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Le plan Écophyto: histoire d’une faillite programmée

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Le plan Écophyto, destiné à réduire l’épandage de pesticides, est un échec complet. Il a été mis en oeuvre dans un contexte normatif défavorisant les agriculteurs français par rapport à leurs collègues européens

Au début du mois de février, à la suite des vagues de protestation des agriculteurs et du blocage de nombreuses voies de communication, le Gouvernement a annoncé la suspension du plan Écophyto qui visait à diminuer de moitié la consommation nationale de pesticides.

Au mois de juillet dernier, un rapport d’évaluation passé relativement inaperçu avait été publié par le ministère de l’Agriculture après être demeuré presque deux ans sous embargo. Il constatait notamment que le plan n’avait eu aucun impact sur le comportement des agriculteurs.

La paternité de ce plan revient au Grenelle de l’environnement, organisé en 2007 sous la mandature de Nicolas Sarkozy. L’objectif était de faire baisser de moitié l’utilisation de produits phytosanitaires dans l’agriculture à l’horizon 2018. Cet « Ecophyto 1 » n’ayant pas donné les résultats escomptés, un « Écophyto 2 » avait été lancé en 2014, suivi d’un « Écophyto 2 + » en 2017 et d’une stratégie « Écophyto 2030 » l’année dernière…

Une consommation de pesticides en hausse

Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, s’était très tôt intéressé à cette épineuse question et avait diligenté une commission d’enquête qui a remis un rapport fleuve en décembre 2023. Il constate que notre pays utilise des produits phytopharmaceutiques à raison de 3,44 kilogrammes par hectare de terre cultivée, ce qui est plutôt raisonnable en comparaison d’autres grandes puissances agricoles du vieux continent comme les Pays-Bas (10,82 kg/ha), l’Italie (6,11 kg/ha) ou même l’Allemagne (4,05 kg/ha).

En revanche, malgré les objectifs du plan, l’utilisation de pesticides, mesurée via l’indicateur Nodu[1] (nombre de doses-unités) n’a pas diminué et a même augmenté de 14 % entre la période 2009-2011 et la période 2018-2020.

À la fin du mois de février, le Premier ministre, Gabriel Attal, annonçait d’ailleurs l’abandon du Nodu et l’adoption du référentiel européen HRI1 qui tient mieux compte des efforts des agriculteurs pour choisir des produits moins toxiques pour l’environnement. Il s’agissait d’une vieille revendication de la FNSEA à qui le Gouvernement a voulu donner satisfaction mais qui sonne, en l’espèce, comme un aveu d’échec.

Un cadre légal parmi les plus restrictifs d’Europe, qui désavantage nos paysans

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, une véritable « révolution verte », d’abord en Occident puis dans le reste du monde, avait chassé la famine et déclenché l’essor de nombreux pays sous-développés, comme l’Inde.

Entre 1960 et 2016, la production de denrées agricoles d’origine végétale a été multipliée par 3,6, passant de 2 588 à 8 923 millions de tonnes. Entre 1945 et 1995, le rendement à l’hectare de la culture du blé en France a également progressé de 15 à 70 quintaux, permettant de sortir de la dépendance alimentaire qui avait conduit à la création de la politique agricole commune.

C’est ce mouvement de l’histoire que les sévères plans Ecophytos viennent remettre en cause, jetant au passage la compétitivité agricole tricolore aux orties.

Le sénateur Laurent Duplomb (LR) note, à ce titre, dans un autre rapport, que la réglementation entourant l’usage des produits phytosanitaires en France est la plus dure d’Europe, surtranspose les règles établies par Bruxelles et crée des distorsions de concurrence pour nos agriculteurs. Selon France Agrimer, le niveau d’exigence de la législation phytosanitaire nationale s’élève à 10 dans l’Hexagone, contre 8 en Allemagne, 6 aux Pays-Bas ou en Italie et 4 aux États-Unis ou au Chili. L’Union européenne autorise 458 substances phytopharmaceutiques contre seulement 309 en France, qui surtranspose donc les règles communes en la matière.

Il est normal que l’Etat se montre très vigilant au sujet de l’impact que peuvent avoir, sur la santé humaine, les produits épandus dans les cultures. Il convient néanmoins de garder une certaine  modération et de prendre en compte les conséquences économiques qu’un excès de règles, parfois variables selon les pays qui plus est, engendre pour les producteurs et les consommateurs. Le plan Écophyto, dans ce cadre, a été parfaitement inutile. Il eût sans doute mieux valu mettre l’accent sur la recherche de nouveaux produits en coopérant avec le marché (en l’espèce les majors du secteur), plutôt qu’en brisant sa rationalité. Le chiffre de 50 % de réduction, avancé par le plan, ressemble plus à un mantra qu’à une nécessité recueillant un consensus scientifique.


[1] Un indicateur assez complexe du ministère de l’Agriculture, établi en « rapportant la quantité vendue de chaque substance active à une dose unité, c’est-à-dire la dose maximale de cette substance active applicable lors d’un traitement moyen une année donnée ». Il mesure donc le nombre de traitements moyens appliqués par hectare tenant compte de la quantité de substances actives par doses de substance actives utilisée.

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