Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » Les déficits jumeaux dont souffrent la France et les Etats-Unis

Les déficits jumeaux dont souffrent la France et les Etats-Unis

par
1 287 vues
déficits jumeaux la France et les Etats-Unis

La France et les Etats-Unis connaissent des déficits budgétaires et commerciaux. Ceux-ci s’entretiennent les uns les autres. Pour y remédier, il faut s’attaquer aux dépenses publiques.

Le budget des Etats Unis que Donald Trump a fait adopter le 20 mai  à une voix de majorité par la Chambre des représentants, accroîtrait le déficit public de près de 3.000 milliards en dix ans, essentiellement du fait de la prolongation des baisses d’impôts votées en 2017 accompagnée de quelques mesures nouvelles : aide à l’achat de voitures américaines, défiscalisation des pourboires, dotation de 1.000 dollars par enfant… Le déficit représenterait 6 à 7% du PIB par an.  Ainsi, la dette publique américaine estimée à 120 % du PIB par le FMI en 2024 continuerait de croître d’environ 3 points de PIB par an. Selon le FMI, la charge des intérêts atteindra au moins 4,5 % du PIB.

Des déficits budgétaires abyssaux

Au demeurant, la France fait presque jeu égal avec les Etats-Unis. En 2024, elle a le pire déficit public de la zone euro, soit 5,8% du PIB contre 3,1% en moyenne dans les pays de l’Union monétaire européenne. Sa dette de 113% du PIB fin 2024, troisième plus haut niveau de la zone euro, va continuer à croître, sans doute d’environ 3 point en 2025. Selon Eric Dor, les remboursements d’intérêts de la dette publique – 73,8 milliards d’euros en 2025 – devraient représenter 5,6 % des recettes fiscales en France, contre 2 % aux Pays-Bas ou 2,7 % en Allemagne.  La situation continue de se dégrader comme en a prévenu la Cour des comptes évoquant les déficits de la Sécu qui montent comme le lait sur le feu.

Depuis 2000, les dettes publiques des deux pays s’envolent, passant pour les Etats-Unis de 52,4% en 2001 à 85% en 2010 et 123,5% en 2020 et pour la France de 59% en 2001 à 81,6% en 2010 et 122% en 2020.

Des déficits incestueux

La balance des paiements courants des Etats-Unis (qui enregistre les échanges avec le reste du monde) est dans le rouge depuis 1980. Elle représentait un solde négatif de 2,8% du PIB en 2020, de 3,7% en 2021, de 3,9% en 2022 et de 3,3% en 2023. Les Etats-Unis résistent tant que leur monnaie sert de monnaie internationale, mais ses politiques erratiques vont peut-être lui faire perdre cet atout. En France, sous réserve d’un léger solde positif en 2019 (+ 0,6%) et en 2021 (+ 0,2%), la balance des paiements est négative depuis 20 ans : -2% du PIB en 2020, -1,2% en 2022, -1% en 2023.

La France souffre comme les Etats-Unis d’un double déficit commercial et budgétaire, et un lien semble établi entre ces déficits.

Les chercheurs Michel Dupuy et Sylvie Lacueille ont étudié les cas de déficits jumeaux américains lors de trois périodes successives au début des années 1980 puis des années 2000 et après l’adoption en 2017 du plan de relance budgétaire du premier mandat de Trump. Ils confirment une relation stable de long terme et une causalité bidirectionnelle entre les déficits courant et budgétaire américains.

Une causalité réciproque

L’observation est que, sauf si elle est compensée par une hausse de l’épargne privée, une augmentation du déficit budgétaire, résultant d’une baisse des recettes fiscales et/ou d’une hausse des dépenses publiques, s’accompagne d’une détérioration équivalente de la balance des opérations courantes qui enregistre les transactions internationales d’un pays avec le reste du monde[1].

On comprend en effet qu’une hausse du déficit budgétaire crée une augmentation de la demande intérieure qui ne peut généralement pas être satisfaite tout entière par l’offre domestique, ce qui augmente les importations de biens et services à due concurrence et contribue à une détérioration de la balance courante.

Mais la détérioration de la balance courante peut aussi provoquer un déficit budgétaire si elle a un impact négatif sur la croissance économique, contribuant ainsi à une baisse des recettes fiscales et donc à une hausse du déficit budgétaire. La relation de causalité entre les deux déficits peut donc être réciproque, comme dans un cercle vicieux, même si, bien entendu, ces effets de causalité ne sont pas automatiques et dépendent de nombreux facteurs relatifs à l’effet de ces déficits sur la valeur de la monnaie, l’inflation ou la déflation…

Les dépenses sont la cause de tout

Donald Trump voudrait financer ses déficits par l’augmentation des droits de douane. Mais s’il parvient à l’instituer, alors que la justice pourrait décider que cette prérogative revient au Congrès, lui-même réticent, cette hausse des droits de douane risque d’entraver la croissance et de réduire d’autres recettes fiscales. Le protectionnisme affaiblit tous les pays qui le pratiquent. Au surplus, comme l’épargne américaine reste faible, les Etats-Unis continueront de faire appel à des financements étrangers et d’augmenter leur dépendance vis-à-vis du reste du monde.

Pour réduire le déséquilibre de leur balance des paiements, plutôt que de s’isoler du reste du monde, les Etats-Unis devraient équilibrer leur budget de manière ordonnée, sans avoir besoin de faire appel aux initiatives désordonnées et souvent malencontreuses comme celles de M. Musk.

La France n’a pas d’autre choix non plus que de retrouver d’abord un équilibre budgétaire. Mais elle a déjà les prélèvements fiscaux les plus élevés du monde, au-delà du sommet de la courbe de Laffer, dans la pente dangereuse où l’augmentation des impôts tue l’impôt. La tentative désespérée de M. Bayrou de rehausser les impôts de 40 Md€ risque donc d’être non seulement  inutile, mais plus encore contreproductive.

Il ne nous reste donc qu’à réduire les dépenses publiques. C’est possible, comme nous l’avons démontré, mais il y faut des convictions, du courage et de la détermination et malheureusement, il ne semble pas que, en l’état, nos gouvernants aient ces qualités.


[1] L’équation qui décrit cette relation de cause à effet est (S – I) + (T – G) = X – M, où S est l’épargne, I l’investissement, T les impôts, G les dépenses publiques – et donc T – G le déficit budgétaire – et enfin X – M le déficit de la balance des paiements courants.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Laissez un commentaire

6 commentaires

CUVILLON 2 juin 2025 - 8:12 am

Diminuer drastisquement le nombre de Députés et de Sénateurs, supprimer les aides de toutes sortes, les Comités théodules, les Retraites dorées ,( est ce normal qu’un Premier Ministre , même s’il a exercer quelques mois touche jusqu’a la fin de sa vie une Retraite de premier Ministre), le Conseil Constitutionnel, maison de retraite dorée, enfin supprimer les avantages en nature de tous les Elus. Ces économies représenteraient plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Mais comme ce sont les mis en cause qui le décident, il n’y a guère de chance que cela soit voté.

Répondre
Justinien10 2 juin 2025 - 9:10 am

Entièrement d’accord pour cette analyse, mais les solutions sont opposées : la France, avec un taux de prélèvements obligatoires de 47% du PIB, doit réduire ses dépenses publiques, alors que les États-Unis, avec un taux de prélèvements obligatoires de 25% du PIB, doit augmenter ses impôts.
Taux d’épargne en France : 18 % du revenu
Aux États-Unis : 3 % !!!

Répondre
Mijuna 2 juin 2025 - 9:23 am

Réduire les dépenses est justement ce que nos politiques ne savent pas faire

Répondre
Jean Guicheteau 2 juin 2025 - 12:45 pm

Les achats à l’étranger doivent être payés de toute façon mais soit par l’échange de biens et services soit par l’emprunt. Le déficit budgétaire devient alors une façon de maintenir notre niveau de vie artificiellement de quelques points de PIB supplémentaires et l’on comprend pourquoi les hommes politiques sont réticents à baisser les dépenses car cela acterait l’appauvrissement relatif du pays.

Répondre
Galinier Daniel 2 juin 2025 - 11:37 pm

Bonsoir, juste une question: combien de fonctionnaires travaillent à la Cour des Comptes et à quoi servent -ils? Car on nous raconte que la Cour des Comptes a publié un rapport indiquant des mesurent à prendre car ils se sont rendus comptes que le déficit ne cesse d’augmenter malgré les soi-disant mesures appliquées le déficit continu de se creuser!! Donc la cour des comptes se remet à travailler pour écrire toujours la même chose comme tous les ans et publie les mêmes rapports comme tous les ans et bien sûr avec les mêmes résultats!!!!!! Faire toujours la même chose en espérant qu’un jour ça marchera!! Et c’est personnage soi-disant brillant sortis des Grandes écoles politiques, financières, avec le résonnement que je viens de proposer, ont une intelligence de moins d’un enfant de cm1!!!! Combien d’argent dépenser pour rien à payer trop grassement tous ces gens,,,, Le sinistre des finances doit diriger son ministère comme ce que nous appliquons dans nos ménages la directive de “GESTION EN BON PERE de FAMILLE” Avec bien sûr obligation de résultats!!! Que risquent tous ces hauts Fonctionnaires, rien puisqu’ils n’ont pas obligation de résultats!! Et ça fait des années que ces gens là confirment le déficit sans se rendre compte qu’ils y participent grandement!!! quelle honte!! On voit bien que notre système politique et financier est pourri jusqu’à l’os et accepter par les politiques de tout bords!!

Répondre
Y'enamarre 3 juin 2025 - 10:54 am

Au vu des derniers commentaires du ministre ce ne sera jamais à l ordre du jour.
La conviction, l’aplomb ou le courage sont des mots qu’ils ne connaissent pas.
La lâcheté par contre celui là ils connaissent.
Dans ce pays ce seront toujours les mêmes qui paieront !
Faire ces valises est ; je pense la meilleure solution pour une vie meilleure !

Répondre