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Nos hommes politiques ont-ils sauvé la France ?

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Nos hommes politiques ont-ils sauvé la France?

Le mythe du sauveur continue d’exercer ses ravages dans notre pays.

L’humilité n’est pas la qualité première de nos hommes politiques depuis Napoléon (Chaptal rapporte sa phrase : « On a beau faire, c’est moi qui ai créé l’industrie en France »). On peut même parler, avec une référence appuyée à l’ouvrage éponyme de Friedrich Hayek, d’une présomption fatale. Nous ne remonterons pas avant 1789, mais un parallèle peut être opéré. Alexis de Tocqueville a montré avec force finesse que c’était la continuité, plus que la rupture, qui caractérisait l’Ancien Régime et la Révolution. La remarque vaut pour la figure royale, ancêtre du monarque républicain qu’est le chef de l’État sous la Ve République.

Heureusement, nos hommes politiques sont là pour nous sauver des crises !

Le roi thaumaturge est devenu le briseur des crises qui s’abattent sans discontinuer sur notre pays. En témoigne l’extraordinaire discours de Nicolas Sarkozy à Toulon le 1er décembre 2009. « Je vous ai donné ma parole que l’État ferait son devoir, que l’État protégerait vos économies, que l’État ne laisserait aucune banque faire faillite », avant d’ajouter, sans rire et sans qu’une feuille de cigarette puisse le séparer d’un quelconque socialiste, « après 30 ans de désengagement de l’État dans la politique économique, après 30 ans de triomphe de l’idéologie des marchés censée avoir toujours raison ». En effet, clame-t-il alors, « c’est le rôle du Président de la République de sortir un pays de la crise ».

Le 7 octobre 2024 sur LCP, l’ancien chef de l’État socialiste François Hollande s’enorgueillit rétrospectivement du titre non plus du sauveur de la France, mais de celui de la Grèce (ce qui ne manqua pas de faire réagir du côté du Parthénon) : « Moi qui ai sauvé la Grèce (en 2015), je sais qu’il ne faut pas laisser les comptes publics dériver et l’endettement devenir insupportable ». Une déclaration d’orfèvre de la part d’un Président sous le « règne » duquel la dette s’était accrue de plus de 340 milliards d’euros…

Le 13 mai 2025 sur TF1, Emmanuel Macron a tenté de se justifier face aux crises incessantes : « On a essayé de tenir face aux crises », à savoir celle des Gilets jaunes, la crise sanitaire, l’énergie, l’inflation ou encore la guerre en Ukraine. Certes, la dette s’est envolée sous le règne du « Mozart de la finance », mais rassurons-nous. Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, n’avait-il pas claironné le 1er juin 2024 sur BFMTV : « « Si aujourd’hui nous avons un niveau de dette élevé, c’est parce que j’ai sauvé l’économie française » ? Comme quoi les fanfaronnades ne sont pas réservées aux anciens ou actuels présidents de la République.

Le mythe du sauveur

Dans Mythes et mythologies politiques de 1986, l’historien Raoul Girardet insistait sur l’importance de l’imaginaire en politique et il égrenait un certain nombre de mythes, dont celui du sauveur. Le sauveur, c’était bien entendu de Gaulle, qui avait ses faveurs, mais également et dans des genres très différents, Napoléon, Boulanger ou encore Pétain.

De manière beaucoup plus récente, un autre historien, Eric Roussel, prolongeait la réflexion en constatant cette « constance de notre histoire » (« Le sauveur dans l’histoire de France », Revue des deux mondes, avril 2023, p. 136). « La France, plus que tout autre pays, cultive le mythe de l’homme providentiel, autrement dit le ‘sauveur’, le personnage charismatique qui, par son arrivée au pouvoir, est censé régler les problèmes en suspens ».

Si ce n’est que, sous la Ve République, le « sauveur » n’est plus tant celui qui parvient au faîte du pouvoir que celui qui, élu depuis plus ou moins longtemps, doit faire face à une crise impromptue, causée par l’extérieur le plus souvent, mais aggravée du fait des caractéristiques internes (les chocs pétroliers par exemple), ou bien due, pour l’essentiel du moins, à des facteurs internes (les Gilets jaunes pour illustration).

La mise en garde classique des libéraux

« Dans tous les temps, la guerre sera, pour les gouvernements, un moyen d’accroître leur autorité ». La phrase de Benjamin Constant, qui se trouve dans son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, traduit une mise en garde traditionnelle chez les penseurs libéraux. Certes, la puissance publique se trouve chargée de la sécurité intérieure et extérieure du territoire, mais les hommes de l’État en profiteront pour tenter d’accroître leurs pouvoirs à la faveur d’une crise, réelle ou supposée. Certes, depuis des décennies (et heureusement d’un certain point de vue), la guerre sur le continent européen n’a plus été considérée comme une hypothèse réaliste, en dépit du précédent de l’ex-Yougoslavie. Mais, la crise ukrainienne est venue à point nommé pour faire comprendre à quelques écervelés que les « dividendes de la paix » avaient été une funeste idée chez ceux qui en profitaient pour baisser la garde.

Crise égale croissance de l’État

La théorie classique de la guerre émise par les libéraux s’est élargie. Il ne s’agit plus simplement d’un conflit armé, mais de toute crise, internationale ou interne, politique, économique ou sociale. Les hommes de l’État vont tirer prétexte de la crise pour prétendre que seule la puissance publique est apte à la résoudre ou, à tout le moins, la juguler. Peu importe qu’ils soient sincères ou non : le fait est là. Et tous les hommes politiques depuis Valéry Giscard d’Estaing de s’autojustifier en arguant que, devant une grave crise, ils n’avaient eu d’autre choix que d’étendre le périmètre de l’État pour « sauver » (aujourd’hui, on dit plutôt « protéger ») les Français, ces éternels assistés.

Or, c’est l’inverse qui est vrai et que n’ont pourtant jamais saisi nos gouvernants. C’est justement parce qu’il y avait une crise qu’il fallait réduire le périmètre de l’État ou en profiter pour mettre sur la table durant la crise, sinon en sortie de cette dernière, la question centrale des missions de l’Etat. Tous nos hommes politiques au pouvoir ont dédaigné ce fait. Nous en subissons encore et toujours les conséquences.

La très grave crise actuelle de nos finances publiques est certes dramatique, mais elle peut être aussi considérée comme une chance inespérée : un aiguillon (enfin !) pour une réforme radicale de notre pays par une redéfinition du rôle de la puissance publique.

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6 commentaires

gillet 10 juin 2025 - 8:12 am

Le sauvetage le plus chère du monde est attribué à la France,nous sommes champion du monde grâce à nos hommes politiques,la facture sera partagée ,chaque Français devra participer,ainsi va la France;un bêtisier ,un recueil d’erreurs politique,un déficit intellectuels sévère bloquant toutes reformes nous conduira à errer dans une France en ruine.2027 vite!

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Val Guillaume 10 juin 2025 - 8:47 am

Totalement d’accord, beaucoup de personnes attendent “la bonne personne” , en gros le messie. Mais le messie est déjà passé, s il revenait ils lui jetteraient probablement des pierres car il reviendrait dire les mêmes choses qui fâchent (ie reforme toi toi même entre autres) . Revenons sur terre au temps présent : nous n avons plus de frontières, nous n avons plus de monnaie, nos lois peuvent être retoquees par Bruxelles donc nous n avons plus de contrôle. Que propose l IREF pour récupérer le pouvoir perdu (ou si j ai bien compris jamais vraiment obtenu ) ?

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Albatros 10 juin 2025 - 6:24 pm

Nous crevons de cette prétendue protection, en particulier pour celle de l’environnement : chaque article de la loi imbécile dite “climat et résilience” porte au moins trois effets pervers sur l’environnement et sur l’économie.
Un pays dont l’économie est ruinée n’a aucune chance de s’adapter à un quelconque changement climatique. Il serait utile que les gouvernants et l’administration s’en rendent compte.

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CARTESE Serge 10 juin 2025 - 9:42 am

Quelle belle analyse, inconsciemment, sans pouvoir l’exprimer, je suis entièrement d’accord!
Nos guignols de politiques, nous prennent pour des billes, je crois qu’il est grand temps que l’ont se réveille !!!! Se rendent-ils vraiment compte de la portée de ce qu’ils racontent??

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Virgile 10 juin 2025 - 11:43 am

Surtout qu’en fait ils l’ont détruite! Le constat est sans appel, uniquement préoccupé de leur carrière et réélection, ils ont démontré leur irresponsabilité et incompétence. La France qui était un pays parmi les niveau de vie les plus élevés voit celui-ci dégringoler par rapport à ses voisins. Et s’il n’y avait que cela, tout se détériore.

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mc2 10 juin 2025 - 12:20 pm

Je ne vois pas d’autre sauveur possible qu’un virtuose de la tronçonneuse n’arrivant ni trop tôt ni trop tard.

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