À l’occasion de la rentrée politique et des débats sur la réforme du marché du travail, la proposition du contrat de travail unique, portée notamment par le Prix Nobel d’économie français Jean Tirole, revient sur la table par la voix de Jean-Marie Le Guen, qui refuse cette possibilité.
L’idée de base du contrat de travail unique serait de remplacer la totalité des contrats existants dans le droit du travail français (CDI, CDD, intérim) par un seul type de contrat à durée indéterminée. Les procédures de licenciement seraient facilitées et les motifs de licenciement seraient moins contraignants afin de favoriser l’embauche et de réduire les risques pour l’employeur. De nombreuses entreprises ont en effet peur d’embaucher du personnel et de se retrouver dans l’incapacité de s’en séparer. Ce nouveau dispositif s’accompagnerait en contrepartie d’indemnités de précarité qui pourraient être égales à 10 % de la rémunération brute totale versée au salarié depuis la signature du contrat (idée de Pierre Cahuc et Francis Kramarz dans leur rapport intitulé De la précarité à la mobilité : vers une Sécurité sociale professionnelle.
Comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous, la grande majorité des salariés français sont déjà en CDI (76,8 %) alors que 12 % sont en contrat temporaire : en CDD (8,4 %), en intérim (2 %) ou en apprentissage (1,6 %). Enfin, 11,2 % des personnes en situation d’emploi ne sont pas salariées mais exercent des professions indépendantes.
Certes une grande partie des nouvelles embauches se font en CDD ou en contrat temporaire (l’INSEE évalue ce chiffre à 86 % des nouvelles embauches à la fin 2014). Mais c’est parce que les contrats à durée déterminée sont souvent très courts et occasionnels. L’intérêt d’un contrat de travail unique apparaît donc déjà marginal au seul regard du nombre de salariés qui seraient concernés.
Le vrai débat n’est pas sur la durée du contrat de travail, puisque les contrats temporaires ne viennent qu’en dérogation à la règle générale du CDI, mais sur la nature de la réglementation du travail. Le Code du travail est beaucoup trop protecteur du salarié en France et n’est pas assez tourné vers l’entreprise, qui a besoin de souplesse pour répondre à la conjoncture économique et à l’évolution du carnet de commandes.
Les règles et institutions de protection de l’emploi, qui déterminent les conditions d’embauche, d’exercice de la profession et de licenciement, favorisent le chômage à force de vouloir l’empêcher par des méthodes coercitives. Pour mesurer la protection de l’emploi, l’OCDE a défini plusieurs indicateurs synthétiques qui évaluent, sur une échelle de 0 à 6 (du moins ou plus restrictif), le degré de réglementation et les coûts des licenciements individuels (3ème colonne), des licenciements collectifs (4ème colonne), les surcoûts en cas de licenciement collectif (5ème colonne) et la réglementation quant à l’utilisation des contrats temporaires (6ème colonne). Comme on peut l’observer dans le tableau représenté ci-après, la France se situe bien au-dessus de la moyenne des pays industrialisés dans ces quatre domaines. L’écart est particulièrement manifeste en matière de réglementation des contrats à durée déterminée (CDD, intérim) et de surcoûts engagés lors des procédures de licenciement collectif.
Après un rapide calcul statistique, on observe que le taux de chômage est relativement bien corrélé à la réglementation du travail temporaire (dernière colonne). Plus un pays a la possibilité d’avoir recours au travail temporaire pour compenser une réglementation trop protectrice des contrats à durée indéterminée, plus les employeurs sont susceptibles d’embaucher de nouveaux salariés. La flexibilité du marché du travail permet en effet de faciliter la rencontre entre l’offre et la demande de travail. Les entreprises ont parfois besoin de main d’œuvre pour des missions temporaires, des contrats saisonniers ou des métiers peu rémunérateurs qui n’attirent pas les demandeurs d’emploi sur des périodes longues. La corrélation est existante mais moins évidente et bien moins significative sur le plan statistique avec les autres indicateurs de protection de l’emploi.
Toute mesure qui viserait à simplifier le droit du travail serait donc bienvenue. La liberté de négociation entre les différentes parties du contrat de travail ou une négociation par branche seraient de meilleures solutions pour redonner de l’air aux entreprises et favoriser la rencontre des demandeurs d’emploi et des entreprises que la mise en place d’un contrat de travail unique. Les entreprises n’ont pas besoin qu’on leur dicte leurs contrats de travail. Elles ont besoin de liberté et qu’on leur facilite les procédures de licenciement et les modalités d’exercice de l’emploi en même temps qu’on leur simplifie les réglementations protectrices dans les conditions d’embauche.