Il reste inquiétant de constater cette désaffection des urnes qui exprime un sourd défi et un lourd rejet. Les électeurs attendaient un message clair qu’ils n’ont pas entendu sinon celui qui venait de la contestation radicale de certains, de la France Insoumise au Front National, qu’ils savaient sans espoir.
Le succès fulgurant de M. Macron et l’habileté avec laquelle il a su trouver une majorité de députés qu’on lui disait introuvable sont à la fois remarquables et étonnants. Certes, ils sont dans l’air du temps qui a vu un Brexit improbable s’imposer pour mettre en scène une nouvelle élue, Theresa May, aussi vite détrônée qu’elle avait été intronisée, qui a vu un entrepreneur à la réputation contestée emporter la présidence des Etats Unis, qui a vu les mouvements chaotiques des partis extrémistes en Italie comme en France ou ailleurs. Les électeurs naviguent à vue, ou souvent ils refusent d’embarquer en s’abstenant, comme une manière de refuser l’aval qui leur est demandé d’un système qu’ils récusent : 42,64% de votants au second tour des législatives en France et 9,87% de blancs ou nuls, soit 38,43% d’exprimés contre 47,62% d’exprimés au 1er tour.
En définitive, la République en Marche n’a obtenu que 18% environ des inscrits à la présidentielle le 23 avril 2017 et ses élus domineront l’Assemblée nationale en ayant réuni 13,43% des voix des inscrits au 1er tour des législatives et 16,55% au second tour.
Cela ne remet pas en cause au demeurant la légitimité de leur élection, pas plus que n’est contestable celle de M. Trump qui a pourtant recueilli nettement moins de voix que son adversaire. C’est le système démocratique qui veut ça. La démocratie n’est qu’une technique visant à permettre de gouverner. C’est d’ailleurs pourquoi l’appel à la proportionnelle que ces derniers scrutins suscitent ne sont pas plus raisonnables que ce jeu de yo-yo auquel se sont livrés des électeurs désorientés pour chasser leurs élus. Ils ont voulu sans doute les punir de trop de petitesses, de tant de pusillanimité, de leurs querelles mesquines, de la médiocrité qu’ils font subir à la France. Ils ont éjecté le Parti socialiste qui les a fait souffrir pendant cinq ans d’un mandat pitoyable. Ils sont nombreux à avoir voté Marine à la présidentielle pour exprimer leur désarroi et leur insatisfaction à l’égard du milieu politique, mais ils n’ont pas confirmé leur dépit par crainte sans doute d’être plus déçus encore. Et dépités aussi par les demi-mesures et les demi-mots des vieux briscards de la droite traditionnelle, ils se sont jetés dans les bras d’un jeune premier qui leur a promis un monde nouveau.
Mais il reste inquiétant de constater cette désaffection des urnes qui exprime un sourd défi et un lourd rejet. Les électeurs attendaient un message clair qu’ils n’ont pas entendu sinon celui qui venait de la contestation radicale de certains, de la France Insoumise au Front National, qu’ils savaient sans espoir. Au-delà de l’assassinat organisé de M. Fillon, c’est d’ailleurs son programme qu’avaient voulu massacrer ceux qui en craignaient la vérité et la cohérence. Et la droite a jeté le bébé avec l’eau du bain pour revenir à son inconsistance qui fait fuir désormais les électeurs plutôt que de les rassembler. Dans ce vide politique, les propositions de M. Macron sont apparues dans le juste milieu capable d’attraper la droite et la gauche par le centre. Mais il n’a en définitive obtenu l’adhésion que d’un Français sur six, ce qui est excessivement peu et inquiétant pour la démocratie elle-même.
La réalité est sans doute qu’est désormais durablement installée, dans le monde et en France en particulier, une sorte de défiance à l’égard de la politique et de ses représentants, jusqu’à la répulsion parfois, voire souvent. La politique d’ailleurs n’attire plus les meilleurs, sauf exception. Le temps n’est plus de cette Assemblée de la IIème République, issue, 169 ans plus tôt jour pour jour, des élections du 23 avril 1848, où se retrouvaient pour débattre Lamartine, Louis Blanc, Proudhon, Thiers, Tocqueville, Bastiat, Victor Hugo, Charles de Montalembert et bien d’autres intellectuels aguerris et reconnus autant qu’opposés. Les jeunes, quand ils ont envie d’avancer dans la vie, vont désormais voir ailleurs, dans le monde de l’économie ou à l’université. La politique ne leur donne plus d’appétit parce qu’elle ne débat plus sinon de petites choses ou par le petit coté de grandes choses. Tandis que l’Europe a absorbé une large partie de ses attributions, l’Etat-providence a fait le reste en transformant définitivement les députés en assistantes sociales, ce qui est une belle profession, mais pas la leur.
Une vraie force d’opposition est nécessaire
Il faut craindre que le renouvellement de l’Assemblée ne supplée pas nécessairement à sa médiocrité, pas plus qu’avant la suffisance ne masquait l’insuffisance. Il y aura surement de nombreux élus compétents et de bonne volonté dans cette masse de nouveaux parlementaires, mais rien ne dit encore qu’ils auront de la grandeur, voire qu’ils ne connaîtront pas très vite le même abaissement ou les mêmes turpitudes que leurs prédécesseurs sur le chemin tracé par ceux des ministres qui déjà étalent leurs petits arrangements antérieurs pour se faire trois sous avec l’argent des autres, via les locations à leur entreprise ou le dévoiement des fonctions de leurs assistants parlementaires, et qui intiment aux autres de le taire.
Souhaitons que de grandes figures émergent ayant l’intelligence de la politique et le souci du bien commun. Il faut les deux pour faire une grande politique et il faut une grande politique pour faire un grand peuple, pour lui donner confiance en lui parce qu’il aurait confiance en ceux qui le gouvernent. Le programme Macron présente quelques idées fortes et courageuses, comme l’allègement du droit du travail, le retour à un enseignement rigoureux dans l’école de la République, la baisse de certains prélèvements fiscaux…, en même temps qu’il inquiète par ses dépenses incontrôlées et le renforcement de l’Etat qui voudrait continuer d’infantiliser les citoyens en les déchargeant de taxe d’habitation ou de cotisations chômage et maladie tout en en faisant peser le coût sur l’immobilier ou sur les revenus des indépendants, des fonctionnaires et des retraités. Prenons le meilleur et essayons d’infléchir le moins bon. Mais nous craignons que la poudre d’artifice ne soit pas le meilleur remède pour guérir la France de ses maux. Au sein de la droite délabrée, il serait souhaitable que se lève une force, même petite mais vive, pour promouvoir des idées de liberté, non pas une liberté soumise à la direction de l’Etat comme celle que l’énarchie qui contrôle le pouvoir voudrait instaurer définitivement, mais une liberté d’en bas, celle qui permet à chacun de choisir l’école de ses enfants aussi bien que ses assurance sociales ouvertes à la concurrence, celle de citoyens responsables d’eux-mêmes dans le respect des autres, auquel l’Etat doit veiller, et capables de redonner force et dynamisme à notre société.
4 commentaires
Un problème, l'abstention ? Seulement dans le vote des opposants !
Qui ne dit mot consent !
Les français savaient bien où se trouvaient les bureaux de vote. Bien sur que certains désabusés, ne s'y sont pas déplacés au deuxième tour de ces législatives. Mais aussi et pour la plupart d'entre eux, c'est mon analyse, pour donner sa chance à Macron. Et ils n'ont pas votés pour ses candidats, inconnus pour la plupart, car on ne vote pas pour un homme ou une femme que l'on ne connait pas. Même affublé d'une étiquette "en Marche "!
Quant à un programme de la part de Macron plus explicite et moins défavorable aux plus fortunés, on est en France quand même et il ne faut pas, du moins pour y gagner les élections, ne pas y faire de démagogie visant à aller dans le sens de ce que veulent les électeurs "conditionnés" par des décennies de mensonges.
Il faut simplement attendre de voir comment Macron va s'y prendre pour relancer l'économie en France. L'importance de l'abstention n'a plus rien à y faire.
Pas de quoi se gargariser !
Comme vous le faites si bien remarquer, le parti d'E.MACRON a obtenu la majorité à l'Assemblée Nationale avec un taux de suffrages exprimés qui n'a sans doute jamais été aussi bas. Pour ma part j'ai voté blanc tant je suis dégoûté des "vieux routiers de la politique", ceux-là même qui en ont fait un métier en ignorant leurs électeurs à qui ils ne veulent plus rendre de comptes. En même temps je ne pouvais me résoudre à voter pour le parti d'un homme qui va commencer son mandat en matraquant les retraités, comme s'ils n'avaient pas déjà été pénalisés par un HOLLANDE amateur et méprisant élu par défaut, voire même par erreur. Faut il qu'il soit assez cynique (ou imbécile) pour prétendre que la France va mieux à la fin de son mandat qu'au début.
Macron doit probablement adhérer à l'idée fumeuse de quelques technocrates qui considèrent qu'il est anormal que l'on soit un peu plus à l'aise en fin de carrière qu'au début. Ces petits nuisibles sans doute encore jeunes, ignorent ou feignent d'ignorer que les retraités ont travaillé toute leur vie-44 ans dans mon cas- (et pas 35 heures par semaine) pour économiser 3 sous (mettons 4) et rembourser leurs emprunts à des taux largement plus élevés qu'actuellement… Alors maintenant je l'attends au virage le nouveau président et s'il est dans ses intentions de nous faire les poches, l'Europe est grande…
J'ai voulu voter parce que c'est un droit et que cela devrait être un devoir mais je pense fortement que parmi les abstentionnistes il y ait beaucoup d'électeurs qui partagent mes sentiments.
L'illusionniste !
Tant que E.Macron et son gouvernement ne baisseront pas massivement les dépenses publiques et ne diminueront pas les prélèvements obligatoires, taxes et autres impôts, il ne se passera strictement rien sur le plan économique !
La France est paralysée par ces prélèvements, les règlements et les normes; le secteur privé n'en peut plus mais E. Macron ne voit rien..!??
Regardez sur internet "le compteur de la dette". Il tourne au même régime depuis 1981 ! Prenez la précaution de vous asseoir avant de lire…!
Diminution des dépenses !
4000 postes créés dans l'éducation nationale…!? E. Macron est la copie conforme d'Hollande..
Toujours des dépenses et jamais d'économies; ce Pays est cuit. L'évolution est conforme à ce que j'avais prévu.