Ce sont les Français, via la « plateforme citoyenne » mise en place par la Cour des comptes, qui ont demandé aux magistrats financiers de se pencher sur le recours, par les collectivités locales, aux prestations intellectuelles des cabinets de conseil.
Ceux-ci viennent de rendre leur rapport. Il analyse le cas de 15 collectivités réparties dans quatre régions (Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Polynésie française) et tente de répondre à trois questions.
Premièrement, les prestations des cabinets conseil coûtent-elles cher ? « Non », répond la Cour. Elles ne constituent qu’une « proportion modeste des dépenses des collectivités locales » : en moyenne 1,3% de leurs charges à caractère général et 1% de leurs dépenses d’équipement. C’est ce qui avait été observé pour l’État dans le rapport de la Cour des comptes en 2023. Il faut cependant noter qu’elles progressent de 20% depuis 2019.
Deuxième question : pourquoi les collectivités locales font-elles appel à des cabinets de conseil plutôt qu’aux compétences des fonctionnaires territoriaux et des opérateurs publics ? « On ne sait pas trop », affirment les rapporteurs. Les motivations avancées par les collectivités sont la réalisation de certaines études prescrites par les textes, le défaut d’expertise en interne, un surcroît temporaire d’activité, ou encore le besoin d’un regard extérieur. Pour la Cour, « Ces raisons sont, dans leur grande majorité, peu étayées. En effet, dans plusieurs situations, les collectivités n’ont pas démontré que les ressources disponibles en interne ou au sein de leurs satellites ou d’autres organismes publics présents sur leur territoire, n’étaient pas en capacité de répondre à la commande ».
Enfin, troisième question : en quoi les prestations fournies par ces prestataires externes contribuent-elles à améliorer la gestion publique locale ? Là encore, les sages de la rue Cambon sont sévères puisqu’ils écrivent que la preuve de l’utilité des prestations n’est pas objectivement apportée faute, pour les collectivités, d’avoir procédé à leur évaluation.
La Cour des comptes fait plusieurs recommandations : recenser l’ensemble des compétences que les collectivités peuvent mobiliser au sein de leurs services ou autres organismes publics afin de mieux justifier et motiver l’arbitrage en faveur des cabinets de conseil ; veiller à relancer l’appel à la concurrence afin d’éviter le renouvellement des mêmes prestataires sur plusieurs années ; mettre en place une charte de déontologie pour prévenir les risques de conflits d’intérêt ; définir des modalités de suivi de l’exécution des prestations dès la signature du contrat ; mettre en place une évaluation formalisée de la qualité des prestations pour s’assurer de leur pertinence et de leur valeur ajoutée.
Les magistrats n’oublient pas de mentionner que ces dépenses de conseil offrent « des opportunités d’arbitrage entre internalisation et externalisation de prestations, dans un contexte de recherche d’économies face aux enjeux de redressement des comptes publics ». Or les collectivités « ne se sont pas mises en situation de procéder à ces choix, en l’absence de vision globale et exhaustive des prestations commandées, et de rendre compte à leurs assemblées délibérantes, de manière transparente, du niveau de recours aux cabinets de conseil ».
Tout cela pourrait sans doute permettre de faire quelques économies et de mieux gérer le recours aux prestations des cabinets de conseil. Mais la Cour se garde bien d’aborder le sujet qui fâche, celui de l’extension continue des interventions des collectivités. C’est en partie parce qu’elles s’approprient constamment de nouvelles missions que les collectivités territoriales ont recours à des prestataires extérieurs. Par conséquent, il conviendrait d’abord de limiter la progression de la sphère publique (avant de la faire reculer). Mieux d’administration, c’est bien. Moins d’administration, c’est mieux !
6 commentaires
Les “responsables”, publics comme privés d’ailleurs, adorent se garantir derrière les jolis rapports colorés des cabinets de conseil. Pourquoi ?
– ils préparent une garantie future à leur défaillance probable, étant conscients de leur incompétence ;
– ils se méfient de leur personnel, qu’ils savent peu formé, routinier et inapts au changement.
Pourtant, ayant fait intervenir un cabinet prestigieux à l’occasion d’un rachat d’entreprise, je me suis aperçu que, ne connaissant rien au métier de l’entreprise étudiée, leurs considérations purement financières ne donnaient aucun élément de réflexion sur l’avenir de cette entreprise.
Plutôt que de recourir à des consultants, investissons dans le recrutement et la formation, ce que l’administration ne sait pas faire.
C’est l’exemple-type du capitaliste de connivence.
Le cabinet de conseil permet à l’élu de motiver ses décisions par l’avis du cabinet de conseil, autrement dit d’assurer son irresponsabilité.
Evidemment, le cabinet de conseil, expert dans la manipulation, propose les décisions que souhaitaient l’élu…
Il s’instaure ainsi une situation de dépendance mutuelle.
Rien ne peut l’atteindre, même pas la mise en concurrence. Le cabinet sortant dispose d’avantages décourageant n’importe quel autre candidat. De plus, le choix de l’offre se fait presque exclusivement sur la base de critères subjectifs (ce qu’interdit la réglementations).
Seule l’alternance politique peut ébranler cette connivence… pour en créer une autre.
Il faudrait donc interdire les cabinets de conseil, attitude peu cohérente avec la liberté !
Si déjà l’Etat et les collectivités ne s’occupaient que des fonctions régaliennes, on réduirait drastiquement ce 1% des dépenses publiques, sans compter les quelques % des autres dépenses consécutives à ces décisions.
L’analyse de la Cour des comptes est très largement contestable.
Avec un peu de réflexion elle pourrait se dire que si les entreprises de toute taille font appel à des sociétés de conseil, c’est que cela leur est profitable!
En fait il y a énormément de sujets qu’une collectivité, même disposant de centaines de fonctionnaires, ne saurait traiter avec ses propres moyens avec efficacité, soit pour des sujets de compétence technique, soit par manque d’expérience, soit par impossibilité statutaire de mobiliser des moyens au moment nécessaire.
Il y a aussi le cas ( dénoncé par exemple à la ville de Marseille) de fonctionnaires en doublon du cabinet faisant le vrai travail, mais le cas n’est pas général…
Qui a déclenché les recours massifs aux cabinets de consultants ? c’est Macron. Donc, au lieu de tirer encore sur les “petits fonctionnaires”, situez donc les responsabilités: le plus haut niveau de l’Etat. Mais il faut bien que vous écriviez quelque chose chaque jour. Je vous communique ci-joint un article du Courrier du soir qui voudra bien me pardonner ce copier-coller de l’édition du 19/02/2024:
« La République des consultants ». Telle est l’expression utilisée par les journalistes du Nouvel Obs pour décrire le recours excessif de l’Etat français aux cabinets de conseil privés pour la gestion du pays. Constamment sollicités par l’Etat, ces cabinets ont fini par se substituer aux fonctionnaires publics relégués désormais au second plan.
Mais, ce n’est pas le seul problème souligné par l’enquête du Nouvel Obs. En effet, d’après le journal français, l’Etat, sous Macron, a dépensé un pognon de dingue pour obtenir les conseils de cabinets privés internationaux dont McKinsey, dont le rôle dans la campagne de vaccination a soulevé une vive polémique en France.
Ainsi, d’après les données fournies par Le Nouvel Obs, en 3 ans, plus de 500 commandes ont été passées. Un phénomène qui va s’accélérant et qui ne manque d’indisposer de hauts fonctionnaires de l’Etat. Le “phénomène va en s’accélérant. Il s’accompagne d’un dysfonctionnement profond de nos services publics, qui ont perdu leur sens pour les fonctionnaires et sont en totale déconnexion avec les besoins des gens, s’insurge le magistrat Arnaud Bontemps”
Les données sont hallucinantes. Ainsi, d’après le Nouvel Obs, « dans une note publiée en avril, un groupe de hauts fonctionnaires estime à 163 milliards d’euros les services que l’Etat externalise sous forme de délégation de service public (120 milliards) ou d’achats de prestations intellectuelles (43 milliards). 43 milliards d’euros, près de 6 % du budget de l’Etat et des collectivités locales !
Le média français poursuit : « cette donnée, si spectaculaire soit-elle, ne nous a pas été démentie par le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. Mais le gouvernement connaît-il seulement le chiffre exact ? Aucune étude officielle n’a jamais été réalisée sur ce sujet. Une opacité dont la Cour des Comptes s’est émue dans plusieurs rapports ».
Ici on ne parle pas des cabinets de conseil dont les patrons sont les copains des élus, partenaires de golf, par exemple, ou bien simplement accointances para-familiales qui frisent le népotisme comme le petit ami ou la petite amie d’un enfant, d’un cousin, d’une cousine, etc.
A quoi peut bien servir l’armée de fonctionnaires que Macron a embauchée ? Peut être à éplucher les rapports des Mac Kinsey et autres bénéficiaires des largesses d’un Etat au bord de la ruine…