L’hôtellerie avec AirBnB, la mobilité avec BlablaCar, la distribution avec Amazon, nombreux sont les secteurs dans lesquels des entrepreneurs ont changé nos habitudes. L’immobilier fait pour le moment exception. Face à un tel immobilisme, les startups peuvent-elles pallier les déficiences du marché ?
Un marché immobilier sinistré
Le taux d’effort pour le logement s’élève en moyenne à 27 % des revenus pour les propriétaires accédants et les locataires du secteur libre[[INSEE, Les conditions de logement en France, 2017]]. C’est l’un des premiers postes de dépense des ménages. Pour autant, rares sont ceux qui se disent satisfaits de leur loyer, de leur agent immobilier ou de leur syndic. Les recherches de logement sont légitimement vécues comme un calvaire. On s’offusque bien souvent des commissions des professionnels lors de la vente d’un bien, sans parler de la fiscalité spoliatrice sur un capital qualifié d’« improductif ».
Un marché particulièrement décevant qui prend pourtant une part considérable dans l’économie nationale : 18 % du PIB pour les activités immobilières et la construction. Face à l’incapacité des acteurs économiques en place à satisfaire les consommateurs, des entrepreneurs tentent de saisir cette opportunité pour proposer de nouveaux services. Arriveront-ils pour autant à changer les règles du jeu ?
Des startups qui tentent de changer les règles du jeu
Dans leur récent livre, l’Immobilier demain[[Rivaton et Pavanello, L’immobilier demain, La Real Estech, des rentiers aux entrepreneurs, 2017]], Robin Rivaton et Vincent Pavanello montrent, exemples à l’appui, que l’immobilier a bel et bien entamé une mutation. En 2016, la Real Estech, dénomination qui englobe l’ensemble des startups dans l’investissement, la construction et la gestion de biens immobiliers, a levé 2,7 milliards de dollars dans le monde. En Chine et outre-Atlantique, plusieurs licornes, des jeunes entreprises qui ont théoriquement dépassé le milliard de dollars de valorisation, imposent déjà leur vision dans ce secteur [2]..
De moins en moins un phénomène marginal, le crowdfunding révolutionne déjà le financement des projets immobiliers avec 3,5 milliards de dollars investis en 2015. Un opérateur new-yorkais a fait appel au financement participatif pour la construction du World Trade Center III, à Manhattan. Le Building Information Modeling (BIM) change les pratiques dans la construction en permettant les échanges d’informations avec tous les professionnels : projet architectural, suivi des travaux, maintenance, réparation tout au long de la vie du logement. Certaines entreprises comme OpenDoor aux États-Unis ou Homeloop en France proposent aux particuliers de racheter directement leur bien pour ensuite le revendre. Fini les angoisses liées à l’attente et au prix de vente. De nombreuses plateformes permettent aux propriétaires particuliers de se réapproprier la gestion locative grâce à la numérisation du bail de location, de l’état des lieux et des quittances.
L’innovation face à l’impasse réglementaire
Malheureusement, même si elles fluidifient les transactions et améliorent l’offre de services, toutes ces réussites entrepreneuriales, qu’elles soient françaises ou internationales, ne peuvent pas s’attaquer aux véritables maux : une offre de logement trop faible dans les zones tendues et des coûts de transaction exorbitants. Et pour cause, les professions réglementées, l’intervention publique et les réglementations constituent de véritables barrières à l’entrée. La fiscalité et le contrôle des loyers dissuadent les investisseurs de construire ou de rénover. La planification des sols fait exploser les prix dans les centres-villes. Les normes de construction génèrent des surcoûts qui dissuadent de démolir pour construire mieux, moins cher et plus vite.
Face aux effets pervers générés par ces réglementations, l’État compense en subventionnant les plus démunis à coups de prêts à taux zéro (PTZ), d’aides financières (APL) et de logements sociaux. Une intervention massive qui coûte au contribuable français autour de 50 milliards d’euros par an, soit près de 150 euros par ménage chaque mois (voir à ce sujet un rapport complet de l’IREF sur le logement dit « social »).
Devant toutes ces défaillances artificielles, les entrepreneurs ne pourront malheureusement que réagir à la marge. Un véritable changement de paradigme réglementaire est nécessaire. L’IREF propose notamment d’alléger la fiscalité sur le logement, de simplifier les normes de construction, de rétablir la liberté contractuelle pour les baux locatifs et de réformer la politique du logement social.
Plusieurs économistes affirment que la baisse du pouvoir d’achat des ménages est due aux surcoûts associés au marché immobilier[[Mahtani et Miller, Don’t Blame the Robots, Foreign Affairs, 30/08/2017]]. Il est urgent que les politiques éliminent les interférences réglementaires et fiscales pour que les entrepreneurs aient enfin le droit de proposer des services toujours plus compétitifs et qualitatifs sur un marché où les gains de productivité potentiels sont considérables.