste Bonnet, l’effet des rachats d’actions sur le cours des sociétés cotées « ne résulte pas, en général, du rachat en tant que tel mais d’autres facteurs comme le signal envoyé : l’annonce d’un rachat indique que les dirigeants sont confiants dans l’avenir ou que le cours actuel est sous-évalué, ce qui rassure les investisseurs ».

Quant à l’idée que les rachats d’actions nuisent à l’investissement, c’est tout aussi faux nous dit Christophe Bonnet. Les enquêtes sur grand échantillon montrent que « la grande majorité des chefs d’entreprise n’ont recours aux rachats d’actions que lorsqu’un surplus de liquidités est disponible après que les investissements ont été financés, pas avant. La décision financière (racheter des actions) vient après la décision industrielle (investir pour préparer l’avenir). La recherche montre que ce sont surtout les entreprises qui ont des excès de liquidités et peu d’opportunités d’investissements rentables qui rachètent leurs actions ». On pourrait donc dire que le rachat d’actions est une mesure de bonne gestion puisqu’il s’agit d’éviter des investissements non rentables.

Le professeur Bonnet nous invite à d’élargir la perspective à l’ensemble de l’économie. En distribuant leurs liquidités, sous forme de rachats d’actions, les entreprises matures permettent « la réallocation du capital vers les entreprises jeunes et en croissance » car l’argent est le plus souvent réinvesti par les actionnaires. Ce sont, au final, les startups, les PME, les ETI, les licornes…, toutes les entreprises en croissance qui ont besoin de lever des capitaux qui en profitent. Comme le demande Christophe Bonnet : « Pourquoi vouloir dissuader les grands groupes qui dégagent des surplus de distribuer leurs liquidités alors que d’autres entreprises en ont besoin pour croître et innover et que les distributions aux actionnaires permettent cette réallocation ? »

Enfin, comme l’écrit David Barroux dans Les Échos, « on voit mal pourquoi chercher à faire progresser sa capitalisation boursière serait une hérésie. Cela peut permettre de repousser une OPA, de se renforcer pour financer une éventuelle opération de croissance externe, en partie payée en titres, tout en récompensant les actionnaires (qui au passage peuvent être les salariés) ».

Bref, vouloir taxer les rachats d’actions est une ineptie. Ce n’est pas la première, ni la dernière, du double quinquennat d’Emmanuel Macron !

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11 commentaires

DEL 25 avril 2024 - 6:43

Tout est bon au gouvernement pour se disculper des erreurs qu’il fait et pour combler son déficit. Quand les entreprises se retirent de la bourse et que les petits actionnaires perdent leur capital, personne ne leur vient en aide, alors que quand ils gagnent un peu on les taxe alors pourquoi rajouter, comme d’habitude, impôt sur impôt au lieu de freiner les dépenses et distribuer à tout va ??? On marche sur la tête !

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LYBD 25 avril 2024 - 7:08

Taxer les entreprises pour les faire participer au déficit de l’état. Taxer le privé pour « sauver » l’état.
Voilà bien la démarche incompétente de nos politiques et hauts fonctionnaires.
A croire que la réussite gêne voire indispose!!!!!

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Mathieu Réau 25 avril 2024 - 5:42

En même temps, c’est toujours le privé qui finance l’État.
Qu’est-ce, d’ailleurs, que l’État, sinon l’ensemble des pouvoirs que lui délègue le privé et les moyens de financement qui vont avec ?…

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Jean Guicheteau 25 avril 2024 - 9:01

Lorsque vous retirer de l’argent au distributeur automatique, êtes-vous plus riche ou moins riche qu’avant ? Ni l’un, ni l’autre, vous avez simplement rendu plus liquides une partie de vos avoirs. Pour les rachats d’action, c’est la même chose. En outre s’il y a hausse du cours, et il y a plus-value à la revente, qui est déjà taxée…

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Jean-Aymar de Sékonla 25 avril 2024 - 9:04

Macron œuvre, depuis le début, au démantèlement de la France. Tout ce qui peut affaiblir nos entreprises et les offrir à la prise de contrôle de groupes étrangers est bon pour lui:
-Entraver le rachat d’actions par l’entreprise c’est laisser ces actions achetables par des puissances financières étrangères.
-Refuser la retraite par capitalisation c’est empêcher l’épargne des français de s’investir dans les entreprises françaises au bénéfice des puissances financières étrangères.
-Etc.
Bon, on ne va pas faire semblant de découvrir la mission mondialiste qui a été assignée à Macron !

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s 25 avril 2024 - 12:22

Quand on est assez stupide pour laisser les fonctionnaires de l’ENA prendre le pouvoir, qu’attendez vous de la part d’ignares de l’économie?

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louis 26 avril 2024 - 8:25

et n’oubliez pas c’est aussi protéger les dépenses somptuaires de l’état et le train de vie princier des dits énarques

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HANLET 28 avril 2024 - 4:06

Mais il parait que c’était un « Mozart de l’économie » ! On nous aurait menti ?

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Mathieu Réau 25 avril 2024 - 5:40

Il reste que vous ne répondez pas à la critique quant au fait que le surplus de liquidités que les entreprises réinvestissent en rachat de leurs actions, elles ne le distribuent donc pas sous forme d’accessoires de salaire à ses employés qui participent, un peu, quand même, aux bons résultats de l’entreprise : si vos arguments sont tout à fait entendables, celui-ci l’est également. Le bénéfice pour les salariés serait d’ailleurs beaucoup plus perceptible que celui d’un éventuel réinvestissement de l’argent gagné par les actionnaires. Donc il y a bien débat et des points de vue qui se valent sur ce point bien précis.
Je me permets également d’observer que vous vous réjouissiez récemment de la toute récente réforme de l’assurance-chômage, pourtant à peu près aussi inepte que ce projet de taxation, puisque fruit de la même panique gouvernementale quant au dérapage budgétaire de l’État. Dans les deux cas, le manque de vision et de lucidité pour l’économie française est flagrant, mais vous encensez l’un de ses effets quand vous maudissez l’autre ?
Curieuse attitude…

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Patrick LOUIS 26 avril 2024 - 4:57

Un gestionnaire de fonds n’est pas et ne raisonne pas comme un actionnaire. Le gestionnaire salarié gère l’argent des épargnants tout en gardant prioritairement ses propres objectifs qui sont mécaniquement de court terme. Il joue la logique de sa propre promotion dans la structure qui l’emploie. ainsi, il est par nature court termiste et exige des réntabilités souvent folles pour prouver a ses mentors qu’il est performant. L’actionnaire individuel a sa stratégie de propriétaire. Il porte lui même les risques nés de ses décisions. le financier Macron n’était qu’un employé de banque tres bien rémunéré et non pas un actionnaire. cassons cette logique infernale. Osons cantonner les fonds de pension a la simple gestion et possession d’ actions sans droit de vote. Favorisons la promotion et la diffusion de l’actionnariat individuel . Favorisons fiscalement l’actionnariat de proximité… Tout cela en gardant une exception pour la production de fonds familiaux et de salariés actionnaires .
Le capitalisme dominé par les fonds de pension aboutit inexorablement à une forme de socialisation du marché financier. Continuons ce qui se passe et le tryptique fondamental : Liberté – responsabilité – propriété perdra chaque jour un des pieds de sa stabilité et donc notre société d’Hommes libres.

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AlainD 30 avril 2024 - 9:54

Je vois que Pisani-Ferry a encore frappé. Cet homme a l’oreille de Macron et ce n’est pas bon signe. Il gagnerait peut être à se recycler car en matière économique, il brille par son incompétence.

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