Les Américains ne sont pas convaincus des vertus des « Bidenomics ». Pourtant, la politique économique de Joe Biden fait l’objet de beaucoup d’admiration à Paris. Pour ne pas dire d’une certaine jalousie. « Ils ont de la croissance, le plein-emploi, et l’inflation recule au point que les hausses de taux de la banque centrale américaine sont probablement terminées » entend-t-on dire ici et là en France. Qu’en est-il réellement ?
Et ces mêmes Français de s’interroger : Les Américains seraient-ils aveugles ? Ingrats ? Ne voient-ils pas que le chômage est tombé à 3, 9% ? Ne ressentent-ils pas que l’inflation est passée de son pic de 9, 1% en juin 2022, à 3, 2% aujourd’hui ? N’ont-ils pas remarqué que la croissance au troisième trimestre a atteint 4, 9% en rythme annuel ? On se croirait sur les ondes des propagandistes habituels de la politique du Parti démocrate.
Si tout est si rose de l’autre côté de l’Atlantique, pourquoi donc le mois de novembre marque-t-il le quatrième mois consécutif de chute de la confiance des consommateurs américains ?
La popularité de Joe Biden baisse, même chez ses électeurs
N’en déplaise au New York Times et à l’AFP, la popularité de Joe Biden est tombée de 46% en janvier à moins de 40% aujourd’hui. C’est le point le plus bas de son mandat et surtout c’est 2% en dessous de Donald Trump. Depuis septembre le président Biden sillonne l’Amérique pour vanter le succès des « Bidenomics ». En vain, et 21% des électeurs démocrates sont même désormais en désaccord avec leur président.
La situation économique n’est bien sûr pas le seul déterminant de la popularité. L’immigration clandestine est aussi un sujet qui alarme les électeurs. Par exemple, 59% des Américains désapprouvent l’impuissance de l’administration Biden en la matière. La police fédérale aux frontières a intercepté en moyenne 8000 immigrants illégaux par jour au cours de l’automne. On sait que beaucoup d’autres sont passés à travers les mailles du filet.
Par ailleurs, après avoir flatté en 2021 les élus démocrates de villes qui Å“uvraient pour réduire les moyens de la police (« Defund the police ! », criaient en boucle les activistes sur CNN), Joe Biden prétend aujourd’hui renforcer les aides financières aux forces de l’ordre étatiques et locales. Ce revirement sécuritaire — précipité par la fermeture de centaines de magasins dans des quartiers au cÅ“ur de métropoles, comme à Washington DC, Portland et San Francisco, livrées aux clochards et campeurs sans abri — suscite un grand scepticisme.
Au-delà de ces questions, le rejet des « Bidenomics » reste le gros problème du président sortant. Janet Yellen, ancienne patronne de la Réserve fédérale qu’il a recrutée comme Secrétaire au Trésor dans l’espoir de crédibiliser une politique d’expansion massive des dépenses publiques, croit avoir trouvé la réponse à ce rejet : « Je pense que nous faisons des progrès considérables en réduisant l’inflation. Mais les Américains continuent de voir que les prix sont plus élevés que ceux qu’ils avaient l’habitude de payer ».
Les prix augmentent plus vite que les salaires
Par rapport à janvier 2021, date de l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, les prix en moyenne ont grimpé de 18%. Pour les prix alimentaires, le gain net est encore de 20%, en dépit d’une baisse de près de 8% depuis un an. Dans le secteur des services les hausses par rapport aux niveaux de 2020 (avant la péndémie) sont souvent encore plus spectaculaires : + 33% pour les primes d’assurance automobile, + 32% pour les garderies d’enfants, + 25% pour l’électricité, + 28% pour les loyers, + 24% pour les menus de restaurant…
Joe Biden répète que « les Bidenomics, c’est le retour du rêve américain ». Or le rêve ressemble à un cauchemar car les salaires sont loin d’avoir augmenté dans les mêmes proportions, même en tenant compte d’une accélération récente. Résultat : le revenu réel disponible des Américains, si l’on tient compte des impôts et de l’inflation, est au même niveau qu’en juin 2021 (voir graphique ci-contre).
Pire, les Américains n’acceptent pas le présupposé démocrate, sans cesse poussé par une presse plus partisane que jamais, selon lequel l’inflation est une calamité tombée du ciel avec le covid. En réalité l’Américain moyen sent, parfois confusément, que l’argent « gratuit » qui lui a été si généreusement distribué – d’abord sous Donald Trump durant la pandémie, puis sous Joe Biden alors que la pandémie se calmait – se paye aujourd’hui sous la forme d’une inflation qui a amputé son niveau de vie.
Bond de 23% du déficit budgétaire en 2023
L’inflation a certes été aggravée par des ruptures de chaînes de production, déclenchées par les confinements. Mais elle a été amplifiée et entretenue par l’irresponsabilité budgétaire de Joe Biden et par une politique monétaire de la Réserve fédérale délibérément laxiste pendant beaucoup trop longtemps. Le déficit budgétaire américain en 2023 a bondi de 23% par rapport à l’année dernière. Faire porter ce chapeau à Donald Trump, qui n’est plus président depuis janvier 2021, et au covid, qui n’est plus un problème depuis l’été 2022, est ridicule.
L’explosion de l’endettement public démontre que le « quoi qu’il en coûte » keynésien continue. Déclarer que les « Bidenomics » sont un succès, revient à féliciter Joe Biden pour son déficit budgétaire de 6, 3% en 2023, contre 5, 4% en 2022. La projection d’un déficit de 6, 8% du PIB en 2024 suppose que la croissance soit encore là … Sous Biden les recettes fiscales ne grimpent pas comme prévu, mais les dépenses ne sont pas maîtrisées.
La politique budgétaire hyper- stimulante génère effectivement de la croissance. Mais à quel prix pour les générations futures, accablées de dettes ? Le stock de dette publique fédérale atteint aujourd’hui plus de 97.000 dollars par Américain contre 84.000 dollars avant l’arrivée de Joe Biden.
Dernier point : l’envolée des taux d’intérêt fait mal. Certes, beaucoup d’Américains, endettés par le biais d’hypothèques à taux fixe finançant leur logement, ont en partie échappé à cette explosion du prix de l’argent. Pour autant, le taux d’un prêt à la consommation aujourd’hui pour un emprunteur de bon standing est de 8, 50%, contre 3,25% en mars 2022. Dans un pays où le crédit est si important pour alimenter la consommation, cette majoration est particulièrement douloureuse pour les moins riches. Quant aux jeunes et primo-accédants sur le marché immobilier, ils sont plus que jamais marginalisés.
La « flambée » de croissance du troisième trimestre est en fait en grande partie liée à un nouvel appel à l’épargne constituée durant le confinement. Or cela ne pourra durer car les économies des Américains s’épuisent. L’autre facteur qui avait dopé la croissance cet été — une reconstitution des stocks des entreprises — était lui aussi conjoncturel. Les récents taux de croissance élevés ne prouve aucunement le succès des « Bidenomics ». Du reste, la Fed ne s’y est pas trompée : elle a bel et bien suspendu ses majorations de taux, en raison de signes évidents de fragilisation de la consommation.
Les Bidenomics combinent plusieurs grandes lois (American Rescue Plan, Infrastructure Investment and Jobs Act, CHIPS and Science Act, Inflation Reduction Act) et un certain nombre d’actions exécutives.
2 commentaires
OK !! Que dire de la France qui est pratiquement en faillite ??
Pandémie pas  » péndémie  » méfiez-vous des contrefaçons…..