A l’origine, la souveraineté de chaque nation membre était respectée par la Communauté économique européenne. Ce respect se traduisait notamment par le fait que les compétences, limitées et essentiellement économiques, de la CEE étaient clairement définies (articles 2 et 3 du Traité de Rome) et que toutes les autres restaient acquises à ses États membres. La fiscalité directe restait du ressort exclusif de chaque pays membre. La CEE était conçue pour faire tomber les barrières qui divisaient l’Europe, notamment en favorisant la liberté de circulation des marchandises, des hommes, des services et des capitaux. L’Union européenne en a conservé le principe. Pour ce faire les droits de douane à l’importation et à l’exportation ou taxes d’effet équivalent ont été interdits entre les États membres, y compris les droits de douane à caractère fiscal (article 30 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne – TFUE- 20112). L’article 110 du TFUE a complété cette interdiction dans les termes suivants :
« Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. [1]»
« En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions. »
A ce titre les aides et subventions fiscales aux entreprises sont réglementées par l’UE. L’article 111 ajoute que « Les produits exportés vers le territoire d’un des États membres ne peuvent bénéficier d’aucune ristourne d’impositions intérieures supérieure aux impositions dont ils ont été frappés directement ou indirectement ». Et l’article 113 stipule que lorsqu’une harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence, seul le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, peut arrêter les dispositions y afférentes. Il en ressort que l’Union européenne ne peut statuer qu’en matière de TVA, accises et impôts indirects, à l’unanimité du Conseil, tous les pays y étant représentés, et seulement pour favoriser le marché intérieur et la concurrence.
Les impositions directes ne rentraient pas et ne rentrent toujours pas dans les compétences de l’Europe. Le TFUE ne vise pas la fiscalité directe dans les compétences exclusives ou partagées de l’Union.
Mais la Cour de justice a fini par juger dans son arrêt Schumacker du 14 février 1995, que « si, en l’état actuel du droit (de l’Union européenne), la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de (l’Union), il n’en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit [de l’Union européenne] ».
Puis les traités eux-mêmes ont évolué en étendant indéfiniment les compétences de l’Europe. Ce qui a permis à l’UE d’usurper ouvertement ou subrepticement les compétences des États et d’attraire peu à peu des pans divers et variés de fiscalité directe pour les mettre sous sa coupe et grignoter ainsi les prérogatives nationales en attendant le moment propice pour que le fruit mur tombe entièrement dans son escarcelle.
Concurrence et double imposition
Le leitmotiv utilisé par la Commission pour s’ingérer dans la fiscalité des nations membres fut la nécessité de combattre les doubles impositions en matière d’impôts directs pour éviter de fausser la concurrence et pour fluidifier le marché européen. Ainsi furent prises diverses directives pour imposer un même traitement fiscal à des opérations inter-étatiques au sein de l’Union, dont notamment :
- La Directive n° 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 prévoyant qu’entre des sociétés associées d’États membres différents. « Les paiements d’intérêts et de redevances échus dans un État membre sont exonérés de toute imposition, retenue à la source ou recouvrée par voie de rôle, dans cet État d’origine, lorsque le bénéficiaire des intérêts ou redevances est une société d’un autre État membre ou un établissement stable, situé dans un autre État membre, d’une société d’un État membre ».
- La Directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 suivie de la Directive n° 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 instituées pour neutraliser fiscalement les opérations de fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents et créer ainsi au sein de l’Union européenne des conditions analogues à celles d’un marché intérieur, sans distorsion de concurrence et afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché intérieur, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international.
- La Directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 transformée par la Directive n° 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011, adoptées à l’effet d’exonérer de retenue à la source les dividendes et autres bénéfices distribués par des filiales à leur société mère, et d’éliminer la double imposition de ces revenus au niveau de la société mère afin notamment de favoriser les regroupements de sociétés au sein de l’Union.
- Ou encore la Directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne, et la Convention n° 90/436/CEE relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées.
Ces incursions du droit européen dans le droit fiscal national ont été véritablement très utiles pour aider les entreprises à se développer et bâtir des groupes européens susceptibles de rivaliser au niveau mondial. La justification de marché était réelle et pouvait prévaloir dans ces domaines. Ce fut moins vrai pour l’intervention de l’Europe sur d’autres terrains fiscaux.
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L’union Européenne ,composée de 27 états membres,divisés en 242 régions,deviendra l’Europe des 27 régions,aucun politique ou presque n’ose le dire.