Le 28 mai 1946, les accords Blum-Byrnes, accords économiques franco-américains, entérinaient l’effacement de la dette française et 650 M$ de prêts contre la fin du contingentement des films hollywoodiens. Ceux-ci envahissent les salles françaises et en 1947, 420 millions de spectateurs se ruent au cinéma pour découvrir les films américains. Le préjudice pour notre pays se fait sentir puisque le nombre de productions chute à 71 films, moins qu’en 1942. La signature des accords, vus comme une tentative d’assassinat du cinéma français, soulève un tollé immédiat dans le milieu audiovisuel.
Depuis cette époque, l’exception culturelle française, unique marque cocardière d’un milieu mainstream ouvert aux quatre vents des influences étrangères, a durablement marqué le cinéma et le monde de la culture dans son ensemble.
Le cinéma, un secteur choyé, avant, pendant et après la crise sanitaire
Le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) est un établissement public administratif placé sous tutelle du ministère de la Culture, bras armé de la politique de ce dernier quant au soutien à la production d’œuvres cinématographiques.
Le budget du CNC, de 675,5 M€ en 2020, est alimenté par trois taxes spéciales : la taxe sur les services de télévision, due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D), représente respectivement 38,6 et 29,9% des recettes ; la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, dite TSV (9,8% des recettes) ; et enfin la taxe sur les entrées en salle de cinéma, dite TSA, (21,7% des recettes).
Le CNC est chargé d’une triple mission : économique, à travers le soutien à une industrie soumise à une forte concurrence internationale et représentant 0,9% du PIB ainsi que 1% de l’emploi total en France ; culturelle, via la valorisation de la création nationale ; et enfin stratégique par la participation directe à la définition de la politique de l’État pour ce secteur.
Or, la crise a touché de plein fouet le modèle de financement du CNC. La TSA a enregistré une baisse de son rendement de 77M€ et la TST-E, fragilisée par la contraction du marché publicitaire, a perdu 30% de son rendement, soit 47M€. Au total, la perte de recettes pour le CNC avoisine les 113 M€, soit 17% de son budget.
Les 2 040 salles de cinéma françaises ont, en effet, été mises à rude épreuve par la crise sanitaire : au mois de mars 2020, la fréquentation a atteint 5,95 millions d’entrées, soit une baisse de 68,3% par rapport à mars 2019 (38,5 millions d’entrées pour le premier trimestre 2020).
Au-delà des dispositions de droit commun d’aide aux entreprises, a été mis en place un train de mesures spécifiques destinées au soutien du secteur, telles que la suspension du paiement au CNC de la TSA, (17,2M€), le paiement anticipé des aides financières aux salles d’art et d’essai (16,5 M€), ou encore le versement anticipé des aides financières aux salles à programmation difficile (1,7 M€), ainsi que des aides sélectives à la distribution (5,5 M€).
Cette attention particulière des pouvoirs publics et les privilèges octroyés au secteur dépassent le cadre conjoncturel et s’enracinent dans les structures de « l’État culturel » français. Dans un environnement de concurrence internationale très marquée et de délocalisation massive de projets cinématographiques et audiovisuels jusqu’en 2015, le CIC (crédit impôt cinéma) permet à une société de déduire de son imposition certains des coûts de production d’un film.
Le dispositif est aujourd’hui égal à 30 % du total des dépenses éligibles, dans la limite d’un plafond de 30 M€ par œuvre. La dépense fiscale, c’est-à-dire l’avantage ainsi octroyé, est passée de 613 M€ en 2015 à 698 M€ en 2019 pour 673 films soutenus, avant la crise. Du fait de celle-ci, le chiffre tombe à 528 M€ pour 138 films soutenus en 2020.
Impact des crédits d’impôt cinéma audiovisuel et international
Au total, l’ensemble des trois crédits d’impôt, CIC, CIA (crédit d’impôt audiovisuel) et crédit d’impôt international (CII) représentait 1,458 Mds€ en 2015, 2,08 Mds€ en 2019 et 1,824 Mds€ en 2020, soit 366 M€ de progression sur la période.
L’objectif de relocalisation des tournages en France est un succès : le taux de délocalisation des fictions cinématographiques tombe de 27% en 2015 à 15% en 2019 et 7% en 2020 (un chiffre toutefois potentiellement faussé par la crise sanitaire, une baisse de 18% des tournages ayant été constatée cette année-là, avec 152 projets de cinéma suspendus et 117 interrompus), entraînant dans son sillage la création de 7 000 emplois.
Le CIA, quant à lui, cherche à stimuler la production d’œuvres audiovisuelles ambitieuses et à renforcer l’ensemble de la filière technique. En 2016, le taux du CIA a été porté à 25% pour la fiction et l’animation. Le CIA est donc passé de 788M€ et 1 324 heures de programme soutenus à 1 051 M€ et 1 618 heures de programmes soutenus, soit une progression de 263 M€ et 293 heures de programmes supplémentaires.
Le crédit d’impôt international cherche à améliorer l’attractivité du territoire français pour les productions étrangères, notamment pour les 35% de films américains tournés hors des Etats-Unis. Le taux du CII a été porté à 30% en 2016 et à 40% en 2020 pour les œuvres à forts effets visuels, avec un plafond à 30M€. L’effet de la réforme est spectaculaire : le CII grimpe de 24 projets soutenus et 57M€ engagés à 75 projets soutenus et 245M€ de dépense fiscale engagée, soit un triplement des projets soutenus et une progression des dépenses de 188M€.
L’étude de la niche fiscale globale des crédits d’impôt culturels voit deux logiques concurrentes s’affronter : l’une est économique et l’on ne peut que saluer l’effet d’une baisse d’impôt sur un secteur apte à restaurer ses marges, profiter de coûts de production avantageux et même attirer les investisseurs étrangers ; l’autre est purement culturelle et l’on s’étonne de la faible qualité des productions françaises, constituées presque uniquement de sujets légers d’où la culture classique a été chassée. À cela, il faut ajouter l’extrême politisation des milieux culturels, et dans le meilleur des cas une franche indifférence à l’égard de notre culture et de nos traditions. Et si les aides au cinéma étaient supprimées, le tournage des films facilité et l’imposition de la chaîne de production réduite, le cinéma français ne s’en porterait-il pas mieux ?
2 commentaires
Les crédits d’impôt culturels : gouffre financier ou cas d’école d’une baisse des impôts maintenant l’activité économique sur le territoire national ?
Dans votre conclusion vous avez oublié de dénoncer la médiocrité des plateaux techniques où les prises de vues sont rocambolesques, les prises de sons (ou le mixage) relève de la capacité d’un enfant de 10 ans et l’interprétation des comédiens généralement en dessous du niveau minimum acceptable. On peut se demander si, dans ce milieu particulier, l’appartenance à une certaine caste politique ou idéologique ne primerait pas sur la qualité des intervenants. Et je ne parle pas du copinage ou du placement familial (pensez au fils de notre ministre actuel de la culture).
Les crédits d’impôt culturels : gouffre financier ou cas d’école d’une baisse des impôts maintenant l’activité économique sur le territoire national ?
Je partage totalement le commentaire de Obeguyx.
Les enregistrements des paroles des acteurs sont nuls; l’on ne comprend rien.
Une fois de plus ces crétins qui s’occupent des prises de sons n’ont jamais pensé à ceux qui devaient ensuite regarder et essayer d’écouter les films !!
Encore une preuve de parfaite incompétence. Décidément c’est le lot actuel de la France dans de nombreux domaines..!
Si vous doutiez de mes propos, regardez un ancien film avec Lino Ventura et ses potes, vous verrez, pas besoin de sonotones, mais les anciens avaient du respect !!