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Taxation des très hauts revenus : la voie constitutionnelle étroite du Gouvernement

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Le projet de loi de finances initiale pour 2025 prévoyait, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024 jusqu’à l’imposition des revenus de l’année 2026, l’instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) visant à garantir une imposition minimale de 20 %. L’objectif ? Cibler les contribuables titulaires des plus hauts revenus « dont l’impôt payé, du fait d’une forte proportion de revenus du capital ou de comportements d’optimisation fiscale, ne reflète pas les facultés contributives véritables ».

L’adoption de la motion de censure le 4 décembre dernier ayant rendu impossible l’adoption d’un authentique budget avant la fin de l’année, le sort réservé à la CDHR semblait scellé. L’expiration du fait générateur de l’impôt sur le revenu – fixé au 31 décembre de l’année civile de réalisation ou de mise à disposition des revenus – paraissait avoir condamné l’application de la mesure pour le budget 2025.

Certes, la Constitution ne prohibe la rétroactivité de la loi qu’en matière pénale (sanctions fiscales comprises), de sorte qu’aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à la rétroactivité de la loi fiscale, s’agissant par exemple de mesures liées à l’assiette ou au taux de l’impôt, telle la CDHR. Mais parce que la rétroactivité de la loi fiscale empêche les contribuables d’anticiper les conditions dans lesquelles ils vont être imposés, le Conseil constitutionnel exige, depuis les années 1980, qu’elle soit justifiée par un motif d’intérêt général. D’abord appliquée de façon lâche, cette exigence a suscité un contrôle peu à peu resserré. Depuis une décision QPC du 14 février 2014, le Conseil constitutionnel juge ainsi que, pour que la rétroactivité d’une mesure fiscale soit justifiée, le motif d’intérêt général soit non plus seulement « suffisant » mais « impérieux ».

Ayant choisi de reprendre l’examen du « budget Barnier » là où il s’était interrompu au Sénat, le nouveau Gouvernement dirigé par François Bayrou avait indiqué vouloir maintenir le principe de la CDHR, suivant toutefois de nouvelles modalités destinées à en assurer la pérennité constitutionnelle. Sur la base de l’accord trouvé en commission mixte paritaire (CMP), la loi de finances a introduit un mécanisme d’acompte versé dès 2025 et calculé sur la base d’une estimation des revenus calquée sur ceux de l’année 2024, avant qu’une rectification n’intervienne en 2026 sur la base des revenus 2025 effectivement perçus par le contribuable. Le but de la manœuvre ? Recouvrer 2 milliards d’euros de recettes fiscales dès 2025, soit un rendement identique à celui escompté avec la première mouture de la CDHR.

Constitutionnellement, rien n’empêche l’État de prélever en cours d’année un simple acompte, non libératoire de l’impôt définitivement exigible après le 31 décembre, dès lors que la disposition fiscale s’applique au fait générateur à venir de l’impôt. Cette « petite rétroactivité » ou encore « rétrospectivité » devrait ici aussi être admise, les acomptes prélevés (par exemple au moment de la perception du revenu par le contribuable) ne revêtant pas de caractère rétroactif. D’évidence, le fait générateur de la CDHR ne sera pas échu pour les revenus perçus en 2025, le versement d’acomptes devant ainsi pouvoir permettre d’abonder dès cette année le Trésor public. Le Conseil constitutionnel devrait d’autant moins trouver à y redire que, par une décision QPC du 28 mai 2020, il a fait émerger un objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre l’optimisation fiscale, sans même se référer aux objectifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, c’est-à-dire de façon autonome.

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