L’article de Jean-Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, intitulé Le pays de la loterie fiscale, a été publié dans le Wall Street Journal du 19 janvier sous le titre The French Tax Lottery . Vous pouvez le lire sur le site du WSJ ou plus bas dans les deux versions, en français et en anglais.
Le président du FMI, Monsieur Dominique Strauss-Kahn, se rappelle à la France en rendant publiques ses orientations économiques, comme pour faire savoir qu’il est toujours candidat potentiel à la présidence de la République. Il y souligne que « la politique monétaire doit …donner plus d’attention à la stabilité financière ». Mais en même temps il évoque la fiscalité dans le cadre de « l’objectif commun de la politique budgétaire [qui] doit être de soutenir la création d’emplois et une croissance durable à moyen terme ». Et à ce titre il semble prêt à faire sans cesse évoluer la fiscalité pour l’adapter aux besoins du moment. La stabilité fiscale est pourtant au moins aussi importante que la stabilité financière pour permettre aux acteurs de l’économie d’inscrire leurs projets dans le temps. Malheureusement nous vivons un temps d’incohérence fiscale.
Le budget 2011 de la France a alourdi la charge des contribuables. Il a aussi ajouté du maquis au maquis dans la confusion des textes qui régissent la fiscalité des personnes physiques et morales. Il a encore ajouté de l’incertitude à l’incertitude des contribuables.
Le coût total des niches fiscales est estimé à 65,306 milliards en 2011 malgré un coup de rabot qui n’a finalement touché que 17 niches et qui servira pour 3 milliards d’euros à financer la réforme des retraites.
Par ailleurs de nombreuses mesures contenues dans la loi de finances pour 2011 alourdissent la charge fiscale des particuliers. Il s’agit notamment des relèvements de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu (de 40 à 41%), du Prélèvement forfaitaire libératoire (PFL, de 18 à 19%), du taux forfaitaire applicable aux plus-values mobilières et immobilières (de 18 et 16% respectivement à 19%) et du taux du prélèvement social sur les revenus du capital (de 2 à 2,2%). Il faut ajouter que les quelques 700 000 particuliers employeurs déclarant leur employé au salaire réel perdent le bénéfice de l’abattement de 15 points sur les cotisations sociales employeur et les offres « triple play » deviennent assujetties au taux de TVA de 19,6% au lieu de l’être en partie au taux de5,5, ce qui représente un prélèvement supplémentaire de 1,1M€.
Les entreprises pour leur part disposeront d’un crédit d’impôt recherche majoré la première année. Mais elles supporteront un impôt, dit forfait social, sur la participation et l’intéressement porté de 4 à 6% et pour celles d’entre elles ayant plus de 50 salariés, le versement d’un intéressement pour la première fois ou toute augmentation de l’intéressement ne donnera plus droit à crédit d’impôt. La Contribution à la Valeur Ajoutée des Groupes d’entreprises sera calculée en fonction du chiffre d’affaires de ceux-ci et non au niveau de chacune des sociétés du groupe, soit une charge supplémentaire de 160M€.
D’une manière générale, la fiscalité devient une loterie tant l’imposition est hasardeuse à moyen et long terme, voire à court terme. Les contrats d’assurance-vie en cours seront désormais soumis à la CSG chaque année et non plus au dénouement du contrat. La réduction des crédits en faveur du photovoltaïque est sensée, mais elle remet en cause une filière industrielle et commerciale qui s’était construite sur ces engagements fiscaux. Il en est de même pour les investissements au capital des PME qui ne seront plus l’an prochain déductible de l’ISF qu’à concurrence de 50 % de leur montant au lieu de 75%. Il aurait peut-être été prudent d’attendre pour désavouer cette mesure phare et intelligente du candidat Sarkozy alors même que le gouvernement envisage la suppression de l’ISF à compter de 2012 !
Dans ce maelstrom fiscal le contribuable en perd sa boussole. D’une année sur l’autre il est difficile de savoir quels seront les impôts à payer parce qu’ils changent tout le temps. Finalement, cette incertitude fiscale est ce qui est le plus nuisible à l’attrait de la France. Et c’est à cause d’elle que malgré le bouclier fiscal, très peu de Français expatriés sont revenus : ils ne sont pas en sécurité fiscalement dans un pays où rien n’est jamais sûr en la matière.
The French Lottery Tax
This month Dominique Strauss-Kahn has emerged to spell out his economic and monetary orientations, as though to remind the French public that he remains a potential candidate for president.
As he told France’s Le Figaro newspaper, monetary policy should « pay more attention to financial stability. » But at the same time, he refers to taxation within the scope of the « common objective of the budgetary policy, which should be to support the creation of jobs and sustainable growth at medium term. » In other words, the IMF’s chairman advocates frequent tinkering with tax rates, depending on the needs of the moment.
Perhaps someone ought to remind Mr. Strauss-Kahn that tax stability is at least as important as financial stability. Otherwise, economic actors have no way to rationally plan future projects. Unfortunately, Mr. Strauss-Kahn’s ideas are already widespread, and today many of us live in a time of tax uncertainty.
Take France, whose 2011 budget tinkers mightily with tax rates in an effort to meet the government’s political, fiscal, and economic goals, leaving taxpayers even more uncertain about how much they’ll owe Paris in future. For starters, the budget manages to even further complicate France’s Byzantine tax code, with an even more muddled array of carve-outs and loopholes. These loopholes will cost the state an estimated €65.3 billion this year, not counting the revenue lost from French taxpayers who decide it’s cheaper and simpler to just hire a good accountant and avoid the system altogether.
The new 2011 fiscal plan will also increase Paris’s take from various taxpayers. In particular, the state has raised the upper-income tax bracket to 41% from 40%; the standard capital-gains rate on securities and real estate to 19% from 18% and 16% respectively; the standard income-tax deduction at source to 19% from 18%; and the social-security contribution rate on the return on capital to 2.2% from 2%. At the same time, a host of package deals on things like internet and phone services will henceforth be subject to France’s standard 19.6% value-added tax rate, from a reduced rate of 5.5% previously.
Meanwhile, roughly 700,000 private employers will this year be ineligible for a 15-percentage-point break they used to receive on their social-security contributions. Companies will enjoy an increase in their tax credits for research. But their so-called « social contribution »—the tax companies must pay on their profit-sharing schemes—will rise to 6% from 4%. And firms with more than 50 employees will, for the first time, receive no tax credits for paying profit-related bonuses. Deductions on investments in the capital of small and medium-size companies will, as of next year, drop to 50% from 75% currently.
I could go on, but generally speaking, taxation in France has become a lottery. The taxpayer is completely lost in this maelstrom of cuts, hikes, giveaways and penalties. If Mr. Strauss-Kahn is serious about running for president, he might first consider how the philosophy of adjustable taxation has already driven wealth and jobs out of France. Then again maybe he knows this already; after all, Mr. Strauss-Kahn remains a Washington, D.C. resident. Surely he’s aware of how few French expatriates have returned home this year: Who can feel fiscally safe in a country where the taxes never stop changing?