Et c’est logique puisqu’il refuse la concurrence, seul mécanisme à même d’apporter et de sélectionner les innovations nécessaires. Ainsi, à propos des administrations publiques, il est probable que la plupart auraient disparu, si la possibilité était ouverte à d’autres organisations de les concurrencer, bien avant la création de cet improbable fonds !
Mis en échec par l’inévitable lourdeur des organisations étatiques qui peinent à s’adapter, l’Etat en vient à choisir l’ubuesque solution de payer pour voir advenir le changement. Or les mécanismes de changement et d’amélioration ne s’achètent pas ; c’est seulement placée dans des situations de concurrence qu’une organisation peut s’adapter, par nécessité. Les organisations sont, peu ou prou, comme les hommes : si on ne les stimule pas, elles s’enkystent…. C’est la même chose avec les organisations. Inévitablement, protégées de toute stimulation, elles s’enkystent et tombent dans la torpeur ou du moins dans une tranquille quiétude. Ainsi, les 700 millions d’euros consacrés à ce plan vont être aspirés sans résultats apparents ni cachés. Le changement et l’amélioration ne se décrètent pas non plus. Seule la concurrence entre les institutions peut créer une émulation permanente qui entraîne une recherche constante de qualité, et l’ obligation de rester performant. La distribution d’argent public, au contraire, renforce le monopole déjà en place.
Ce fonds est abondé dans le cadre du plan « Action Publique 2022 » et il vise officiellement à « interroger en profondeur les missions exercées par la puissance publique ». Plus précisément, il vise, au mieux, à améliorer la façon dont la puissance publique exerce ses missions, plutôt qu’à s’interroger sur le bienfondé de celles-ci. L’objectif fixé par le président de la République est d’accéder à 100% de services publics dématérialisés en 2022. Le plan se déploie autour des usagers, des agents publics et des contribuables. Il faut améliorer la qualité de service pour « développer » une relation de confiance entre usagers et administrations, offrir un environnement de travail modernisé et accompagner la baisse des dépenses publiques de 3 points de PIB d’ici 2022.
« Ces projets devront permettre un retour sur investissement en termes d’économies pérennes de fonctionnement : 1 euro d’économies annuelles pérennes au bout de 3 ans par euro d’investissement ». Cet aspect sera impossible à mesurer, tout comme l’objectif de confiance ou celui de la modernisation de l’environnement de travail. Seuls les 3 points de réduction de dépenses permettront une évaluation factuelle mais ils ne dépendent guère de cet argent public qui sera sans doute dépensé en rapports inutiles et trompeurs.
Des centaines de millions, pourquoi faire ?
Dans le même genre d’idée, la récente et juste polémique entourant les tirages au sort pour l’entrée à l’université, censés répondre à la saturation du programme APB, sera réglée par l’alignement d’un milliard d’euros pour créer un nouveau programme. Face à l’inanité de la pensée politique, seules des constructions loufoques finissent par paraître apte à résoudre ses incohérences… ! Alors qu’il suffit de redonner au bac sa juste difficulté, ou de laisser les universités établir leur sélection ou encore de libérer la collation des grades, toutes mesures qui ne coûteraient rien mais contiennent probablement de nombreux effets vertueux. Mais elles signifieraient un recul de la puissance publique, un retrait du pouvoir du décisionnaire, ce qui est par nature contradictoire avec le désir de puissance.
Il en coûtera donc 700 millions d’un côté, 1 milliard ailleurs, pour des résultats qui seront en deçà de ce qui serait advenu dans un marché sain et non contraint. Ainsi les contribuables paient trois fois : une première fois pour alimenter l’administration, une deuxième fois pour en supporter les errances et une troisième fois, en général, pour payer les mesures propres à y remédier. Sans révolution de la pensée, il n’y aura pas de réforme de l’Etat.