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Fiche de paie :

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Plusieurs décisions récentes concernent la feuille de paie : dématérialisation et simplification. Elles masquent l’essentiel : faire connaitre aux salariés le vrai coût de la protection sociale et réduire ce coût. Le gouvernement se contente de réduire le nombre de lignes, simple opération de diversion.

Une loi pour autoriser la dématérialisation !

La question de la dématérialisation de la feuille de paie semble anecdotique et on peut s’étonner qu’il faille une décision gouvernementale pour l’autoriser de manière systématique. Depuis 2009, date à laquelle le code du travail a autorisé cette dématérialisation, il fallait pour l’employeur demander l’accord préalable du salarié. Le projet de loi El Khomri prévoit dans son article 24 que le bulletin électronique pourra être utilisé par les employeurs qui le souhaitent, sans l’accord préalable des salariés, à partir de 2017, si la loi est votée. Qu’il faille pour cela un vote du Parlement laissera sans doute rêveur nos principaux voisins.

Plusieurs entreprises procédaient déjà ainsi, mais le gouvernement pense que ce texte encouragera le mouvement, même si le salarié aura la possibilité de refuser cette dématérialisation. Le gouvernement met en avant la réduction du coût pour l’employeur : Bercy annonçait une réduction du coût allant de 33 à 67% et insistait sur l’avantage en termes…de lutte contre la déforestation ! Mais les professionnels, à commencer par les experts-comptables, sont sceptiques, car l’essentiel du coût est dans la phase de construction du bulletin, étant donné le nombre considérable de cotisations. De plus, des questions de sécurisation et de conservation des données se posent. Cela passerait par le compte personnel d’activité « géré par le coffre-fort numérique de l’Etat à la Caisse des dépôts et consignations » comme si seuls des organismes étatiques étaient capable de ce type d’opération !

Surcoût pour l’entreprise et opacité pour le salaire

Le gouvernement fait valoir que cette dématérialisation irait de pair avec la feuille de paie simplifiée, annoncée depuis 2014. Il s’agit de regrouper sur le bulletin de paie plusieurs cotisations, diminuant ainsi par deux le nombre de lignes. L’intérêt est nul pour les entreprises, qui devront de toute façon faire le calcul pour chaque cotisation, ce qui en réalité conduira à un double système de feuille de paie, le détaillé et le simplifié. C’est donc une hausse du coût que cela devrait entrainer. Le gouvernement met en avant le fait qu’il peut y avoir actuellement 40 lignes en France sur un bulletin contre 5 en Angleterre ; mais le problème ne vient pas du bulletin, mais de la complexité de notre système social : on s’attaque aux symptômes, pas au fond du problème.

Quel sera le gain pour le salarié ? Probablement négatif en termes d’information. En effet, le regroupement des lignes masquera une partie des calculs, le salarié y perdant en transparence. Or, pour pouvoir juger du coût de la protection sociale, il faut que le salarié connaisse le détail ainsi que la totalité. Là encore le système français est caractérisé par son opacité : la distinction charges salariales et patronales est absurde et la notion de salaire brut n’a aucun sens. Seuls deux chiffres comptent vraiment : le coût total (salaire net + charges salariales + charges patronales) auquel l’employeur est évidement sensible ; et le salaire net, celui qui est versé au salarié, auquel celui-ci est sensible. Or il ignore en général le poids total des charges sociales et ne peut donc porter un jugement sur ce que lui coûte sa protection sociale.

Feuille de paie vérité et libre choix de la protection sociale

C’est la feuille de paie vérité, chère aux libéraux, qui pourrait seule apporter l’information, puisqu’elle comporte l’ensemble des charges. Pédagogiquement, un pas supplémentaire consisterait à verser le salaire complet (net plus ensemble des charges) au salarié, qui réglerait directement ensuite le prix de sa protection sociale ; quand le salarié mesurerait ce qu’elle lui coûte, il porterait un jugement plus lucide sur le système social français, s’interrogeant du coup sur les systèmes alternatifs de type concurrentiel.

Les questions soulevées actuellement (dématérialisation et simplification) ne sont qu’un écran de fumée. Pourquoi nos bulletins de paie sont-ils si compliqués ? Parce qu’il existe un nombre invraisemblable de cotisations, chacune obéissant à des règles différentes, à des taux différents, à des parties distinctes du salaire. La complexité est ruineuse pour les entreprises et masque au salarié le coût réel de sa protection sociale. Il s’en désintéresse d’autant plus que le système est obligatoire et monopolistique. Les mesures proposées sont donc des opérations de diversion pour masquer le vrai sujet : le coût prohibitif de la protection sociale française. Que les salariés en soient réellement informés et ils pourront alors légitimement se demander si des solutions concurrentielles ne seraient pas plus efficaces et moins coûteuses. Mais, en France, s’attaquer aux vaches sacrées comme le monopole de la sécu est un sacrilège. Il faut donc les recouvrir d’un voile de mystère.

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4 commentaires

BOBY 1 mars 2016 - 4:48 pm

Transparence
Je confirme pour avoir dans ma carrière Prof gérer des unités de production et du personnel ; je confirme que les salariés n'ont pas "idées " de leur salaire chargé.
Encore une "tromperie" de nos gouvernants qui nous prennent pour des "gogos" . La révolte gronde!!!

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liberal 1 mars 2016 - 5:30 pm

Réformer la feuile de paie et… le salaire brut total
Pourquoi ne pas intégrer les charges patronales dans le salaire brut total? Pourquoi ne pas définir des taux de cotisation sur ce salaire brut de 145 au lieu de 100 pour couvrir les gros risques et laisser chacun choisir ses couvertures complémentaires? Ne se sent-on pas plus libre de disposer de 108,75 (145 – 25% de 145) au lieu de 78 comme actuellement?? A approfondir.

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JLBCS 1 mars 2016 - 6:42 pm

Le vrai coût de la santé
Qui a eu la curiosité de regarder sur le site Ameli.fr le coût annuel de ses propres dépenses de santé ?
Ceux qui font soigner leur chien ou leur chat chez le vétérinaire savent paient le vrai coût de santé pour leur fidèle compagnon. Ils peuvent même souscrire une assurance !

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LEXXIS 3 mars 2016 - 10:39 am

A PROPOS DE LA DÉMATÉRIALISATION DU BULLETIN DE PAYE
Quand on voit que l'Etat lui-même n'est pas capable de garantir sa propre sécurité informatique et que le Ministère des Finances est lui-même régulièrement la proie d'attaques ciblées et efficaces de hackers, quand on voit que les services secrets des Etats-Unis sont en butte aux mêmes difficultés, le salarié lambda peut légitimement se demander ce qui restera en cas de dématérialisation de la preuve de ses droits à retraite et de la trace des quelques cinq cents ou plus bulletins de paye de sa carrière, perdus ou altérés à la suite d' une cyber-attaque réussie ou d'une manipulation hasardeuse, ou encore d'un transfert manqué pour faire face à la caducité des supports .

De plus, quelle sera la garantie effective de l'intangibilité, de l'authenticité, de la confidentialité et de l'intégrité dans le temps desdits bulletins de paye à portée de mains de tout pirate de bonne pointure?

On a sous les yeux l'exemple édifiant du RSI. On a aussi à une autre échelle l'échec fort coûteux d'un système universel de paye pour l'Etat.On a encore les erreurs liquidatives pointées par la Cour des Comptes et qui affectent pas loin de de 10% des calculs de pensions. On aurait pu croire que ces échecs inspirent quelque prudence à ceux qui prônent l'avénement du tout informatique dans un domaine où la mémoire et la conservation vont porter sur plus de quatre décennies et sans guère de possibilité de rattrapage.

Or l'expérience montre que la sécurité nécessite le plus souvent qu'on prévoie l'imprévisible, alors que tous les jours nous découvrons à nos dépens que tous nos services ou presque regorgent des gens fort savants qui ont été rigoureusement incapables de prévoir le prévisible.

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