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Les dépenses fiscales rongent les recettes de l’Etat et assomment le contribuable

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Entre 2013 et 2021, le coût des dépenses fiscales pour le budget de l’Etat s’établit à 90,3 Mds€, soit 3,7 % du PIB. Les plus importantes sont notamment le CIR (crédit impôt recherche) pour 6,4 Mds€, l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite (4,3 Mds€), le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (3,8 Mds€), des taux de TVA réduit sur les travaux de rénovation d’un logement (3,4 Mds€), sur la restauration (3 Mds€) ou dans les DROM-COM (2,1 Mds€). D’autres encore concernent des exonérations de l’ex TICPE (transformé en fraction d’accise sur les produits pétroliers) en outre-mer (1,7 Mds€) ou pour les travaux agricoles (1,4 Mds€).

Toutes les exonérations, dont la consultation est possible via l’évaluation des voies et moyens de la loi de finances, ne sont pas injustifiées et certaines participent d’une logique assez compréhensible : le CIR cherche à favoriser l’innovation des entreprises, le crédit d’emploi d’un salarié à domicile à lutter contre l’économie informelle, la déduction fiscale des dons (1,5 Mds€) à vivifier l’action de la société civile.

Notons par ailleurs que, selon le même document, le concept de dépense fiscale, ou niche fiscale, se définit comme « les dispositions fiscales dérogatoires induisant un coût pour le budget de l’État ». C’est-à-dire en fait comme toutes les recettes fiscales auxquelles l’Etat renonce pour accomplir tel ou tel objectif de l’une de ses politiques publiques et qui, à ce titre, revêt conceptuellement le caractère d’une dépense.

Mais un certain nombre ne sont pas ou plus efficaces dans l’atteinte de leurs objectifs et ne survivent que grâce à l’incrémentalisme du législateur ou à sa volonté de ménager la susceptibilité de certains corps sociaux.

Toutes les exonérations ne peuvent donc pas être mise sur le même plan, la question est alors de savoir dans quelles mesures elles se justifient dans le cadre de l’égalité devant l’impôt.

Une assiette de l’impôt mitée et des dépenses fiscales dont l’efficacité est sujette à caution

En 2021, la valeur des différentes exonérations de l’impôt, telle que mesurée par le Cour des Comptes, représentait 32,4 % des recettes fiscales nettes de l’Etat (les recettes brutes desquelles sont déduites les remboursements et les dégrèvements), un chiffre en constante augmentation depuis 2013, date à laquelle il s’établissait à 25,4 %. Le phénomène est donc très loin d’être marginal : pendant la même période les dépenses fiscales croissent nominalement de 25,3 % et réellement de 17 % (c’est-à-dire lorsqu’on les déflatent).

Comme il est possible de le constater sur le tableau suivant, la progression est continue, seule la suppression du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), par ailleurs transformé en réduction pérennes de charges, l’ayant freinée :

Entre 2014 et 2022, le nombre d’exonérations diminue pourtant de 432 à 418 mais les dispositifs supprimés ont été principalement ceux dont l’ampleur était particulièrement faible, les deux tiers de la dépense se concentrant dans 27 dispositifs que l’Exécutif s’est bien gardé de toucher.

A eux seuls, la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés rassemblent 87,4 % de l’ensemble de la dépense fiscale, le rendement de ces trois taxes étant abaissé respectivement à hauteur de 19,4 %, 46 % et 11,6 % (et 35,5 % pour la TICPE).

Dans le même temps, 13,8 % des dispositifs ne sont pas chiffrés et aucune évaluation générale de l’efficience des dépenses fiscales n’a été effectuée depuis 2011. A l’époque, deux tiers des dispositifs avaient d’ailleurs obtenu des résultats jugés insuffisants pour un coût de 40 Mds€. En 2019, ces mêmes dispositifs représentaient toujours 35 Mds€ de dépenses.

Focus sur un impôt de rendement par excellence : la TVA

Avec un rendement de 186 Mds€, soit 17 % des prélèvements obligatoires, la TVA est l’impôt le plus dynamique du système fiscal français et, comparativement aux impôts de productions ou aux charges sociales, il a le mérite de demeurer économiquement neutre pour les entreprises qui peuvent déduire de la somme à acquitter celle taxant déjà leurs intrants. En outre et comme nous l’avions déjà évoqué, elle ne pénalise pas la production nationale.

Or, cette neutralité est mise à mal par la création d’un ensemble de taux de TVA réduits qui retirent 47 Mds€ de rentrées fiscales, soit 24 % de son produit. De fait, le taux de TVA réel s’avère être de l’ordre de 9,7 %, ainsi que le constate le conseil des prélèvements obligatoires. La France est ainsi le seul pays à cumuler un fort taux de dépenses publiques avec un taux de TVA effectivement perçu faible entrainant les conséquences sur l’économie que chacun pourra aisément déduire.

A chaque fois qu’un privilège fiscal est instauré, un effet cliquet, joliment qualifié de « dépendance au sentier » par la plus haute juridiction financière française, se met en place et plus personne ne songe à le contester en dépit de la rationalité économique la plus élémentaire. La TVA à taux réduit sur la restauration, par exemple, était une promesse de Jacques Chirac aux restaurateurs pour compenser l’écart existant avec la taxation des fast-foods et n’a jamais été supprimé malgré la faible répercussion de la mesure dans les prix finaux et dans la création d’emplois.

Globalement, le problème réside en ce que la multiplication des exonérations fiscales soulève la question de la rupture d’égalité devant les charges publiques que subissent les contribuables, le mitage de l’assiette des impôts entrainant l’augmentation de leur taux pour compenser la déprédation de leur rendement.

Aussi faut-il recommander une revue générale des dépenses fiscales et la suppression des dispositifs peu efficaces, notamment ceux qui concernent la TVA. Par la suite, le gain pourrait être reversé au contribuable via la logique économique la plus rationnelle de diminution des impôts de production et des charges sociales. Dans le cas des restaurateurs, la mesure aurait également le mérite de favoriser les hausses de salaires de ce métier en tension.

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7 commentaires

Laurent46 2 mai 2023 - 4:41

La CSG « provisoire » est pas mal non plus. Le problème c’est la République et ses minables politiques qui dépensent sans compter. Vous parles de l’Etat mais la grande majorité de toutes les couches locales sont sur le même principe de dépenses sans compter l’argent qui n’est pas le leur. Dans le monde privé on appelle cela abus de biens sociaux voir escroqueries mais dans le monde politique c’est être Républicain, le partage pour tous sauf pour un autre monde, celui d’une très grande prétention qui ose encore mépriser ceux qui payent. Mais là aussi c’est l’ADN des Nouveaux Républicains dès lors qu’ils ont une étiquette sur le dos.

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Loup 2 mai 2023 - 6:03

Vous parlez d’une dépense fiscale tel que la réduction de 10 % sur les retraites et bien c’est faux et vous devez le savoir car il y a un plafond de 3491 pour un couple et donc dans mon cas là réduction est de 7,7%. Il est donc très simpliste de parler de cet abattement en parlant d’une réduction de 10%. Cordialement.

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Chris 2 mai 2023 - 4:47

Comment peut-on affirmer que la TVA est neutre économiquement ?
La TVA est un impôt comme les autres, pour lutter contre le tabac on taxe le tabac, pour lutter contre le travail on a les charges sociales, pour lutter contre le profit on a l’impôt sur les sociétés, et pour lutter contre la création de valeur on a la Taxe à la Valeur Ajoutée.

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maxens 2 mai 2023 - 5:24

Avant de s’attaquer à la dépense fiscale, peut être faudrait il s’attaquer avant à la dépense tout court, et à baisser les prélèvement obligatoire. La France est l’un des deux ou trois pays qui prélève le plus et un de ceux qui dépense le plus

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Jean Guicheteau 2 mai 2023 - 6:21

Il s’agit d’une dérive de la notion d’impôt qui doit servir en principe à financer les services publics et non à manipuler les comportements. Cela confine au clientélisme électoral, rend l’impôt injuste (les plus riches surtout en profitent) et particulièrement complexe et crée une insécurité du contribuable.
Il faudrait supprimer TOUTES ces niches fiscales à l’occasion d’une refonte générale du système : le coût de l’État c’est 20%, donc l’impôt devrait représenter 20% de TOUS les revenus, y compris financiers, plus-values, successions… Ce serait beaucoup plus simple et faciliterait les calculs économiques. On pourrait créer une franchise sur les 15 000 premiers euros de revenu et conserver celle sur les successions. L’IFI serait supprimé : on ne peut pas prélever un impôt sur un stock mais uniquement sur un flux.

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maxens 2 mai 2023 - 11:21

Pas tout a fait d’accord, taxé tous les revenus, ok, pas de soucis, de manière équitable, 20%, 30% pour tout le monde, peu importe, ceux qui gagne le plus paieront le plus, une Flat taxe, par contre taxé le capital est aberrant. Le capital est ce qui reste une fois que l’on s’est acquitté des impôts dus, certains partent en vacances, d’autres préparent leurs vieux jours,, aucune raison autre que démagogique de le taxer.Donc IFI, droits de succession, taxes foncières… c’est une absurdité totale, ce sont les revenus qu’il faut taxer

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accenteur 2 mai 2023 - 6:49

La pression fiscale est si intense qu’elle détruit l’activité économique. Les activités les moins rentables disparaissent. Pour limiter cette érosion, l’état est donc amené à faire des exceptions afin de laisser le minimum vital à ces activités. En moyenne, une entreprise française reverse 60% de son chiffre d’affaire à l’état (chiffre INSEE datant de la présidence de François Hollande mais plus diffusé depuis). Pour un restaurateur proposant un menu à 20 euros, il verserai 12 euros à l’état et il lui resterai donc 8 euros pour payer les charges de fonctionnement (loyer, électricité, etc.) , les salaires nets et mettre quelque chose dans l’assiette. C’est pas gagné !

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