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Aurions-nous pu agir différemment ? Ce que révèlent les stratégies de lutte contre le Covid-19

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La crise sanitaire que nous traversons est grave. Et il semble que nous soyons incapables d’envisager d’autres stratégies que celle du confinement général. Ce n’est pourtant pas la seule, comme il est prouvé ailleurs dans le monde, avec des résultats que nous devrions davantage méditer. Plus fondamentalement, cette crise devrait aussi exhorter notre État à gouverner plutôt qu’étatiser, conformément à ce que disait déjà Jean-François Revel.

Donc, pour nous, la seule solution pour aplanir la courbe épidémique et éviter autant que possible de saturer nos services de réanimation, c’est le confinement général. Il est évident qu’il faut protéger nos soignants –ce sont eux qui, entre autres, qui sont en première ligne – mais cela ne doit pas nous conduire à occulter le fait que certains pays n’ont pas appliqué le confinement total et ont pourtant enregistré des résultats très éclairants quant aux « bonnes pratiques » en matière de gestion d’une telle crise. D’après le discours politico-médiatique ambiant, toute la terre ou presque se serait rangée à la stratégie mise en œuvre par la France, l’Italie et l’Espagne et quelques autres Etats européens. Certes, trois milliards d’êtres humains seraient aujourd’hui confinés dans le monde. Mais dans certains cas, ce sont les individus qui choisissent librement de se confiner ; dans d’autre, c’est au contraire l’État qui l’impose massivement, sans distinction, à la population tout entière.

Stratégie de confinement contre stratégie de dépistage

Contrairement à nous, les Tigres asiatiques, notamment Taïwan et la Corée du Sud, ont choisi de privilégier le dépistage systématique, l’identification et le contrôle des foyers épidémiques. Ils ont aussi une capacité d’accueil des malades souvent bien supérieure à celle de la plupart des autres pays. La Corée du Sud dispose par exemple de 12,3 lits pour 1 000 habitants – ce qui la place au deuxième rang mondial selon ce critère, derrière le Japon -, alors que la France en compte seulement 6.[[https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-voici-les-dix-mesures-qui-ont-permis-la-coree-du-sud-de-contrer-l-epidemie-6794717]] Or, si la réponse de la Corée du Sud a été très énergique, elle n’a pas pour autant prévu le confinement de la population et semble avoir été plus respectueuse des libertés fondamentales. Sans que la population en souffre, bien au contraire : le taux de létalité dû au Covid-19 y est de 1,6%, contre 4,4% ailleurs en moyenne.[[Ibid. Il faut toutefois faire attention aux chiffres dont nous disposons aujourd’hui concernant le taux de mortalité du Covid-19. En effet, puisque peu de pays ont pratiqué des tests de manière aussi systématique que la Corée du Sud, il est à ce jour très difficile de chiffrer correctement la mortalité réelle liée au virus dans la plupart des pays. Rappelons en outre qu’il convient de distinguer entre le taux de létalité d’une maladie (rapport entre le nombre de décès dus à cette maladie et le nombre de cas confirmés) et son taux de mortalité (rapport entre le nombre de décès dus à la maladie et la population totale du pays).]] L’économie sud-coréenne aura sans doute été dans le même temps mieux protégée, là où nous annonçons déjà en France une récession, une hausse du chômage et une explosion de la dette publique – déjà insoutenable avant le début de la crise –, désormais estimée au-delà de 100% du PIB.

Il est assez curieux qu’en France, nous ne parlions pas davantage de ce qui paraît avoir bien marché dans la gestion de la crise sanitaire par les Tigres : il y a eu plusieurs reportages fort intéressants[[Voir par exemple le très bon article dans le numéro du Point du 19 mars 2020 par Jérémy André, « Comment les Tigres asiatiques ont dompté l’épidémie ».]], mais rien de plus, alors que l’on pourrait en tirer bien des conclusions ; et surtout peut-être, s’interroger : pourquoi n’en parle-t-on pas davantage ? Serait-ce par crainte de devoir admettre la supériorité d’autres strategies, sans confinement, sans mise en danger des interêts éconmiques vitaux d’un pays ? C’est dérangeant, mais la comparaison est ineluctable : nous avons bien dû constater, ces derniers jours, que nous n’étions absolument pas préparés à l’éventualité d’une pandémie comme celle du Covid-19. Contrairement à d’autres, comme la Corée du Sud, qui avait largement tiré les leçons des crises sanitaires du passé – le SRAS en 2003 et H1N1 en 2009-2010 par exemple.

Gouverner n’est pas étatiser

Avoir opté pour le confinement général peut déjà être considéré comme un terrible échec : nous nous efforçons de juguler la crise sanitaire, mais nous aurions dû, en amont, faire en sorte de ne justement pas avoir à décréter un confinement aussi lourd, que nous paierons très cher économiquement pendant longtemps, et qui contribuera à alourdir encore le poids de l’État dans la société. Certes, il est toujours facile de critiquer après coup. Mais à quoi servent les rapports commandés par nos gouvernants depuis des années à nos experts afin d’évaluer les risques que ferait courir la survenue de telle ou telle catastrophe ? On le sait, plusieurs spécialistes, dont Didier Raoult, le célèbre infectiologue qui dirige aujourd’hui l’IHU Méditerranée de Marseille, nous ont mis en garde dès les années 2000 contre les conséquences dramatiques qu’aurait pour nous la mutation d’un virus respiratoire, du fait d’une incapacité à y faire face. On peut donc légitimement se demander quelles mesures effectives nos gouvernants ont prises depuis lors pour tenter de parer au danger.

Aurions-nous confiné la population en France si nous avions pu disposer de tests, de masques, de gel hydroalcoolique, de surblouses, de lits en réanimation et de respirateurs en quantités suffisantes ? Probablement pas. Ainsi que l’a dit cruellement mais justement Ivan Rioufol sur la chaîne d’information CNews, « le confinement, c’est la solution du pauvre ».

Nous avons fait inscrire le fameux « principe de précaution » dans la Constitution en 2005. Je proposerais d’inscrire également un autre principe, que l’on pourrait appeler « de non-aliénation » : la garantie qu’un État ne pourra jamais, quelles que soient les circonstances, s’arroger des pouvoirs démesurés ni placer les citoyens, fût-ce provisoirement, dans un état d’asservissement qui les rendrait toujours plus dépendants du pouvoir politique. Bien sûr, il faut que l’État soit en mesure de répondre à une crise, si la gestion de celle-ci est de son ressort. Mais si nous circonscrivions clairement et de manière institutionnelle le périmètre d’action au-delà duquel un État réellement démocratique ne pourrait jamais aller, et si nous appliquions ce principe, cela forcerait alors peut-être l’ensemble des acteurs de la société à réfléchir de manière plus autonome aux réponses à prévoir. L’omnipotence et l’omniprésence étatiques peuvent de ce point de vue paraître comme des vecteurs d’irresponsabilité individuelle et collective. Hélas, il est à redouter que ce souhait ne soit qu’un vœu pieux. Car son adoption priverait les gouvernants d’une manne électorale dont ils ne voudront jamais se défaire : la possibilité pour eux, notamment au travers des gigantesques projets de relance de l’économie, comme ceux qui sont en train d’être mis en place un peu partout, d’inféoder plus encore les entreprises et les individus à la férule de l’État.

Dans maints ouvrages et articles[[Voir par exemple l’interview parue dans Le Figaro du 15 février 1996.
http://chezrevel.net/jean-francois-revel-la-france-est-sur-etatisee-mais-sous-gouvernee/
]], Jean-François Revel insistait sur le fait que la France a tendance à être sur-étatisée mais sous-gouvernée. Qu’entendait-il par là ? Que l’efficacité de l’action d’un État n’est pas proportionnelle, tant s’en faut, au poids de celui-ci. Les États efficaces, disait-il en substance, sont ceux qui agissent vite et bien, tout en restant limités dans leur taille. Peut-être est-il temps de comprendre, et d’admettre une fois pour toutes, que l’étatisation maximale, que certains réclament encore aujourd’hui, est exactement le contraire de l’efficacité gouvernementale attendue des citoyens.

Comment donc gouverner, dans le sens que nous évoquons, en cette période de crise ? « C’est d’abord », dit Didier Raoult, « une question de volonté politique ». On le sait, Didier Raoult, qui considère la stratégie de confinement global comme moyenâgeuse[[https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/exclusif-coronavirus-didier-raoult-claque-la-porte-du-conseil-scientifique-de-macron-1188372. Voir aussi https://www.valeursactuelles.com/societe/video-un-membre-du-conseil-scientifique-covid-19-denonce-linefficacite-du-confinement-117180]], a clairement opté à l’IHU Méditerranée pour une stratégie fondée sur le dépistage massif, le diagnostic et le traitement par combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. « Si nous arrivons à faire 2 000 tests par jour à l’IHU de Marseille », ajoute-t-il, « je ne peux pas croire que la France entière ne soit pas capable de faire comme en Allemagne ou en Corée du Sud : 100 000 tests par jour ».[[https://www.valeursactuelles.com/societe/didier-raoult-il-y-aura-une-enquete-parlementaire-apres-tout-ca-et-elle-sera-sanglante-117644]]

Matthieu Creson
Enseignant, doctorant en histoire de l’art, diplômé en lettres et en philosophie, et ancien élève d’école de commerce

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1 commenter

Picot 28 avril 2020 - 11:13 am

Stratégie
Non, on ne pouvait plus faire autrement et adapter une autre stratégie étant donné le manque de masques, de solution hydroalcoolique, de lits de réanimation et de respirateurs. Carence du gouvernement à tous les étages : il a menti sur presque tout, dit que les masques étaient inutiles pour cacher le fait qu'il n'y en avait plus. Il aurait fallu faire comme les Coréens, ou mieux les Taïwanais : masques obligatoires pour tout le monde dès le début, lavage des mains et tests à gogo. Ainsi il aurait été possible de faire un confinement beaucoup plus souple. Le confinement chez nous est, effectivement, une politique du pauvre et un aveu d'échec. Soit disant 60000 vies sauvées par le confinement. Oui? Et combien perdues par la carence de l'Etat? Nous aimerions savoir. Les généralistes viennent de dire que le nombre de morts à domicile pourrait atteindre 9000 cas. Ce chiffre aurait du être beaucoup plus bas.

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