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Françoise Thom : Comprendre le poutinisme

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A l’heure où Emmanuel Macron rencontre Poutine et où la commission d’enquêté sur le vol MH 17 confirme ce qu’on soupçonnait déjà, c’est-à-dire la responsabilité russe, il est utile de se plonger dans les mécanismes du poutinisme, d’autant plus qu’il bénéficie en France d’un inquiétant sentiment de sympathie dépassant largement les clivages politiques. Françoise Thom, qui a déjà écrit plusieurs livres sur la Russie, le communisme ainsi qu’une remarquable biographie sur le sinistre personnage Beria, nous décrit avec beaucoup de pédagogie l’ascension de Poutine et nous aide à comprendre ses racines.

Le poutinisme est d’abord un mélange de communisme, de russisme et de capitalisme d’Etat et mafieux. On ne peut pas saisir la société russe de nos jours sans bien appréhender le fonctionnement du régime communiste et son système répressif. Un Russe sur quatre a connu la détention et cette situation a imprégné fortement la société. L’idéologie, le langage, le comportement de la pègre ont contaminé le monde russe et le tissu social. La société s’est structurée en plusieurs grands corps : les bureaucrates, les politiques et les mafieux sans qu’il y ait une séparation parfaite entre les trois. Chacun a besoin de l’autre car tous sont des prédateurs et leur but est de s’enrichir. Les connivences étaient déjà actives sous le communisme mais sans les possibilités de faire fortune comme aujourd’hui.

A la chute de l’URSS, il fallait mettre la main sur les grands groupes industriels de matières premières et sur le magot du parti, 50 Mds de dollars. Les anciens apparatchiks, les officiers du KGB et les nouveaux politiques se sont fait la guerre pour accaparer le pouvoir et l’argent. Au début, Boris Eltsine canalise tant bien que mal ces batailles mais la maladie l’oblige à céder le pouvoir et, à la grande stupéfaction du pays, il nomme (août 1999) Vladimir Poutine au poste de Premier ministre. Crédité à seulement 1 % dans les sondages, Poutine était un inconnu mais qui avait agi efficacement dans les coulisses. Dans les « affaires » à Saint-Pétersbourg, il était lié à la célèbre mafia de Tambov qui contrôle le port. En 1991, il réalise un énorme coup : il réussit à mettre la main sur la Banque Rossia fondée en 1990 où était déposé l’argent du Parti. Parallèlement, il met en place l’opération « nourriture en échange de matières premières » (un troc avec les pays européens pour importer des denrées en échange de livraison de bois, de métaux, de pétrole…) Opération qui lui rapporte environ 100 millions de dollars tandis que les habitants de la ville continuent à faire la queue pour se procurer des denrées alimentaires. Il sera aussi à la tête de la commission des jeux et grâce à ses copains du KGB (lui-même étant un ancien officier), il réussit à se débarrasser de quelques mafieux encombrants. Il prend le contrôle du marché de l’essence et devient consultant d’une société immobilière germano-russe qui, en réalité, blanchit l’argent des activités criminelles, comme l’a révélé la Police fédérale criminelle allemande en 1999. Les révélations des Panama Papers en 2016 confirmeront le fait que Poutine a expatrié une partie de sa fortune dans des comptes offshore sous le nom d’un homme de paille, son ami d’enfance le violoncelliste Sergueï Roldouguine. Remarqué par Pavel Borodine, le compagnon de bouteille de Boris Eltsine, Poutine arrive à Moscou, lance une nouvelle société de construction de datchas et gagne les faveurs d’Eltsine qui voit en lui un excellent organisateur et un bon arbitre au milieu des oligarques et autres mafieux. « Il y a trois moyens d’agir sur les hommes, a-t-il déclaré en 2000. Le chantage, la vodka et la menace d’assassinat ». Il suivra à la lettre ces préceptes en rajoutant la propagande au travers des médias et internet.

Etat, corruption, apparatchiks et anti-occidentalisme

Le programme politique de Poutine se réduit à une vision très simpliste du monde. D’un côté la Russie, de l’autre, ses ennemis. En parlant de la Russie comme d’un pays assiégé en permanence par des ennemis imaginaires, il renforce le sentiment nationaliste et fait oublier à la population les problèmes quotidiens. Sur le plan national, il centralise tout et nomme tous les notables dans tous les coins de la Russie, ce qui va amplifier l’arbitraire et la corruption. Les députés ne sont que des serviteurs du pouvoir et toute opposition est étouffée rapidement. Un département de l’Information centralise… l’information et met la main sur tous les médias. Dans le domaine économique, les premières mesures (en 2 000) sont plutôt bénéfiques avec la mise en place d’une flat tax à 13 % et la baisse de l’IS de 35 à 23 %. La Russie connaîtra d’ailleurs une période d’embellie économique jusqu’en 2004, grâce aussi à la hausse du prix du pétrole. En même temps, les oligarques trop audacieux sont écartés, tel Mikhaïl Khodorkovski arrêté en 2003. Ce dernier voulait soutenir aussi quelques partis d’opposition (pour créer un parti il faut avoir au minimum 50 000 membres !) en vue des élections de 2004. Mais toute l’économie est aux mains de l’Etat et des oligarques : sur 132 millions de Russes, 100 millions travaillent directement ou indirectement pour l’Etat ! La corruption aurait représenté environ 316 Mds de dollars en 2005, 10 fois plus qu’en 2001. Contrairement aux prévisions du pouvoir, l’économie russe est touchée de plein fouet par la crise de 2008 : le PIB chute de 7.9 % en 2009 et l’embellie économique n’est jamais revenue dans un pays qui dépend de l’exportation de matières premières. Il suffit de voir quelles sont les 10 premières entreprises… Les Russes sont inquiets et nombreux sont ceux qui partent à l’étranger, de jeunes étudiants comme de grandes fortunes (début 2017, on estime à 1 233 Mds de dollars les actifs russes à l‘étranger, c’est trois fois plus que les réserves de l’Etat russe en devises).

Ni islamisme, ni poutinisme

Assassinats d’opposants (Litvinenko), de journalistes (Anna Politkovskaia), le pouvoir de Kremlin est impitoyable et règne comme au temps de l’URSS (les avions civils abattus et les empoisonnements faisaient aussi partie de la panoplie soviétique). Le même sentiment anti-occidental dirige les actions de Poutine à l’international, il a réussi à faire croire qu’il serait un rempart à l’islamisme. En fait, il suit la doctrine de l’ « eurasisme » (l’alliance de l’orthodoxie et de l’islam contre l’Occident) dans les relations internationales comme en interne (tout le Caucase du Nord s’est réislamisé sous son règne).
L’autocrate de Kremlin bénéficie d’une aura inexpliquée dans les pays des droits de l’homme. Françoise Thom montre, grâce à des exemples concrets et des arguments irréfutables, que ce personnage est en fait un des pires ennemis de l’Occident. La propagande gagne du terrain grâce au travail très efficace des nouveaux médias russes installés en Occident, grâce aux hackers et à la désinformation. L’Occident doit défendre ses valeurs contre cette offensive. Ni islamisme, ni poutinisme.

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2 commentaires

Picot 30 mai 2018 - 11:13

Du calme
Restons calme. La Russie nous menace?? Dans ce cas on se demande pourquoi il y a 42 bases de l'Otan qui l'encerclent. Combien de bases Russes sur le pourtour des USA? Ou même en Europe? Les résultats de l'enquête sur l'avion abattu sont plus que suspects au vu des auteurs qui l'ont faite. Certes tout n'est pas rose chez Poutine mais les Russes, auxquels il a redonné leur fierté, le suivent. Des assassinats? Possible, bien sûr jamais chez nous. Boulin n'a pas été assassiné, Bérégovoy non plus voyons! Chez nous, nous avons un Président légitime élu avec 18% des inscrits. Pas comme ce bandit de Poutine qui a certainement volé son élection. Aucune corruption chez nous, contrairement à ce qui se passe en Russie, c'est bien connu. Qu'est ce que c'est que ce bouquin??

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Dolad 9 juin 2018 - 11:01

Troll?
Picot est il un troll ?

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