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Loi Duplomb : sans pesticides, pas d’agriculture

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Le 26 mai, à l’Assemblée nationale, la proposition de loi dite « Duplomb » a été rejetée par une motion soutenue à la surprise générale… par ses propres rapporteurs. Motif : faire barrage aux 3 500 amendements déposés par les députés LFI et EELV. Le texte initial prévoit en effet d’assouplir les réglementations qui pèsent sur les agriculteurs, notamment en ce qui concerne l’usage et la vente de pesticides pour certaines cultures, les seuils applicables aux grands cheptels, ou encore l’usage agricole des retenues d’eau. Pour les socialistes et les communistes, l’objectif implicite de cette loi est de répondre aux exigences de « l’agrobusiness ».

La loi Duplomb a plus particulièrement pour objet de réintroduire l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes dont l’interdiction est généralisée en France depuis 2016. Seules des dérogations temporaires ont été accordées pour certaines cultures, telle la betterave sucrière, exposée à des ravageurs contre lesquels aucune autre solution efficace n’existe aujourd’hui.

Interdire, un verbe très français

Contrairement à d’autres substances de sa famille, le profil toxicologique de l’acétamipride est considéré par l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, comme modéré et de nombreux États membres de l’UE l’autorisent. Dans un avis publié en 2024, l’EFSA avait reconnu que l’on manquait encore de d’informations pour pouvoir en évaluer les risques réels mais ne recommandait pas son interdiction. Notre gouvernement (l’ancienne secrétaire d’État chargée de la biodiversité), lui, a sauté le pas, en faisant adopter une loi qui allait entraîner des pertes économiques significatives pour les agriculteurs, à hauteur de 30 % à échelle nationale et jusqu’à 70 % dans certaines productions de semence, selon la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB). Fin 2020, la Statistique agricole relevait une sévère baisse des rendements pour les betteraves industrielles, au plus faible niveau depuis 2001, du fait de la sécheresse et de la jaunisse. Les agriculteurs se trouvaient donc dans une impasse technique, d’autant plus que des produits agricoles équivalents, traités avec l’acétamipride, continuaient d’être importés.

Le mirage de l’agriculture bio

Des hommes politiques, tels Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Biteau entre autres, opposent à la loi Duplomb le mirage d’une agriculture 100 % biologique. Elle serait, selon eux, plus « respectueuse » de l’environnement, plus qualitative et autarcique. Or, contrairement à ce que l’on peut croire, ce modèle repose lui aussi sur des traitements phytosanitaires, notamment le sulfate de cuivre, nécessaires pour lutter contre les bactéries et les maladies liées à des champignons. Il n’y a, à ce jour, pas d’alternative solide qui permettrait aux agriculteurs bio d’être rentables.

Ensuite, une méta-analyse souvent citée, publiée dans Nature en 2012, a montré – lorsque le contexte permet de comparer les deux systèmes – que les rendements du bio sont de 34 % inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle (AC). Globalement, beaucoup d’études sur le sujet s’accordent sur des rendements de 8 % à 25 % plus faibles, en moyenne, dans l’agriculture biologique (AB) selon le type de culture, les pratiques agricoles et le climat. Sur le plan environnemental, la littérature scientifique montre des performances similaires entre l’AB et l’AC.

Enfin, l’agriculture biologique repose largement sur les aides publiques : plus de 340 millions d’euros par an lui sont alloués dans le cadre de la PAC 2023-2027, en hausse de 36 % par rapport à la période précédente. Dans un marché ouvert, ces subventions faussent la concurrence et masquent la fragilité intrinsèque de ce mode de production. Loin d’être une solution généralisable à grande échelle, le bio reste pour l’instant un luxe subventionné : la productivité à l’hectare étant moindre que dans l’agriculture conventionnelle, il est logique qu’il soit plus cher – d’environ 30% en moyenne. Jean-Luc Mélenchon propose de résoudre la crise du monde agricole par l’embauche de 500 000 paysans pour « nourrir les cantines en bio ». Outre le coût d’une telle mesure, on voit mal comment l’État, déjà en peine de recruter des enseignants, pourrait miraculeusement faire surgir un demi-million d’agriculteurs dans les cantines scolaires.

Une vision idéologique

Aurélie Trouvé, députée LFI, affirme pourtant que « combattre la loi Duplomb, c’est empêcher les agriculteurs d’attraper des cancers ». Le slogan frappe, mais il ne tient pas compte des précautions qui entourent les autorisations de mise sur le marché (AMM), les équipements de protection, les normes d’usage. Surtout, la députée ignore, ou feint d’ignorer, que la toxicité pour l’homme du produit incriminé (cancérogénicité, neurotoxicité, mutagénicité) n’a jamais été démontrée dans le cas d’une exposition encadrée. Les discours alarmistes occultent les données scientifiques et privilégient une version caricaturale des risques encourus quotidiennement par les agriculteurs. Les réglementations et restrictions de tous ordres en fournissent de plus accablants.

Pour une agriculture libre et productive

Les rédacteurs de la loi Duplomb ne cherchent pas à sacrifier l’environnement, mais à assouplir une réglementation déconnectée de la réalité du terrain. La complexité des procédures (le code rural a quadruplé de volume entre 1965 et 2023), le poids de la fiscalité (les terres agricoles sont davantage taxées en France que dans les autres pays européens), la multiplication des interdictions d’inspiration écologiste et la charge de travail ont contribué à rendre la profession d’agriculteur beaucoup moins attractive. Voire à décourager les vocations.

Une agriculture sans produits phytosanitaires n’existe pas à grande échelle, sauf à admettre un modèle fondé sur des importations massives et la dépendance alimentaire. Refuser aux producteurs français ce que l’on tolère de la part d’importateurs étrangers, c’est organiser la désertification rurale. Les débats parlementaires sont peut-être l’occasion de mettre en lumière ceux qui se soucient réellement du monde agricole et de les distinguer de ceux qui prétendent le défendre alors qu’ils sont englués dans des préjugés idéologiques et refusent d’en sortir.

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20 commentaires

Zakine 5 juin 2025 - 7:54 am

Bonjour

merci de votre article. j’ajouterai ceci: les débats autour de la PPL Duplomb montre à quel point la discussion juridique s’est totalement déplacée autour de la question de la supposée “bonne” ou “mauvaise” agriculture. Alors qu’en droit, cette proposition de loi ne sera pas le grand soir pour l’agriculture en général, celle de l’article L. 311-1 du code rural. L’écriture des articles est faite de telle sorte qu’elle va rajouter des conditions telles qu’en réalité, cette PPL sur bon nombre de sujets, en particulier l’eau, est un leurre. Quant aux dérogations concernant les produits phytosanitaires, comme leur nom l’indique elles sont temporaires et montrent juste que l’agriculture est d’abord régie par un principe d’interdiction d’utilisation des intrants.

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poivre 5 juin 2025 - 5:48 pm

Donc les escrologistes ont largement gagné, ce qui n’était pas clair dans l’article (pour moi), ce que j’ai dit et qui n’a pas plu… Donc les Français vont être nourris de produis étranger cultivés hors normes françaises, les agriculteurs français “productivistes” vont disparaître et nos bobos se nourriront de produits bio hors de prix, quoique subventionnés… Ce qui me console est que le bio n’est généralement guère meilleur pour la santé que le “haut rendement” car pollué aussi mais par d’autres produits chimiques (cuivre, huiles essentielles, extraits végétaux plus ou moins contrôlés, encensoirs agités dans les vignes….) .Mais la véritable raison de tout cela est la haine atavique que l’idéologie socialo/communiste porte à la paysannerie qui a toujours et partout été farouchement opposée au collectivisme.

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duriez 5 juin 2025 - 8:34 am

Et si la solution a tous nos problèmes consistait simplement à réguler la population mondiale. Plus d’habitants, quoi que l’on puisse faire entraîne plus de pollution, plus d’effet de serre, plus de disparition de la biodiversité et in fine plus de guerres. Alors pourquoi ce paramètre majeur n’est-il jamais évoqué dans les COP qui se succèdent. Bien sur cette éventualité ne serait pas très propice pour la France dont les dirigeants et leurs élus nationaux ont depuis la fin des années 70 privilégié la consommation sur la production avec son corollaire de subventions à tous les étages.

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Élodie Messéant 5 juin 2025 - 12:07 pm Répondre
Luigi Mariani 5 juin 2025 - 8:36 am

Cher Docteur,
Merci pour cet article, très intéressant et qui exprime une situation également perçue au Parlement italien : chimiophobie, pro-bio et rejet des technologies en agriculture, tant à droite qu’à gauche (mais surtout à gauche).
Concernant les baisses de rendement, je tiens à souligner l’analyse de l’Académie d’agriculture de France, qui indique des baisses beaucoup plus importantes en bio pour le blé tendre (-61 % sur la période 2008-2018), dont la France est le premier producteur européen.
https://www.academie-agriculture.fr/sites/default/files/publications/encyclopedie/01.06.r03_ble_tendre_hiver_rendt_ab_et_moyenne.pdf
Cordialement.
Luigi Mariani

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Guillaume 5 juin 2025 - 10:24 am

c’est vrai on est à -50% environ pour le blé. Après en France, c’est pour de l’exportation le blé majoritairement, contrairement à ce que les lobbys nous rabâchent tout le temps, à base de “C’est pour l’autonomie alimentaire de la France. Cocorico!!” Non, c’est juste pour en exporter le plus possible! Et en France la culture du mais est réalisée dans des endroits très secs, donc il faut énormément arroser pendant l’été….

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Jojo 5 juin 2025 - 8:37 am

Toujours le même processus : la gauche et les écolos affirment n’importe quoi de plus ou moins vrai voire outrancier, non pour améliorer les choses mais par souci de communication pour montrer leur existence. Quand on n’a rien d’intelligent ou d’utile à proposer, on peut toujours l’ouvrir avec des paroles insensées, idéologiques ou purement idiotes. Embaucher 500 000 agriculteurs..

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poivre 5 juin 2025 - 5:29 pm

Ce brave Mélenchon n’en est plus à une ânerie près ! Mais celle là est une des meilleures. Embaucher 500 000 paysans travaillant en bio ? Mais c’est rétablir l’esclavage !

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Val Guillaume 5 juin 2025 - 8:39 am

Les agriculteurs ne sont pas leurs clients, tout simplement , tout sera fait pour les faire disparaître . L’idéologie n’est que l’arme du crime.

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mc2 5 juin 2025 - 9:35 am

“Des députés, tels Jean-Luc Mélenchon …”
Ex-député en fait.

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Élodie Messéant 5 juin 2025 - 10:17 am

C’est juste, merci

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JG Malliarakis 5 juin 2025 - 10:11 am

Très intéressant article. Petite erreur cependant, quand vous écrivez : “Des députés, tels Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Biteau entre autres”. Non Mélenchon n’est pas député, simplement démagogue…

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Philippe 5 juin 2025 - 10:27 am

D’après La France agricole, l’espérance de vie des agriculteurs à 35 ans est meilleure que celle de la moyenne des Français (+2 ans environ) et celle des agricultrices très voisine de celle des Françaises (-0,34 an).
L’amélioration de la sécurité des traitements reste essentielle, mais en évitant de créer des paniques injustifiées.
https://www.lafranceagricole.fr/sante-et-bien-etre/article/869871/l-esperance-de-vie-en-agriculture-est-dans-la-moyenne-basse

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poivre 5 juin 2025 - 5:32 pm

J’avais lu des statistiques qui montraient que les agriculteurs vivaient en moyenne plus longtemps que la plupart des catégories sociales françaises.

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Virgile 5 juin 2025 - 11:45 am

Mélenchon et la gauche sont des abrutis infinis. La Sri Lanka a fait le test de la culture bio et le résultat fut une famine et une envolée des prix des aliments, ce qui a conduit à une révolte de la population qui a chassé le président. Ils ne tirent aucune leçon de ce qui se passe dans le monde!

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Vinc 5 juin 2025 - 12:51 pm

Le cas de l’acétamipride est parlant, son interdiction étant basée sur une suspicion de risque potentiel. Le cas du glyphosate est encore beaucoup plus symptomatique d’une décision politique à l’encontre des intérêts économiques et surtout environnementaux. Ce qui a déclenché cette interdiction est une pseudo étude du Sieur Séralini financée par la grande distribution pour développer les gammes “sans” , sans OGM,. La cible était Monsanto (entreprise à l’époque américaine) leader des OGM et tant qu’à faire Séralini y a adjoint l’autre produit phare de Monsanto, le RoundUp. Par exemple les rats mâles abreuvés exclusivement avec une solution de RoundUp à la concentration de mon pulvérisateur, ont eu une durée de vie supérieure aux témoins n’ayant bu que de l’eau de source et mangé du maïs non OGM.
L’étude elle même (Figure 1 page 4) prouve la non toxicité de ces deux techniques mais Séralini a réussi le tour de force de donner une conclusion alarmiste, photos à l’appui et publication par ParisMatch. La chasse au RoundUp était lancée même si entre temps Monsanto était devenu européenne et petit producteur d’OGM.
Résultats, interdiction du glyphosate, et donc transfert vers d’autres herbicides. Dans les nappes phréatiques il est exceptionnel de trouver des traces de glyphosate (pourtant encore l’herbicide le plus utilisé) alors que l’on trouve fréquemment des herbicides concurrents (pour beaucoup sous capitaux chinois). De même , la technique de culture sans labours (étant susceptible de mieux respecter les sols) est abandonnée car basée fortement sur le glyphosate.
Les politiques pensent avoir gagné, l’économie a perdu, l’Environnement aussi a perdu.

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Revet u 5 juin 2025 - 1:10 pm

Il est assez comique de constater que celui qui encourage l’immigration et donc la surpopulation du pays soit en même temps un farouche partisan d’une agriculture incapable de nourrir sa propre population.
Fils de paysans j’ai vu l’utilisation de pesticides extrêmement violents, interdits aujourd’hui, quasiment sans protection faute d’information et avec des moyens rudimentaires.
Ces personnes n’ont jamais développé de pathologies en relation avec ces produits et sont décédés de vieillesse, une avec un cancer du foie, entre 82 et 92 ans .
Je pense que les gènes humains ont beaucoup évolué avec en particulier, le mode d’élevage des enfants dans le coton.

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maxens 5 juin 2025 - 4:56 pm

Tout cela c’est du baratin, la seule donnée économique si on veut encore des agriculteurs et des productions agricoles demain, c’est combien le consommateur est prêt à payer pour ses besoins. Le prix du blé payé au producteur est au même prix qu’il y a 35 ans…et ce alors que les moyens de productions ont subit l’inflation, que les importations, moins qualitatives, sont plus développées, et on demande aux agriculteurs de vivre avec cette équation, sans s’agrandir, c’est mal vu, et cela ne résout pas tout, …insoluble. Apres les contraintes, si l’agriculteur gagne bien sa vie, je suis persuadé qu’il pourra faire avec. Il pourra se payer une secrétaire pour remplir les nombreux papiers qu’on lui impose, accepter une perte de rendement si la production qui lui reste est suffisamment payé pour qu’il puisse en vivre et répondre à ses besoins…la seule question, c’est qu’est ce que le consommateur est prêt à payer pour sa nourriture. Mais lorsque l’on veut du plus vertueux en France tout en se fournissant avec des productions moins cher, ayant reçu ce qui est interdit en France, c’est de la pure hypocrisie, et ce n’est pas acceptable.

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Henou 8 juin 2025 - 8:52 am

Les pesticides sont pour les plantes ce que sont les médicaments pour l’homme.
Il faut interdire à Melanchon de faire soigner et de laisser la nature faire son travail

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