Les prix du baril de pétrole sont à des niveaux historiquement bas. La révolution du pétrole de schiste aux Etats-Unis, la course aux parts de marché entre pays de l’OPEP et la levée des sanctions à l’encontre de l’Iran sont des causes importantes d’une offre abondante. Le ralentissement de l’économie chinoise a de son côté contribué à la baisse de la demande. Cette combinaison d’augmentation de l’offre et de baisse de la demande fait chuter les prix.
Voilà qui devrait au final ravir, en théorie, les consommateurs automobilistes.
Pourtant, alors que prix du baril est passé de plus de 100 dollars en mai 2014 à 36 dollars en décembre 2015, soit un prix presque divisé par trois, la baisse du prix à la pompe à été par comparaison assez modeste (de l’ordre de 15 %). Le différentiel est donc énorme. Comment l’expliquer ?
On entend souvent hommes politiques et associations critiquer les compagnies pétrolières qui ne répercuteraient pas la baisse et en profiteraient pour refaire leurs marges. Si cela peut être vrai, le facteur est en fait minime dans le prix final, de l’ordre de quelques centimes. De même la baisse de l’euro face au dollar (devise d’échange du pétrole) n’explique qu’en partie la faible répercussion.
L’élément essentiel, qui est généralement passé sous silence, est que la baisse du pétrole est peu répercutée du fait de la part énorme des taxes fixes dans le prix à la pompe. La TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques) est une taxe fixe de 62,41 centimes par litre pour le super 95 et de 46,82 centimes par litre pour le gazole (les régions peuvent modifier très légèrement ces taux).
A cela il faut ajouter la TVA qui est payée non seulement sur le hors-taxe mais aussi sur… la TICPE : l’automobiliste paie donc une taxe sur une taxe. Cela signifie qu’il y a sur un litre de carburant une partie fixe de TICPE + TVA, de l’ordre de 74,89 centimes pour le super et de 56,18 centimes pour le gazole. Reste la TVA réellement variable, sur le hors-taxe (c’est à dire sur le service rendu).
Faisons un calcul éclairant. Pour un litre de Super 95 à 1,24 € par exemple, l’automobiliste paie 62,41 centimes de TICPE + 20,66 centimes de TVA à 20%, soit 83,07 centimes de taxes. Les taxes représentent donc ici 66,99 % du prix à la pompe et c’est d’ailleurs souvent comme cela que les hommes politiques présentent la chose, afin d’en minorer l’impact.
Subtil stratagème rhétorique : en réalité, c’est le taux de taxation du HT qui compte pour bien saisir l’importance d’une taxe (comme pour la TVA). Car deux tiers de taxes dans le prix final cela signifie un taux de taxation à… 200 % (ou ici : 0,8307 de taxes / 0,4093€ de HT (1,24 – 0,8359), soit 203%). En clair, sur un plein de Super à 60 € il y a 40 € de taxes et 20 € de services-carburant… Une taxe à 200%, voilà un chiffre qui passe mal en termes de communication politique.
C’est donc sans doute pour cela que la TICPE ne figure pas sur les tickets de caisse des pompistes et qu’il faut aller sur une page obscure du Ministère de l’Écologie pour en obtenir les chiffres, donnés, au surplus, sur une base en hectolitres (sans doute dans un souci de « simplification » pour le citoyen…).
Le consentement à l’impôt est une pierre angulaire de toute démocratie. Bien sûr, dans nos démocraties modernes c’est aux représentants de « voter » le consentement au budget. Or, on sait comment sont votés les budgets… Avec assez peu de reddition des comptes au final, d’où 40 ans de déficits. Ensuite, et notamment dans ces conditions de dysfonctionnement parlementaire, il semble important que le citoyen lambda ait au moins droit à savoir combien il paie d’impôts et taxes.
S’il est normal de payer des impôts pour financer les biens publics, dans une optique de reddition des comptes et de transparence il paraît crucial que les taxes ne soient pas « cachées » ou même « sérieusement camouflées » aux citoyens-contribuables. D’ailleurs savez-vous que la TICPE a augmenté au 1 er janvier ?