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Réduire la durée d’indemnisation fait baisser le chômage

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« Quels effets de la réforme de la dégressivité sur la durée indemnisée et le retour à l’emploi ? », telle est la question que pose une des dernières études du ministère du Travail. La réponse est assez claire : « La réforme de la dégressivité a incités [les allocataires] à raccourcir leur durée passée en indemnisation pour reprendre un emploi plus tôt ». Regardons cela plus en détail.

Un décret de juillet 2019, dit « de carence », met notamment en place la dégressivité de l’allocation de retour à l’emploi (ARE). Les demandeurs d’emploi de moins de 57 ans dont le salaire mensuel brut de référence est d’environ 4 500 € (soit environ 4 900 € depuis le 1er juillet 2024) sont concernés par la mesure qui diminue de 30% leur allocation journalière à partir du 183ème jour (7ème mois) indemnisé.

Une réforme d’ampleur limitée

Cette réforme est censée faire faire des économies à l’assurance chômage, d’une part parce que le montant des indemnisations va mécaniquement baisser, d’autre part parce que les chômeurs vont chercher à reprendre plus rapidement un emploi.

C’est cette dernière composante, dite comportementale, que l’étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail tente de mesurer.

Disons, en préambule, quelques mots sur le public. Au moment où la Dares réalise son étude, environ 85 000 personnes sont potentiellement concernées par la dégressivité, soit 3% des allocataires. Parmi elles, 40 000 (une petite moitié) perçoivent une allocation affectée par la dégressivité. Leur profil : elles sont pour une petite majorité (54%) âgées de plus de 45 ans, elles sont dotées d’un niveau de formation élevé (supérieur ou égal à BAC +5 pour 64% d’entre elles) et qualifiées (85 % sont des cadres). Ce sont, en outre, des allocataires « aisés » puisque leur salaire journalier de référence (SJR) s’élève en moyenne à 298 €.

S’il est intéressant d’examiner l’effet de la réforme sur ces personnes, il n’en reste pas moins qu’elles ne représentent, comme on l’a dit, que 3% des allocataires. Par conséquent, la réforme, quelle que soit son efficacité, ne peut avoir qu’une portée limitée.

Trois méthodes d’évaluation

La Dares a malgré tout étudié ce segment, en appliquant trois méthodes complémentaires pour mesurer les effets de la dégressivité. Elle a d’abord comparé le comportement des personnes concernées par la réforme avec celui d’autres personnes non concernées, vers les 6ème et 7ème mois. On constate que les sorties d’indemnisation sont plus nombreuses dans le premier groupe que dans le second. La réforme a donc incité les chômeurs susceptibles de voir baisser leur indemnisation à accélérer leurs recherches.

La deuxième méthode de la Dares a consisté à comparer l’attitude de deux groupes de même type – l’un concerné, l’autre pas – avant et après la réforme. Il en ressort que les allocataires exposés à une baisse de 30% sortent plus rapidement du chômage en 2022 (après la réforme) qu’en 2018 (avant la réforme). Pour les auteurs de l’étude, « Cette observation est cohérente avec l’hypothèse d’un effet positif de la dégressivité sur le retour en emploi des allocataires exposés : l’anticipation, dès les premiers mois consommés de la baisse de revenus tirés de l’indemnisation chômage, les incitent à sortir significativement plus tôt (dès le 3e mois indemnisé) du chômage indemnisable qu’en 2018 ».

Quant à la troisième approche, elle tente d’apprécier la manière dont se comportent deux cohortes d’allocataires – l’une pré-réforme qui a ouvert un droit entre janvier et juin 2018, et l’autre post-réforme qui l’a fait entre janvier et juin 2022 – au voisinage du seuil de dégressivité. On se rend compte que les chômeurs de la cohorte 2022 sortent plus tôt d’indemnisation que ceux de la cohorte 2018.

Une réforme efficace… à étendre à tous les chômeurs

Quelle que soit la méthode utilisée, il est indéniable que « la réduction de la durée indemnisée s’accompagne d’une reprise d’emploi salarié plus rapide ». L’étude de la Dares contredit donc celle qu’a menée (sans doute trop précocement) l’Unedic en 2023.

Par ailleurs, il est important de souligner que ce retour à un emploi salarié ne s’accompagne pas, en général, d’une dégradation des caractéristiques de l’emploi. Plus concrètement, on remarque que « la dégressivité ne semble pas inciter significativement à reprendre un contrat salarié moins stable » (CDD vs CDI). De même, le salaire de base du nouvel emploi correspond à celui de l’ancien. Cependant, comme le note la Dares, le salaire de base n’intègre pas les primes et autres compléments qui peuvent représenter jusqu’à 30% de la rémunération totale.

La conclusion de l’étude est sans ambiguïté : « En réduisant le montant d’indemnisation versée à partir du 7ème mois aux 3% des allocataires dotés des plus hauts salaires avant leur épisode de chômage, la réforme de la dégressivité les a incités à raccourcir leur durée passée en indemnisation pour reprendre un emploi plus tôt, sans perte de salaire de base ni dégradation de la nature du contrat repris ».

On se demande alors s’il ne serait pas pertinent d’étendre la réforme à tous les demandeurs d’emploi indemnisés par France travail ? La Dares se garde bien de poser une question aussi politiquement incorrecte. Pourtant, le potentiel d’économies est énorme.

De nombreux pays ont introduit une dégressivité des indemnités chômage. En Espagne, aux Pays-Bas et en Suède, le taux de remplacement est réduit respectivement de 10% à partir du 7ème mois, de 5% à partir du 3ème mois et de 10% après 9 mois. En Belgique, l’indemnisation est dégressive par paliers, et en Italie le taux de remplacement baisse de manière continue à partir du 6ème mois.

La différence, c’est qu’en France la dégressivité ne concerne que les allocataires aux salaires les plus élevés, alors que tous ces pays appliquent leur dispositif de réduction des indemnités à l’ensemble des allocataires (hormis les seniors en Belgique et en Italie). Il serait peut-être temps de les imiter… ou, beaucoup mieux, de lancer une réforme de plus grande ampleur : la privatisation de l’assurance chômage, ce qui permettrait de laisser la liberté de choix aux individus.

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8 commentaires

poivre 29 mai 2025 - 8:24 am

« La réforme de la dégressivité a incités [les allocataires] à raccourcir leur durée passée en indemnisation pour reprendre un emploi plus tôt »

Il suffisait de sortir de l’ENA ou de NormalSup pour ignorer cette évidence.

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JC 29 mai 2025 - 9:03 am

On pourrait aussi redécouvrir la dimension “assurantielle” de l’indemnisation du chômage. Entre celui qui ne connaîtra qu’une période indemnisée tout au long de sa carrière, et ceux qui se remettent systématiquement dans le mains de France Travail, dès que leurs droits au chômage ont été reconstitués, on devrait instaurer un système de bonus-malus. Et puis, ce n’est pas la même chose quand le salarié est victime d’une fermeture d’entreprise, ou qu’il se fait licencier pour incompétence ou manque de volontarisme.

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Boutté 29 mai 2025 - 10:07 am

Inutile de faire un article pour une évidence aussi limpide . Que ce soit le Publique qui en souffre le plus en est la preuve .

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bob 30 mai 2025 - 8:43 am

Il est toujours bon de rappeler les vérités.

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DEL 30 mai 2025 - 7:27 am

Bien entendu, il est nullement besoin de sortir de St Cyr pour concevoir qu’il serait tout à fait indispensable de prendre des mesures beaucoup plus drastiques concernant les chômeurs de longue durée, mais faut-il en avoir le courage ?

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gillet 30 mai 2025 - 9:01 am

Ne pourrait-on pas réinstaurer le service travail obligatoire pour ceux qui peuvent travailler ,afin de participer à l’effort de redressement des comptes publiques?

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Boutté 3 juin 2025 - 2:40 pm

Ce qu’on appelle enfoncer les portes ouvertes .

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MIMOSAS 4 juin 2025 - 2:26 pm

Il est intéressant que cette étude ait porté sur seulement 3% des allocataires, et pas n’importe lesquels… Je me souviens de la mise en place de cette réforme, qui visait uniquement ceux qui ont le moins recours au chômage, tout en étant ceux qui cotisent le plus !
Alors la question est : pourquoi une telle étude dont le résultat était évident dès le départ ?
Et bien ce qu’il se passe ici et dans tous les medias : colporter ce résultat dans la presse et les conversations de café, en omettant de préciser qu’il s’agit des 3% des chômeurs les mieux armés pour que cette période dure peu, et en omettant aussi de préciser que ces chômeurs particuliers reprennent “un emploi plus tôt, sans perte de salaire de base ni dégradation de la nature du contrat repris” ce qui est loin d’être la situation des 97% autres !
Mais le plus redoutable est dans le choix de ce qui est comparé :
1ère méthode : on compare les 3% avec les 97%. Comme dit plus haut, les 3% sortent plus vite du chômage que les 97% ce qui a toujours été le cas, rien à voir avec la réforme.
2ème et 3ème : on compare les concernés et les non-concernés en 2018 et en 2022 : les conditions du marché du travail ne sont plus du tout les mêmes et de toutes façons, on ne peut pas transposer à 97% des gens l’attitude de 3%, surtout ces 3%-là.
Alors la question reste : pourquoi une telle étude ?
Ma proposition de réponse : on fait en sorte que tout le monde jette l’opprobre sur TOUS les chômeurs, alors qu’on n’a pas analysé l’effet qu’aurait cette réforme sur les 97% ayant nettement moins de facilités et bien moins de propositions de postes au même salaire qu’avant.
Et ainsi, l’Etat se dédouane, s’il y a beaucoup de chômeurs, c’est parce qu’ils sont trop payés et profitent du système ! Que l’Etat ait fait liquider un nombre record d’entreprises et donc s’écrouler un nombre record d’emplois n’ait même plus discuté.
Je précise que je suis la 1ère à fustiger les chômeurs professionnels et les intermittents du travail, mais il faut être honnête quand on fait des études, et honnête quand on en commente les résultats, surtout lorsqu’ils portent sur 3%, ceux-là qui ont toujours été les moins nombreux et le moins longtemps au chômage !
Petit bonus : en “obligeant” ces chômeurs qui ont abondamment cotisé à ne surtout pas rester 1 mois de plus au chômage, l’Etat s’offre une belle marge et fait des économies qui ressemblent hélas encore à du vol.

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