Les professionnels du cinéma sont bien obligés de le constater : 2022 fut une mauvaise année pour leur industrie – moins 30% d’entrées comparativement à 2019.
La situation est telle qu’un appel à des « états généraux du cinéma » a été lancé en octobre de cette année. Car même si la pandémie explique en partie la baisse, même si la concurrence des plateformes n’arrange rien, il y a surtout, du point de vue de certains professionnels, un problème de fond : l’insuffisance de l’action publique. Point de vue que l’on retrouve, par exemple, dans l’interview des réalisateurs Cédric Klapisch et Katell Quillévéré, parue tout dernièrement dans Télérama.
Parmi les perles de cette interview, on retiendra notamment cette affirmation de Cédric Klapisch : le gouvernement refuserait, dans le cadre du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), d’intervenir davantage du fait d’ « une sorte de principe libéral » (sic). Ainsi, le CNC ne ferait pas toujours respecter l’obligation qu’auraient les exploitants de maintenir tous les films pendant quinze jours pour toutes les séances. Et le réalisateur de L’Auberge espagnole (2002) d’enfourcher le dada de… « l’exception culturelle ». « On ne peut pas, dit-il, dans le cadre de l’exception culturelle, se contenter de “laisser faire le marché” ». Pour couronner le tout, Cédric Klapisch déclare à propos de l’Italie qu’elle « sait où mène l’ubérisation dans le secteur culturel… ». Selon lui, donc, c’est la liberté qui détruit l’art cinématographique, et c’est le protectionnisme, la subvention et la réglementation qui peuvent le sauver. Revel l’avait dit dans L’Obsession antiaméricaine (2002) : la cause de l’éclat du cinéma italien ne s’appelait pas subvention, elle s’appelait Rossellini, De Sica, Visconti et Fellini. (p. 187). Peut-être avons-nous également oublié en France que le succès de notre cinéma était lui aussi essentiellement dû à ses talents : Henri-Georges Clouzot, Jean Renoir, Robert Bresson, Marcel Carné, et bien d’autres. Rappelons-nous donc que la subvention ne fait pas automatiquement le succès ; le succès dans les arts est bien plus souvent tributaire du talent du créateur, que d’une quelconque « politique culturelle » d’État.
2 commentaires
Aujourd’hui, le cinéma français des Klapisch et compagnie vise à construire un monde virtuel dans lequel les idées « de gauche », pulvérisées par la réalité, fonctionnent merveilleusement. Il est donc réservé à ceux qui veulent se bercer d’illusions.
Luc Besson prend des risques, lui. Pas de subventions dirait on. Et ses films « déménagent ».