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Zero artificialisation nette : zéro amélioration pour les classes moyennes

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En octobre 2021, Emanuelle Wargon, alors ministre du Logement, avait créé une vive polémique en déclarant que « le modèle d’urbanisation pavillonnaire, ce rêve construit dans les années 1970, dépourvu d’espaces publics et qui dépend de la voiture, constitue aujourd’hui un non-sens écologique, économique et social. Il n’est pas soutenable et nous mène à une impasse ».

Des propos qui avaient soulevé un tollé, tout comme avait intrigué ce drôle de concept lancé par la ministre, celui de «l’intensité heureuse». François Rebsamen, maire de Dijon et président de la Commission pour la relance durable de la construction de logement, l’avait repris en déclarant que « une densité heureuse est possible ». En d’autres termes, qu’il est possible d’entasser les Français dans des enfers urbains et dans des logements collectifs en vue de diminuer leurs émissions de carbone et leur consommation de foncier.

L’histoire du développement urbain récent plaide pourtant pour une vision extensive d’une ville qui, libérée des menaces ayant dans les temps anciens nécessité la construction de remparts, peut s’étendre librement à mesure qu’elle croît. Le rapport parlementaire rédigé par Jean-Baptiste Blanc, sénateur du Vaucluse (LR), rappelle que, depuis 1870, la superficie des aires urbaines a été multipliée par trente alors que la population française a augmenté de 400%.

Un objectif légal qui cible directement les classes moyennes périurbaines en quête d’espace…

Dès 2013, le Conseil et le Parlement européens avaient commencé à sonner la charge contre l’artificialisation des sols en fixant comme objectif aux États membres de stopper « l’augmentation nette de la surface de terres occupées » d’ici 2050. L’objectif « zéro artificialisation nette »[1]  a été introduit par la loi climat et résilience, promulguée en août 2021. Il impose d’avoir dès 2030 divisé par deux, par rapport à la moyenne observée entre 2011 et 2020, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ; puis, dans un second temps, de mettre un terme à cette consommation à l’horizon 2050, l’adjectif « net » supposant que les sols renaturés peuvent compenser la perte de terres artificialisées.

Selon France Stratégie, entre 2011 et 2021, le flux annuel de terres artificialisées était déjà descendu de 30 000 à environ 20 000 ha, dont 63 % consacrés à la construction de logements et 51 % à l’édification d’habitats individuels peu denses (moins de huit par ha).

Durant la période 2006-2014, 46 % des surfaces ont été employées à construire des habitations individuelles, et seulement 3 % pour des logements collectifs.

Les grandes métropoles sont assez peu concernées par l’objectif ZAN : soit leurs habitants les désertent (comme Paris qui en a perdu plus de 120 000 en dix ans), soit elles se développent en intensifiant leur peuplement, ce qui peut aisément se comprendre eu égard à la cherté des terrains constructibles.

Ce sont donc les Français résidant en zones périurbaines et les ménages souhaitant acquérir un pavillon de banlieue qui seront, en définitive, les premières victimes de la loi.

… et qui risque de porter atteinte à la qualité de vie des Français

C’est un fait, la qualité générale des logements de l’Hexagone décroît : par rapport à ceux qui ont été bâtis après-guerre, 27 centimètres de hauteur de plafond et 1,7 m2 de taille de chambre à coucher ont été perdus, leur superficie générale ayant également diminué de 4 % entre 2006 et 2013.

Un processus qui devrait se poursuivre dans la mesure où les solutions proposées par le législateur, notamment en ce qui concerne la compensation des nouvelles zones bâties, sont largement insatisfaisantes.

Malgré le lancement d’un fonds public de 500 M€ destiné à la renaturation des sols, celle-ci, selon les calculs de France Stratégie relayés par le Sénat, ne saurait être considérée comme rentable pour un investisseur privé, même subventionné : alors que le coût moyen d’un hectare de terrain à bâtir atteint 152€, celui de sa renaturation oscille entre 160€[2] et 395€. Au vu des faibles gains tirés des activités agricoles, se pose également l’épineuse question de la nouvelle fonction des terres libérées…

En intervenant sur le marché de l’immobilier, déjà victime d’un amoncellement de normes et d’une fiscalité parmi les plus lourdes des pays développés, l’État prend le risque d’organiser une pénurie du logement et, naturellement, d’en augmenter son coût. Devant la fronde d’élus locaux confrontés à un système qui leur est imposé sans prendre en compte les besoins de développement de leurs territoires, l’Exécutif a dû concéder[3], via une autre loi adoptée en juillet de l’année dernière, un certain nombre d’assouplissements, dont la garantie d’une surface minimale constructible pour chaque commune. L’objectif « zéro artificialisation nette » aboutit donc à la construction d’une de ces belles et grandes usines à gaz dont nos gouvernants ont le secret et qui ne satisfont jamais personne.


[1] L’artificialisation étant également définie comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

[2] En y incluant la démolition des anciens bâtiments.

[3] Comble de l’absurde, la définition des zones artificialisées comprenait jusque-là les parcs et jardins, îlots de quiétude au sein de villes surpeuplées…

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6 commentaires

Henri de Gaudemaris 27 mars 2024 - 8:54

152€ l’hectare de terrain à bâtir !!! D’où sort ce chiffre ?

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Compi 27 mars 2024 - 10:36

Pas d inquiétude nos politiques ont l habitude de faire marche arrière comme ils vont le faire pour le moteur thermique .La crise du logement va être tellement insurmontable que cette loi va faire pschitt .Commençons déjà par réduire la construction de zone commerciale ou il y en a déjà trop (Paris). Il faut que l état arrête de se mêler de tout.

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Gérard PREVOST 27 mars 2024 - 10:45

Article intérêssant mais qu’elles solutions possible ?

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Albatros 27 mars 2024 - 10:54

Bonjour.
« … depuis 1870, la superficie des aires urbaines a été multipliée par trente alors que la population française a augmenté de 400%. »
Pourquoi cette phrase ?
Et pas une formulation plus simple : superficie urbaine + 3000% et population +400%.
J’ai bon ?
Bien cordialement.

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Albatros 27 mars 2024 - 10:58

Le résultat de la « consultation citoyenne » empire le bilan déjà désastreux du « Grenelle » de Sarkozy.
On peut en déduire qu’en matière d’environnement, toutes les bonnes intentions sont à analyser de près avant de les retranscrire en lois. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

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Laurenty 27 mars 2024 - 12:16

j’ai un problème avec vos chiffres de
« d’un hectare de terrain à bâtir atteint 152€, celui de sa renaturation oscille entre 160€[2] et 395€. « 
c’est quoi ce COÛT moyen ? un hectare de 10 000 m2 a 152 euros ?
de même avec 160 euros vous ne payez que une heure de tracto pelle et un transport de proximité des gravats mais pas la mise en décharge 65 euros le m3 . si vous faites la chose en respectant ce que les normes dictent !
dans ce cas de loi complètement aberrante , va t’on considérer que de raser les ruines du château de provin est renaturaliser le sol?
et si les photos aériennes révèlent un tumulus gallo-romain, l’araser sera t’il renaturer dix hectares ?
les murets de limites de champs sur lesquels sont adossés des abris de bergers plus ou moins écroulés cela compte ?
les camionneurs qui font la pause sur la voie d’arrêt d’urgence de l’autoroute A1 seront content qu’on leur disent qu’on ne peut pas augmenter les parkings , mais qu’ils doivent faire ces pauses quand même !et livrer tout entre minuit et cinq heures près de paris.

quoique quoique, cette injonction peut être généralisée au genre humain : si vous voulez ajouter un humain à l’inhumanité vous devez en faire disparaître un ? staline revient : tu es la solution écologique !!

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