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La Cour des comptes critique l’organisation du marché électrique

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La France fait bande à part parmi les pays de l’UE, elle est l’un des derniers à résister encore et toujours à la libéralisation du marché de l’électricité. A plusieurs reprises l’Iref a pointé les limites du modèle régulé dans lequel évoluent nos énergéticiens. La Cour des comptes a rendu un rapport mardi 5 juillet très critique sur l’organisation du marché de l’électricité sans néanmoins proposer d’aller plus loin dans sa libéralisation. Pourtant, plus de dix ans après la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l’électricité) et alors que la Première ministre annonce la renationalisation complète d’EDF, plusieurs questions restent encore en suspens.

La Cour souligne les limites des tarifs réglementés

Les tarifs règlementés de vente d’électricité (TVR) sont l’incarnation de la libéralisation inaboutie de notre marché de l’électricité. EDF est obligée légalement de proposer ce tarif à ses clients. Quant aux fournisseurs alternatifs, ils fondent leur tarification sur les prix du marché de gros. Leurs parts ne cessent de grandir (elles se situaient, en 2021, autour de 28% pour les ménages et 52% pour les professionnels) et la Cour montre que, dans un tel contexte, les TRV perdent de leur raison d’être ; d’autant plus, expliquent les Sages, qu’ils se rapprochent eux aussi des prix du marché de gros. En outre, entre 2015 et 2020, les prix des fournisseurs alternatifs étaient plus intéressants que le TRV, ce qui leur a permis de progresser.

Cette organisation a dessiné un système à deux vitesses. D’un côté EDF, qui n’était pas libre de fixer les tarifs qu’elle proposait à une large majorité de ses clients mais jouissait d’un quasi-monopole sur la production d’électricité ; de l’autre ses concurrents, libres de fixer leurs tarifs mais dépendants de l’électricité nucléaire produite par EDF.

Quant à la méthode de calcul des TRV, elle ne satisfait pas la Cour, qui la juge peu transparente et ajoute que les « fournisseurs alternatifs considèrent que le mode de calcul par « empilement » des TRV n’assure qu’imparfaitement la possibilité de les concurrencer ».

La Cour se montre sévère sur le mécanisme de l’ARENH mais ne propose pas sa suppression

L’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) a été pensé dans la loi Nome pour favoriser la concurrence sur le marché de la fourniture et rassurer Bruxelles. S’il a, effectivement, favorisé le développement de la concurrence, le dispositif aurait, estime la Cour, privé EDF de 7 milliards de recettes. En effet, l’ARENH stipule qu’EDF doit vendre chaque année 100 TWh de sa production électrique nucléaire au prix de 42€/ MWh.  Or pendant la période 2011-2021, le coût de production moyen d’un MWh d’électricité nucléaire était de 40,5€/ MWh, avec des pics à 52€ en 2020. Concrètement, entre 2011 et 2018, l’ARENH a permis à EDF de dégager des marges certes, mais plus faibles que si l’énergéticien s’était fondé sur les prix de marché. A partir de 2019, le groupe énergétique a commencé à perdre de l’argent. Pire, depuis février, le gouvernement a rehaussé le plafond de l’ARENH de 100 à 120 TWh pour faire face à la crise énergétique. Le groupe énergétique a obtenu que ces 20 TWh supplémentaires soient revendus au prix de 46,2€/ MWh Mais du fait de la faible disponibilité du parc nucléaire français, EDF est obligée d’acheter de l’électricité sur les marchés de gros à des prix dépassant facilement 150€.

Signe d’un dysfonctionnement de la régulation du marché, entre 2011 et 2019, les demandes d’ARENH de la part des fournisseurs étaient largement inférieures à 100TWh. Ainsi, EDF perdait la possibilité de vendre une partie des térawatt-heures mobilisés dans le cadre de l’ARENH, au prix du marché. Au vu de la situation compliquée sur les marchés de gros, les fournisseurs alternatifs se tournent donc vers EDF et réclament le rehaussement du plafond de l’ARENH pour continuer à proposer des tarifs abordables à leurs clients. Or, la conséquence en serait la nécessaire intervention de l’Etat pour renflouer les caisses d’EDF qui coûte déjà très cher au contribuable sans forcément proposer un service en adéquation avec les attentes du marché.

Des recommandations peu imaginatives

A la fin de leur rapport, les Sages font des propositions qui n’ont rien de percutant et on remarque leur silence au sujet du projet Hercule, que la Commission européenne va certainement remettre sur le devant de l’actualité. Tout juste émettent-il l’idée d’une séparation comptable des activités de production et de fourniture du groupe EDF. C’est, en effet, une garantie minimum pour que le marché de l’électricité soit libre. Cependant, comme le montre ce qui a été réalisé pour SNCF Réseau et SNCF Voyageur, cela ne suffit pas à assurer une indépendance stricte et cela ne résout pas les problèmes de distorsion de concurrence engendrés par le maintien au sein d’un même groupe des deux activités. Le projet Hercule qui prévoyait le démantèlement d’EDF en deux entités regroupant l’une la production et l’autrela fourniture, apparaît plus cohérent avec les impératifs de libre marché.

Concernant le TRV et l’ARENH – qui expire en 2025 – la Cour ne propose pas de les supprimer, seulement de les réformer, bien qu’elle mette en avant dans son rapport toutes les limites inhérentes à leur existence. Plus globalement, les dispositifs de régulation n’ont plus de raison d’exister quand tous nos voisins les ont supprimés, sans que les consommateurs ou les producteurs en pâtissent.

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6 commentaires

Laurent46 18 juillet 2022 - 6:55

Pour Sauver l’énergie et plus particulièrement la France il faut commencer à « couper les têtes » du commandement et de tous les services de tous et toutes ces Trollespuants de L’UE et de la France. Il n’y a aucune autre solution. Ensuite il convient de faire la même chose de tous ces services locaux qui voient leur population diminuer et qui n’ont d’autres solutions que l’augmentation des taxes et charges pour maintenir leur grand train de vie. Mais hélas il y a aujourd’hui beaucoup trop de trollespuants dans et autour de tous ces systèmes administratifs qu’il est impossible de prendre ces mesures élémentaires.

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LETOILEP 18 juillet 2022 - 7:33

« les dispositifs de régulation n’ont plus de raison d’exister quand tous nos voisins les ont supprimés, sans que les consommateurs ou les producteurs en pâtissent » :
Vous oubliez l’hypothèse d’une production NATIONALE nucléaire à faible coût au MWh qui servirait les Français d’abord au coût de production faible et régulé, et vendrait le reste à nos « voisins » à leur prix de marché, à notre bénéfice.
L’ARENH nous fait payer l’électricité au prix de la dernière source, c’est à dire du gaz, alors que NOTRE production et non seulement plus vertueuse, mais aussi moins chère.
Mais il faut d’abord renoncer à certains dogmes et avoir en tête de défendre les intérêts de notre Nation d’abord.

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Obeguyx 18 juillet 2022 - 9:48

Je ne suis pas sûr que la libéralisation de l’énergie soit un bon concept, du moins de là où on part. Nous étions indépendants et nous nous sommes fourvoyés avec l’Europe et le nouveau cancer planétaire : l’écologie. Il est nécessaire de se repositionner là où nous étions souverain et reprendre la totalité du nouveau chemin à parcourir. Le reste n’est que cataplasme sur jambe de bois.

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Dupond 18 juillet 2022 - 10:02

Si nos voisins n’en pâtissent pas , qu EDF conserve sa production totale pour les français . L’UE nous coûte déjà beaucoup d’argent et en plus veut notre énergie à bas coût Stop à ces bureaucrates et politiciens français qui adhèrent à ce scandale . Donnons rapidement les moyens à EDF de remettre en route nos réacteurs arrêtés.. L ‘allemagne fera tourner ces centrales polluantes et paiera pour le co2 émis. Arrêtons de ruiner les entreprises et citoyens français

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Goufio 3 août 2022 - 8:12

On a pourtant le nom de celui qui a signé l’Arenth au bénéfice de l’Allemagne, c’est le même qui a forcé le Traité de Lisbonne traîtrise au référendum de 2005, un certain Nicolas Sarkozy au bénéfice entier d’Angela Merkel qui elle n’a jamais pensé pendant 16 ans qu’aux intérêts de l’Allemagne

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Marc 6 août 2022 - 11:08

Bonjour,

EDF est historiquement producteur, transporteur et vendeur d’électricité tant à l’État, qu’aux entreprises privées qu’aux particuliers.
Je ne vois aucun inconvénient à ce qu’une entreprise privée suive le même chemin et installe ou achète ou loue centrales et réseau pour vendre son énergie.
Je trouve par contre inconvenant d’obliger EDF à vendre son énergie et prêter son réseau à des entreprises privées qui n’auraient rien d’autre à faire que poser des compteurs et encaisser des factures.
Les bénéfices réalisés par ces privés représentent autant de pertes pour EDF, c’est à dire l’État, c’est à dire nous tous.
Le libéralisme ne se décrète pas, il se bâtit.
Merci.

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