L’article  » L’impôt immoral  » de Jean-Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, est publié par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles dans son numéro du 15 décembre. Lire l’article sur le site du magazine ou plus bas.
L’impôt est une nécessité pour faire vivre la communauté citoyenne, mais pas à n’importe quel prix. « Au dessus de 40 % de prélèvements obligatoires, c’est le socialisme » avait asséné Valéry Giscard d’Estaing qui avait lui-même, à la fin des années 70, dépassé ce seuil au-dessus duquel la France navigue à vue depuis lors. Mais plus encore que le socialisme, ce qui est en cause au-delà d’une certaine limite, c’est la moralité de l’impôt dans ses modalités comme dans son objet et dans ses fondements.
Le législateur peut-il légitimement revenir sur les contrats conclus avec les épargnants comme il l’a fait en juillet pour augmenter de 20 à 25% les droits sur l’assurance vie en ce compris pour les dépôts opérés antérieurement ? Le comble de l’immoralité a été atteint en ce mois de novembre lorsque sur un amendement proposé par le rapporteur général de la commission des finances, l’Assemblée nationale a voté, avec l’accord du gouvernement, l’annulation du dispositif entré en vigueur en 2006 pour exonérer d’impôt les plus values mobilières (actions, obligations…) à raison d’un tiers de leur montant par année de détention au-delà cinq ans, soit en totalité après huit ans. Cette mesure qui devait donc devenir effective à partir du 1er janvier 2012 et sur la base de laquelle les épargnants avaient pu bâtir leur stratégie patrimoniale d’investissement est morte avant d’être née et remise en cause comme une promesse rompue sans indemnité ni préavis. Dans un tel cas, une réparation est due en droit par l’auteur de la rupture à celui qui en a souffert. Mais en l’espèce, l’Etat s’arroge le droit de ne pas respecter le droit.
L’impôt est également immoral lorsqu’il finance ce que nous réprouvons : les musées d’art moderne où la vulgarité le dispute à la banalité et à l’inculture (cf ; la biennale actuelle de Lyon par exemple), des subventions aux journaux politiques ou à des associations militantes de causes réprouvées, ou encore des dotations aux syndicats (4 milliards) à tel point injustifiées que les parlementaires cherchent à en cacher les conclusions… Il l’est lorsqu’il atteint indument la propriété au-delà du raisonnable, par un ISF prélevé sur des biens qui ne génèrent pas de revenus. Il l’est lorsqu’il se substitue indument à l’initiative privée pour participer au capital des entreprises. Il l’est lorsque, au lieu de sécuriser l’avenir par des retraites par capitalisation, il continue de favoriser presque exclusivement, sauf pour ses élus, un système de retraite construit comme une immense pyramide de Ponzi, à la Madoff, qui explosera un prochain jour en plein vol. Il l’est lorsqu’il crée des niches fiscales, chacune d’entre elles étant, par définition, un avantage au profit de quelques uns au détriment de tous les autres. Il l’est lorsque les lois de finances se succèdent de mois en mois, prenant les contribuables par surprise, pour imposer les plus-values, les boissons sucrées ou non, les hauts revenus, les banques, l’énergie, les voitures, les télécoms, les forêts, les trains… Il y environ 130 mesures nouvelles qui augmentent les impôts depuis 2010.
L’arme fiscale
Certes, un discours politiquement correct justifie ces dérives au nom de la démocratie car elles sont toutes et toujours votées par les représentants du peuple, élus en bonne et due forme, ce qui n’est pas contestable. Mais outre que ceux-ci ne peuvent pas faire n’importe quoi du seul fait de leur élection, qu’ils ne sont légitimes que pour autant qu’ils agissent dans le respect du droit, c’est-à -dire de ce qui est juste, – ce qui n’est pas manifestement pas toujours le cas dans les situations susvisées-, il est difficile de considérer que l’impôt est voté démocratiquement lorsque la moitié des électeurs ne payent pas l’impôt auquel ils assujettissent les autres. La fiscalité devient alors très vite une arme idéologique plutôt qu’un outil au service de la collectivité.
Et là est bien le vice inhérent à la fiscalité contemporaine. Elle a été dévoyée pour financer non plus seulement les activités régaliennes dont l’Etat est traditionnellement en charge (défense, sécurité et justice), mais des domaines inépuisables et d’ailleurs inépuisés, du secours à tous les malheurs du monde, hélas eux aussi inextinguibles, à la prise en charge de tous les besoins d’un peuple qui réclame d’autant plus d’assistance qu’il est plus assisté. L’Etat devient lui-même comme le grand inquisiteur de Dostoïevski qui proclamait que la multitude avait besoin de servitude, il reproduit le modèle de la Rome décadente régnant en offrant sans cesse plus de pain et de jeux. Ce faisant, l’Etat détruit l’homme à petit feu, en le faisant mijoter dans une douce quiétude agissant come un poison lent qui tue l’initiative et la liberté, qui attente ainsi à ce qui fait notre propre humanité. Et c’est en cela que l’impôt est aujourd’hui le plus immoral.