Comme le sous-titre l’indique, ce livre de l’économiste Jean-Marc Daniel est un plaidoyer pour une économie intégrant l’impératif écologique. Dans cet ouvrage, l’auteur s’attaque vivement à ce qu’il appelle les « pagano-gauchistes ». Il explique que le « pagano-gauchisme » est une reprise, par les mouvements politiques écologistes, des critiques contre le « capitalisme et l’économie de marché qui constituaient le fondement des idées marxistes » (p. 11). Le but de ce livre est de promouvoir une écologie libérale. Pour ce faire, Jean-Marc Daniel nous plonge dans la pensée qu’il souhaite ressusciter, celle des physiocrates et notamment de son fondateur François Quesnay. Ce libéralisme « céréalier » qui précède celui d’Adam Smith prône le libre-échange et la concurrence, mais surtout, explique que le fondement de la richesse d’une nation provient de son agriculture – on pense ici à la fameuse phrase de Quesnay « Pauvres paysans, pauvre royaume ». La physiocratie considère également qu’il y a un ordre naturel provenant de lois de la nature, et qu’il faut s’y soumettre, ou plutôt s’y adapter, ce que font les agriculteurs chaque année en tirant le meilleur de leurs terres malgré les aléas.
Ce livre trace un récit de la pensée physiocratique à travers différents économistes. Jean-Marc Daniel, dans son analyse historique de l’économie, tire à boulets rouges sur le malthusianisme tout en expliquant que la révolution industrielle, la puissance économique, et la sortie des périodes de disettes ont été obtenues grâce au charbon : c’est le « capitalisme carbonifère » qui permet notamment au Royaume-Uni d’abord, puis aux Etats-Unis et à l’Allemagne ensuite, d’extirper la population de sa condition et aux pays de se développer.
Jean-Marc Daniel estime que le problème majeur d’aujourd’hui est la pollution et les émissions de carbone, notamment dues à ce capitalisme carbonifère. Il propose de réduire ses nuisances en instaurant notamment un prix du carbone afin de prendre en compte dans le prix des biens l’externalité négative que sont les émissions de CO2. De même, il propose de revenir à une certaine politique physiocratique. Critiquant le keynésianisme des élites dirigeantes occidentales, il propose de revenir au « quesnaysianisme ». Les moyens proposés pour cela sont paradoxaux : l’auteur préconise d’en finir avec tout interventionnisme étatique et tout protectionnisme dans la formation des prix des produits agricoles, tout en subventionnant massivement les agriculteurs. Ces subventions ont pour but « la rémunération de l’externalité positive des actions [que les agriculteurs] mènent pour préserver l’environnement » (p.193). Cela semble paradoxal car les agriculteurs, pour produire, émettent du carbone. Si l’on suit ce raisonnement, la vente de leurs récoltes sera soumise à une taxe carbone d’un côté, et ils recevront des subventions de l’autre. Si libérer l’agriculture de l’interventionnisme étatique est une bonne chose, il faut la libérer complètement. Renforcer le mécanisme de subventions ne rend les agriculteurs qu’encore plus dépendants du politique. Néanmoins, plus loin, Jean-Marc Daniel nous rassure en écrivant que « faire confiance à l’entreprise et ne pas l’étouffer est la condition d’une action écologique efficace » (p. 197).
L’auteur n’est en rien un alarmiste climatique. Pour autant, et c’est le reproche principal que l’on peut faire à cet ouvrage, Jean-Marc Daniel semble considérer les propos et les modèles du GIEC comme irréfutables. Pourtant, et il le rappelle lui-même, le GIEC s’est plusieurs fois trompé dans ses prédictions. Alors pourquoi lui accorder autant de crédit ? D’autant plus que de nombreux scientifiques et climatologues remettent en cause les modèles de l’institution. Steven Koonin par exemple, ancien conseiller spécial pour le climat du président américain Barack Obama, considère les modèles du GIEC comme du « bricolage » et dénonce la chimère du zéro carbone et de la décarbonation forcée et urgente.
La décarbonation que promeut M. Daniel se ferait en partie grâce à une taxe carbone. Une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne est évoquée dans le livre, et le projet est d’actualité puisqu’il a été voté par le Parlement européen en juin 2022. Certes, l’auteur propose de réduire tous les autres impôts afin de booster l’innovation et le progrès technique, mais la taxe carbone n’est qu’un pis-aller. Qui plus est, une telle taxe pour être efficace au niveau mondial – et rien ne dit que cette taxe sera efficace – doit être appliquée de la même manière dans tous les pays du globe. Si Jean-Marc Daniel s’oppose au protectionnisme, l’idée d’une taxe carbone pour les produits importés dans l’UE est une mesure protectionniste.
Si les solutions proposées sont surprenantes pour un libéral, la majorité de l’ouvrage peut intéresser tout lecteur curieux de découvrir la physiocratie. Même s’il propose une taxe et des subventions, Jean-Marc Daniel reste un défenseur de la liberté économique et son ouvrage prône le libéralisme et l’économie de marché dans le tumulte des écolos-socialistes qui monopolisent les temps d’antennes. Mais pour réellement protéger la planète – si tant est qu’elle a besoin d’être sauvée – seule la recherche et l’innovation peuvent y parvenir. Nul besoin de taxe pour cela. Se plier aux exigences des ayatollahs de l’urgence climatique serait plus catastrophique qu’une hausse des températures.