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Politique du logement : pilotage à vue

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La crise du logement qui se profile a tout pour être « historique », selon Les Échos. La Fédération française du bâtiment (FFB), de son côté, a annoncé mi-avril que les mises en chantier de logements étaient en baisse sévère et que les projections pour 2025 étaient catastrophiques. L’organisation patronale en a donc appelé à l’État et a réclamé un « bouclier logement ». Mais est-ce vraiment la solution ? Car selon la Cour des comptes, en matière de logement, l’État navigue à vue.

Les chiffres du logement ne sont pas bons. C’est la FFB qui le dit : baisse de 6,4 % des mises en chantier entre février 2022 et février 2023 ; baisse de 5,1 % des permis de construire sur la même période, et de 26,7 % depuis le début de l’année. Les ventes de logements neufs sont aussi en chute (-31,4 % pour les particuliers et -16,2 % pour les promoteurs), ce qui n’augure rien de bon pour les mises en chantier futures. Les projections pour 2025 ne sont pas meilleures, avec une baisse de 25 % des mises en chantier de logements neufs qui entraînerait la suppression de 100 000 postes.

Le recours à l’État

Immanquablement, l’organisation patronale en appelle à l’État afin qu’il instaure un « bouclier logement » pour les ménages : prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu’à la fin de l’année 2024 sans discrimination territoriale ; instauration, au moins jusqu’au 31 décembre 2024, d’un crédit d’impôt lié à la règlementation environnementale RE 2020 équivalant à 15 % des annuités d’emprunt pendant cinq ans ; restauration du dispositif Pinel dans sa version de 2022 et sans exclure la maison individuelle, dans l’attente de la mise en place du statut de bailleur privé.

Cet appel à l’intervention publique est inquiétant, tant nous savons combien elle est inutile. L’Iref n’a pas cessé de montrer, ces dernières années, que les gouvernants mènent en la matière une politique de gribouille qui produit irrémédiablement des résultats inverses à ceux que l’on recherchait : surprotection des locataires, réglementations écologiques, imposition excessive des revenus locatifs, plafonnement des loyers, surimposition des propriétaires, multiplication des logements sociaux, rationnement du foncier constructible, aides en tous genres, interdiction des locations touristiques, réglementation de l’accès au crédit, etc. On pourrait continuer longtemps à lister les maux qui frappent le logement et la propriété immobilière en France, maux qui s’aggravent à chaque changement de ministre – déjà 9 titulaires ou cotitulaires depuis qu’Emmanuel Macron est président de la République –, le nouveau voulant à tout prix se distinguer de son prédécesseur.

Cela dit, pour la Cour des comptes, ce n’est pas l’excès de réglementations et de taxes qui empêche le marché du logement de fonctionner correctement, mais le manque de données.

L’État manque de données pour piloter la politique du logement

Dans un référé rendu à la fin du mois d’avril 2023, la Cour des comptes révèle que les décideurs publics ne regardent jamais les pratiques de nos principaux voisins. Pourtant, affirment les magistrats, la politique française du logement « pourrait bénéficier d’une approche européenne comparée pour améliorer son efficience ». Nous en sommes convaincus à l’Iref et nous nous efforçons de mettre régulièrement en avant des exemples étrangers, bons ou mauvais.

Nos gouvernants, sans doute persuadés de leur génie, préfèrent travailler en vase clos. Encore faut-il qu’ils puissent prendre des décisions sur la base d’informations correctes. Dans un autre référé, rendu public l’été dernier, la Cour des comptes estime que « pour garantir l’efficience d’une politique publique qui représente pour l’État un coût annuel proche de 40 Md€ », il est essentiel de disposer de « données fiables, exhaustives, récentes et accessibles aux responsables et aux acteurs du logement ». Notamment, les décideurs publics, précise la Cour, doivent avoir « une connaissance raisonnable des parcs de logement social et privé afin d’établir, à partir des réalités territoriales, de l’expression du besoin des demandeurs et des caractéristiques humaines et sociales de ces derniers, les stratégies les plus appropriées en matière d’offre de logement neuf, de lutte contre l’habitat indigne, de rénovation énergétique ». Or, selon les magistrats de la rue Cambon, ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Pourtant, la Cour a identifié 12 bases de données publiques sur la politique du logement, mais elles sont complexes, non actualisées, insuffisamment fiables et non exhaustives. Les observatoires des loyers et les associations départementales d’information sur le logement (Adil), financés sur fonds publics, sont ainsi beaucoup moins fiables que les sites internet privés qui fournissent des informations sur les loyers et les ventes de logement. A tel point, s’étonne la Cour, que ces derniers « viennent parfois nourrir ou étayer les bases publiques ».

Pour ne pas dépendre des données privées, la Cour des comptes enjoint l’État à accroître substantiellement « sa capacité d’information territoriale », notamment en décloisonnant les bases de données publiques. Elle constate, par ailleurs, que la suppression de la taxe d’habitation prive l’État de données essentielles et demande, pour y remédier, la création d’un « répertoire inter-administratif des locaux, adossé aux bases de la DGFiP ». D’où la nouvelle inquisition dont sont victimes les propriétaires !

L’oubli du marché

Nous ne voyons pas pourquoi s’appuyer sur des données privées plutôt que publiques serait un problème. Si le secteur privé est capable de fournir des informations fiables à moindre coût que le public, pourquoi s’en priver ?

Cependant, ce n’est pas parce que l’État disposerait de données satisfaisantes et qu’il s’inspirerait de ce qui se fait à l’étranger que la politique publique du logement ne naviguerait plus à vue.

En effet, les magistrats de la Cour des comptes, manifestement peu formés à la science économique, oublient que l’on n’a rien trouvé de mieux que les prix pour coordonner les actes de millions d’individus et pour transmettre l’information. Seuls les prix provenant de la coopération volontaire peuvent indiquer la valeur relative des biens et services sur le marché comme l’a montré Hayek. En intervenant à tout bout de champ sur le marché du logement, en taxant et en réglementant, les gouvernants faussent les prix. Par conséquent, quoi qu’ils fassent, ils ne disposeront jamais des bonnes informations nécessaires pour prendre des décisions correctes. Qu’ils abandonnent donc leur « présomption fatale » et laissent les millions d’individus concernés échanger librement sur le marché. Le logement des Français ne s’en porterait que mieux.

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8 commentaires

THIERRY C. 16 mai 2023 - 4:49 am

Pardonnez ma naïveté.
Le ministère ignorerait le nombre de logements, la répartition par taille, par usages (résidence principale ou secondaire, propriétaire occupant ou bailleur, logement occupé ou vacant) …
Comment croire cela alors que l’administration taxe ? Les diverses impositions seraient-elles décidées à l’aveugle ? Comment imaginer qu’il ne soit pas possible, un jour donné, de regrouper et additionner ces données utilisées par le fisc ? A quoi sert l’outil numérique si ce n’est précisément à l’obtention de quantités (fiables) en moins de 24 heures ?

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accenteur 16 mai 2023 - 5:45 am

En matière de logement, l’état ne navigue pas du tout à vue. Il fait absolument tout pour provoquer une pénurie magistrale (qui s’installe petit à petit) et pour empêcher tout le monde (ou presque) d’accéder à la propriété. La politique fiscale est désastreuse, les contraintes réglementaires se multiplient. Tout est fait pour que ça se passe très mal et tout est fait pour que l’état prive ses administrés de leur liberté.

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Roven 16 mai 2023 - 5:51 am

On a tout fait pour dissuader l’investissement locatif : réglementation sur les « passoires thermiques » bloquant les locations et même les ventes par atteinte au droit de propriété, protection abusive des locataires et des squatters etc. et de plus la location touristique temporaire est plus rentable. Ensuite on s’étonne de ne plus trouver de logements à louer. C’est beau la technocratie à courte vue : on casse tout, ensuite on s’étonne et finalement on subventionne pour réparer. Heureusement que nous payons des impôts, mais pour combien de temps avant une remise en cause de ce système pervers ?

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Farid 16 mai 2023 - 10:16 am

Et bientôt les locataires ne pourront plus payer. Je suis sorti, basta!

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maxens 16 mai 2023 - 3:54 pm

Macron déteste les propriétaires, donc tout est fait pour les faire payer. Le message à été bien reçu, plus personne ne veut être propriétaire, (ou tout du moins beaucoup voudrait être propriétaire mais ils ne veulent pas les emmerdes), et comme les locataires sont beaucoup plus protégés, que les crédits sont cher, et les charges contraintes en hausse, et bien les gens choisissent de rester locataire, et la crise de la construction est là. Macron a fait ses choix, on a le résultat

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LEXXIS 18 mai 2023 - 3:01 pm

LA FINANCE ET LE FONCIER, CELA NE PASSE PAS PAR LA MÊME PORTE…

En tant que financier et le rapport Attali le révélait déjà, le président Macron a horreur de tout ce qui freine la circulation de l’argent, puisque c’est sur cette circulation que le financier prend sa dime et s’enrichit. Comme de juste, les deux « têtes de turcs » de la gens financière sont les propriétaires fonciers et les retraités qu’ils qualifient péjorativement de rentiers, sans du tout avoir ‘l’intelligence de leur utilité . Sur ces deux catégories , tous les coups sont permis avec dans les deux cas des conséquences désastreuses. Pour le foncier, l’État et ses affidés n’ont toujours pas compris que s’il existe bien des propriétaires sans locataires, on n’est jamais arrivé, même avec les outils les plus élaborés de la BA (Bêtise Artificielle) que nous maîtrisons si bien en France, à créer cette espèce de locataires hors sol qui formeraient la classe des locataires sans propriétaires. Quant aux retraités il savent depuis longtemps avec la hausse brutale et non compensée de la CSG et la désindexation chronique de leurs pensions (2,20 % encore pour 2022 et le pire risque d’être encore à venir), que ce pouvoir attaché à leur déclassement ne leur veut pas que du bien.

Et quand , hélas sans jamais pouvoir être exhaustif, on considère dans notre pays, les faillites conjointes de l’Éducation nationale, de la santé, de la sécurité, de la justice, de notre industrie, de notre politique nucléaire et bien sûr du logement, quand on voit l’inflation enfler comme un fleuve en crue qui s’apprêter à quitter son lit, quand on mesure l’étendue de la fraude sociale plus que tolérée par des administrations qui devraient la poursuivre et la sanctionner sans relâche, on s’aperçoit que le pays qui avait cru choisir la sécurité et la prospérité grâce au savoir-faire d’un » génie de la finance » paye aujourd’hui au prix fort le prix de son erreur.

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bonnin 21 mai 2023 - 5:48 am

Cette politique du logement fait partie de la logique globaliste , c’est l’un de ses principaux piliers: la dépossession qui vise la réduction des libertés ‘et la fin des classes moyennes , il n’y a pas d’erreur ou d’incompétence chez les gouvernants (qui pensent faire partie des élus). Spoliation des petits propriétaires , (les locataires eux sont plus faciles à contrôler). Sortir de l’immobilier? pour quelles valeurs refuges qui sont les gages de la liberté .Après la dépossession des petits propriétaires bailleurs, ce sera (et c’est déjà) celle des résidences principales. Couper la tête de l’hydre est l’absolue priorité

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ORILOU 22 mai 2023 - 4:04 pm

Après avoir tout fait pour dissuader les Français d’investir dans le logement locatif qui se doit d’être social évidemment, l’état s’attaque au logement d’habitation privé (signe de richesse condamnable). Suppression de la taxe d’habitation qui n’était pas payée par tus les Français, loin s’en faut, ce qui a privé nos communes de ressources pourtant fort utiles. Dans le même temps, on s’en donne à coeur joie sur les taxes foncières.
Ajouter une Inflations de normes fluctuantes et toujours plus contraignantes au nom de l’ECOLOGIE.
Au sabotage de notre industrie succède celui du bâtiment !
Pas étonnant que le nombre de fonctionnaires augmente pour une France qui ne fonctionne pas.

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