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Il ne suffira pas de simplifier la réglementation européenne, il faut en limiter le périmètre

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réglementation européenne

L’Europe invoque la pandémie, le choc énergétique ou la guerre en Ukraine pour justifier sa crise de croissance. Cependant les Etats-Unis, qui ont subi les mêmes difficultés, n’ont guère de problème de croissance. Parce qu’ils ont moins de réglementations contraignantes dans le domaine énergétique ou plus largement économique. Désormais le FMI prévoit cette année une croissance de 1% dans la zone euro, contre 2,7 % outre-Atlantique. Face à la tempête Trump et à la vague de contestations de nombre d’entrepreneurs européens, la Commission européenne a présenté le 29 janvier sa nouvelle « boussole de la compétitivité ». Mais sa direction demeure incertaine.

Une boussole déboussolée

La boussole voudrait réduire la charge administrative sur les entreprises européennes. Il faut craindre qu’elle ne le fasse en ajoutant des textes aux textes plutôt qu’en en éliminant. Elle envisage ainsi de créer une nouvelle catégorie de 30.000 sociétés intermédiaires, entre les PME et les multinationales, dont les charges réglementaires seraient allégées, ou encore un régime juridique européen spécifique pour les entreprises innovantes. Elle va donc augmenter le nombre de statuts et de législations applicables.

Certes, elle favorisera peut-être les opérations de rapprochement des entreprises souhaitant « de nouvelles lignes directrices pour évaluer les fusions ». A-t-elle besoin pour autant, comme elle le propose, de faciliter « les contrats de long terme d’achat d’électricité » et l’investissement dans le réseau de transport et de stockage d’énergie, de développer l’acier « vert », de multiplier des aides publiques « ciblées et simplifiées » pour encourager la transition verte de l’industrie, d’imaginer des plans spécifiques pour les secteurs en difficulté : la chimie, la sidérurgie et l’automobile… ?

La Commission veut appliquer aux entreprises les moins importantes un texte dit « omnibus » pour défaire ou atténuer les réglementations votées ces dernières années sur le devoir de vigilance (CS3D) qui les contraint à s’assurer du respect de l’environnement et des droits humains chez leurs sous-traitants étrangers, sur le reporting extra financier sur la taxonomie définissant les investissements verts ou encore le règlement REACH sur les produits chimiques… Pourquoi alors ne pas étendre ce texte à toutes les entreprises ?

Un prisme constructiviste

La Commission pense en économie collectiviste, constructiviste. Elle croit pouvoir régler les problèmes en créant des structures administratives comme ce nouvel « outil de coordination de la compétitivité » qui fédèrerait les efforts des Etats membres dans des domaines tels que les infrastructures énergétiques et numériques, l’intelligence artificielle ou les médicaments critiques. Elle annonce un « Pacte pour une industrie propre » qui sera présenté fin février. Elle instituera prochainement une plateforme d’achat de matières premières critiques, relancera en 2025 un projet d’union des marchés de capitaux  engagera les Etats à unir leurs efforts d’armement…

Pour simplifier la Commission européenne veut donc encore empiler des textes alors que les entreprises se plaignent d’être noyées de réglementations à n’en plus finir qui alourdissent le coût de tous les actes de production et de commercialisation. Elle veut instituer de nouveaux seuils qui seront autant de barrières au développement, créer des dérogations et des exceptions qui seront autant de complications.

Elle s’inspire du rapport Draghi appelant à investir 800 milliards d’euros par an dans les nouvelles technologies, la décarbonation, la défense…, dans la logique keynésienne selon laquelle pour redonner force à l’Europe il faut que celle-ci dépense toujours plus d’argent public. Ce qui représente toujours plus de règles édictées pour ces dépenses, fixer qui sera bénéficiaire, dans quelles conditions. Distribuer l’argent public c’est toujours plus de contrôle, plus d’arbitraire, plus de favoritisme. Cet argent fausse la concurrence, modifie les comportements des entrepreneurs chasseurs de primes, désoriente les marchés.

Déjà d’ailleurs, la Commission pose des limites. Teresa Ribera, sa vice-présidente, chargée de la Transition écologique, insiste sur le fait qu’il faut préserver le Pacte vert et dit que « simplifier ne veut pas dire déréguler ».

Un périmètre d’intervention excessif

Bruxelles n’a pas compris que la liberté des entreprises était le meilleur moteur de l’innovation, de la création et de la transition écologique elle-même ainsi qu’en témoigne les Etats-Unis de Musk. Celui-ci n’a pas attendu les subventions européennes pour créer Tesla !

La Commission européenne ne saura pas simplifier parce qu’elle se nourrit de papier pour édicter, enjoindre, aider, interdire ; elle ne vit qu’en produisant de la réglementation ; la technocratie est son moteur. Elle est une machine administrative qui fonctionne comme un dinosaure, archaïque. « J’avais un projet en Irlande, racontait Trump en viso à Davos. J’attendais un feu vert des autorités irlandaises. Je l’ai eu en une semaine. Puis il me fallait une autorisation de l’UE, on m’a dit que ça prendrait cinq ou six ans ! » Trump raconte parfois n’importe quoi, mais l’image est exacte.

L’Europe est définitivement étouffée par les dispositions du traité de Lisbonne  (2007) qui lui a donné des compétences primant sur celles des Etats dans presque tous les domaines de l’action publique (cf. mon dernier ouvrage Libéral ou conservateur ? Manitoba, 2024). Elle ne sortira de sa léthargie que si elle réforme ses institutions en restreignant le périmètre de leurs interventions. Il faut revenir à une Europe limitée selon les principes qui ont présidé à sa constitution, une Europe subsidiaire selon la définition donnée par l’évêque de Mayence von Ketteler dans sa lutte contre le Kulturkampf de Bismarck : « En bas tout le possible, en haut tout le nécessaire ».

Bien comprise, la subsidiarité est la manière de faire vivre une saine compétition entre les individus comme entre nations, entreprises, universités… pour partager des expériences, retenir les solutions les mieux adaptées et pour que la multiplicité des initiatives enrichisse l’ensemble des pays réunis dans une dynamique créatrice. Il est urgent d’y revenir.

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