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Pour des logements abordables : et si l’État cessait d’intervenir ?

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La France connaît une crise du logement historique : le nombre de permis de construire en 2023 a baissé de 23,4 % par rapport à l’année précédente – c’est le plus bas depuis les années 2000 selon le ministère de la Transition écologique. Les contraintes écologiques inutiles assomment les propriétaires, tout comme le poids de la fiscalité (CSG, IFI). Cerise sur le gâteau, le nombre de ménages en attente d’un HLM bat tous les records en 2023.

C’est dans ce contexte tendu que Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du Logement, a présenté en Conseil des ministres, début mai, un projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables. Il devrait « offrir de nouveaux outils aux maires pour construire, simplifier les procédures administratives afin d’aller plus vite, libérer l’investissement dans le logement abordable, faciliter l’accès au logement des Français ». Sont notamment prévus :

  • un assouplissement de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) qui sanctionne les villes ne respectant pas le quota de 20 % de logements sociaux. Les communes pourront désormais construire 20 à 25 % de logements dits intermédiaires, destinés aux classes moyennes, dont le loyer est réglementé aux prix du marché ; cela, à condition d’avoir déjà atteint 10 à 15 % de logements sociaux dans le cadre d’un contrat de mixité sociale avec l’État.
  • une réduction à un mois des délais : celui des recours gracieux ou hiérarchiques pour un permis de construire, comme celui de l’administration pour y répondre (soit deux mois au total au lieu de quatre). Une présomption d’urgence s’appliquera aux référés suspension en cas de refus d’autorisation d’urbanisme.
  • la fin du logement social à vie : les bailleurs sociaux devront davantage contrôler la situation financière des locataires de HLM. Un supplément de loyer de solidarité (SLS) s’appliquera dès le 1er euro de dépassement du plafond de ressources donnant droit à l’attribution d’un logement social (la tolérance ayant été jusqu’ici de 20 %). Le locataire devra quitter le logement s’il dépasse ce plafond de plus de 20 % (contre 50 % auparavant) pendant deux années consécutives.

Cette réforme a le mérite de révéler quelques règles lunaires qui présidaient à l’attribution de logements sociaux. On apprend par exemple que le patrimoine n’était pas pris en compte : un locataire  pouvait ainsi être lui-même propriétaire d’un logement social. De tels abus ne sont pas rares, même de la part d’élus ! Le député LFI Carlos Martens aurait sous-loué son logement social durant plusieurs mois après son élection ; l’ancien député socialiste Jérôme Lambert a occupé pendant 25 ans un logement à loyer intermédiaire sans avoir signalé ses revenus ; la députée LFI Rachel Kéké réside toujours dans un logement HLM malgré son mandat et sa confortable rémunération.

Bien sûr, le Conseil national de l’habitat (CNH), un organisme rattaché au ministère du Logement, et les associations de locataires HLM (AFOC, CGL, CLCV, CNL, CSF) s’insurgent contre une « chasse aux pauvres » qui risque, selon eux, de déboucher sur une « préférence nationale ». Ils considèrent que ne pas répondre strictement aux critères d’attribution d’un HLM ne signifie pas forcément que l’on est à l’aise financièrement et ils voient ce projet de loi comme une réforme à coloration politique visant à satisfaire un électorat à droite de l’échiquier.

Pourtant, on pourrait très bien accuser les rédacteurs de la loi SRU de faire preuve de clientélisme électoral eux aussi, dès lors que celle-ci impose un nombre minimum de logements sociaux à certaines communes, et attire donc une clientèle captive, dépendante de la redistribution. Le ministre a en effet eu l‘imprudence de rappeler que le logement social n’a jamais eu vocation à être une aide à vie, mais seulement un soutien temporaire de la part de la puissance publique. Des propos forcément polémiques dans un pays de culture socialiste, dont le niveau d’étatisation est tel qu’il rend impensable d’envisager que le travail et l’accumulation de capital soient la meilleure voie pour s’affranchir de son milieu social et s’émanciper économiquement.

Le CNH et les associations de locataires HLM ont raison sur un point : ce projet de loi ne suffira pas à résoudre la crise du logement. Ils se trompent cependant en misant sur sur l’État pour résoudre tous les problèmes. L’IREF ne cesse de démontrer qu’au contraire, c’est lui qui crée artificiellement la crise immobilière. Ses différentes niches fiscales dans le neuf, dans l’ancien et dans l’immobilier locatif orientent les investissements vers les offres les plus fiscalement avantageuses plutôt que les plus utiles. Les logements sociaux, dont nous venons de parler, peuvent être accusés de concurrence déloyale : ils bénéficient, contrairement aux bailleurs privés, d’exonérations fiscales et d’aides publiques. Ils réduisent l’offre de biens privés et encouragent l’assistanat : 42,25 % des locations appartenaient à des bailleurs publics en 2022, contre 35,12 % en 1982. En Allemagne, c’est à peine 2,7 % du parc immobilier total ! À tout cela s’ajoutent l’IFI qui pénalise injustement la propriété immobilière, l’encadrement des loyers qui décourage l’investissement locatif, etc.

La solution n’est pas de produire plus de logements sociaux ; la solution est de simplifier le carcan réglementaire et d’améliorer l’offre de logements disponibles. La « chasse aux pauvres » n’a rien d’intrinsèquement mauvais si l’on considère qu’il est plus important de faciliter l’accès à la propriété que d’avoir des HLM à perte de vue. Le projet de loi de Guillaume Kasbarian va certainement améliorer la situation, mais il ne s’attaque pas à la racine du problème. C’est une réforme profonde dont le marché de l’immobilier a besoin, qui implique un désengagement de l’État ainsi qu’une simplification de la fiscalité immobilière.

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5 commentaires

Thoma 23 mai 2024 - 7:19

Les propositions de Mr Kasbarian ne resoudront pas les problèmes de la fiscalité bien trop élevé que subissent les propriétaires bailleurs et encore moins les problèmes de loyers impayés et les procédures interminables à l’encontre des mauvais payeurs sans même parler des délais d’expulsion qui n’aboutissent que très rarement et les dégâts dans certains cas, très importants et très coûteux impossible à couvrir avec un mois de caution. Donc avant de vouloir construire ou obliger de faire construire des tonnes logements sociaux avec l’argent du contribuable l’état devrait avant tout changer les règles fondamentales afin d’encourager les propriétaires bailleurs privés d’investir dans l’immobilier locatif.

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Thoma 23 mai 2024 - 7:21

Les propositions de Mr Kasbarian ne resoudront pas les problèmes de la fiscalité bien trop élevé que subissent les propriétaires bailleurs et encore moins les problèmes de loyers impayés et les procédures interminables à l’encontre des mauvais payeurs sans même parler des délais d’expulsions qui n’aboutissent que très rarement et les dégâts dans certains cas, très importants et très coûteux impossible à couvrir avec un mois de caution. Donc avant de vouloir construire ou obliger de faire construire des tonnes de logements sociaux avec l’argent du contribuable l’état devrait avant tout changer les règles fondamentales afin d’encourager les propriétaires bailleurs privés d’investir dans l’immobilier locatif.

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Saturne 23 mai 2024 - 9:33

les gens qui n’ont pas droit aux HLM, comment font-ils? Surtout dans les villes ou la Municipalité préempte tous les logements en vente?

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Broussard 24 mai 2024 - 7:59

ligne 10 :  » faciliter l’accès au logement des Français « .
bien ; mais lesquels ?
ceux qui arrivent de n’importe où dans le monde sans n’avoir jamais cotisé à rien et auxquels on donne la priorité par rapport aux autochtones ?

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Koris 25 mai 2024 - 2:43

Vous oubliez les communes qui rendent le foncier extrêmement rare, de façon tout à fait artificiel.

Sur ce dernier point, je ne saurais dire qu’elle solution serait la meilleure.

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