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Les entreprises mentiraient sur leur effectif pour échapper aux obligations légales

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L’Institut des politiques publiques (IPP) est un organisme parapublic qui analyse et évalue quantitativement les politiques publiques. Créé et financé par l’École d’économie de Paris (PSE) et les écoles d’économie et de statistique dépendant du ministère de l’Économie et des Finances, il reçoit également des fonds de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du programme Investissements d’avenir, mais se veut indépendant. Il affirme ainsi défendre « une approche non partisane qui respecte le primat du politique sur l’apport de l’expertise » et précise que « Son rôle est de faciliter la compréhension par les citoyens des enjeux qui sous-tendent les politiques publiques ».

L’IPP publie régulièrement des notes. La 82e vient de sortir et porte un titre provocateur : « Les entreprises sous-déclarent-elles leur effectif à 49 salariés pour contourner la loi ? ». Les auteurs contestent le fait que les entreprises françaises comptant 50 salariés soient beaucoup moins nombreuses que celles comptant 49 salariés. Les chiffres officiels, issus des déclarations des entreprises, seraient faux car celles-ci sous-déclareraient leurs effectifs afin d’échapper aux obligations supplémentaires qui se déclenchent au seuil de 50 salariés. Ils suggèrent, par conséquent, d’augmenter les contrôles pour traquer les fraudeurs.

Les chefs d’entreprise seraient des fraudeurs

Pourtant, c’est l’Insee qui l’affirme : il y aurait 2,5 fois plus d’entreprises de 49 salariés que de 50 salariés. Mais, selon l’IPP, ces chiffres (figure 1a) seraient inexacts tout comme ceux qui sont issus des greffes des tribunaux de commerce (figure 1c) où les entreprises doivent déposer leurs comptes.

L’IPP préfère s’en tenir aux DADS (déclarations annuelles de données sociales) qui montrent (figure 1b) que « le saut à 49 salariés n’est plus visible ». Cette source serait plus fiable, l’effectif n’étant pas déclaré par l’employeur mais calculé à partir du nombre de salariés pour lesquels une entreprise paie des cotisations. Les auteurs précisent que le dépôt des DADS est obligatoire. Les déclarations erronées exposent l’entreprise à de lourdes amendes fiscales. En outre, depuis 2006, les logiciels de paie doivent produire automatiquement la DADS à transmettre à l’administration. « On peut donc considérer que les DADS offrent un portrait de l’effectif des entreprises difficilement manipulable par l’employeur ».

Source : IPP, note n°82, mars 2022.

Selon l’IPP, les DADS montrent qu’il n’y a pas de « pic à 49 salariés ». Ce ne serait donc pas l’effectif réel des entreprises qui plafonnerait à 49 salariés, mais l’effectif déclaré par les employeurs, qui le minimiseraient volontairement lorsque le seuil de 50 salariés est franchi.  Il s’agirait donc de fraudeurs cherchant à échapper aux obligations légales.

La loi Pacte a simplifié les règles

La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019 a simplifié les règles sur les seuils sociaux. Le seuil de 20 salariés a disparu (pas complètement cependant – cela aurait trop simple – puisque l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés perdure pour les entreprises qui le franchissent). Trois seuils existent désormais à 11, 50 et 200 salariés. Cette réforme a eu pour effet de diminuer certaines charges sociales comme la contribution FNAL (Fonds national d’aide au logement) aux taux de 0,5 % qui n’est plus due qu’à partir de 50 salariés (le taux est à 0,1 % sous ce seuil), ou la participation à l’effort de construction désormais due par les entreprises de 50 salariés ou plus (alors qu’auparavant le seuil était à 20 salariés). La loi Pacte allège aussi certaines obligations pour les entreprises comptant moins de 200 salariés, comme la communication aux actionnaires des rémunérations les plus importantes.

La loi a également modifié les modalités de calcul de l’effectif d’une entreprise. Désormais, seul la règle de la Sécurité sociale doit être utilisée, qui dit que l’effectif salarié annuel d’une entreprise doit correspondre à « la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente ». Les salariés à temps partiel et les CDD sont comptés au prorata de leur temps de présence. En revanche, si les CDD sont embauchés pour un remplacement, ils ne sont pas comptés, tout comme les apprentis, les intérimaires et les salariés en formation continue.

Enfin, il est prévu que le franchissement à la hausse d’un seuil ne soit pris en compte que si celui-ci est atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives.

Comme l’indiquait récemment notre collègue Romain Delisle sur le site de l’IREF, « En 2016, un article de l’American Economic Review avait conclu que le seuil des 50 salariés constituait un surcoût représentant l’équivalent d’une taxe de 2,3 % sur le travail ». Le même article précisait même que les seules obligations s’appliquant au seuil de 50 salariés pouvaient avoir un coût économique équivalent à 3,4 % du PIB.

Une étude totalement à côté de la plaque

L’étude de l’IPP, financée par de l’argent public, donc des contribuables, est malheureusement à côté de la plaque. Et à plus d’un titre.

Premièrement, elle se base sur des données de 2006 alors qu’elle a été publiée en mars 2022. En termes de fraîcheur des données, on a vu mieux. D’autant que, comme nous venons de l’indiquer, la loi Pacte est passée par là avec des précisions quant aux modalités de calcul de l’effectif d’une entreprise et de prise en compte du franchissement à la hausse d’un seuil (5 années civiles consécutives). Il est clair que cette étude ne présente aujourd’hui aucun intérêt pour les décideurs et les citoyens. De plus, elle se concentre sur le seuil des 50 salariés, alors qu’elle aurait pu s’intéresser aussi aux autres seuils.

Deuxièmement, les DADS n’étaient pas aussi fiables que l’IPP veut bien le dire puisque les employeurs devaient calculer leur effectif moyen mensuel en fin d’année. Et c’est bien, en partie, pour diminuer les risques d’erreurs et renforcer la fiabilité des données qu’elles ont été remplacées, en 2017, par les DSN (déclarations sociales nominatives), qui sont mensuelles et automatisées. Par ailleurs, comme le demandent Ceci-Renaud et Chevalier dans le n°437 d’Économie et Statistique, pourquoi les entreprises sous-déclareraient-elles leur effectif fiscal alors que celui-ci n’a aucun effet sur le calcul de l’impôt ?

Enfin, troisièmement, si les auteurs de l’étude reconnaissent que le franchissement de seuils peut avoir des externalités négatives comme un coût administratif accru, ils affirment que ce que craignent avant tout les dirigeants d’entreprise, c’est une perte de contrôle. Les nouvelles obligations « impliquent que les salariés ou les pouvoirs publics vont pouvoir s’immiscer davantage dans la gestion » de l’entreprise. Par conséquent, « Certains dirigeants peuvent être réfractaires à ces contraintes pesant sur leur pouvoir décisionnel ». Si l’on prend l’entreprise dans sa globalité – c’est-à-dire en tenant compte de l’ensemble de ses parties prenantes – les « obligations légales ne représentent pas nécessairement un coût ». Elles constitueraient, au contraire, des « externalités positives ». Elles auraient, en effet, « des bénéfices pour certaines parties prenantes : les contrôles fiscaux plus fréquents peuvent permettre d’éviter le travail dissimulé, les contraintes portant sur les crédits pourraient limiter les défauts, les CSE pourraient induire une distribution plus équitable des bénéfices, etc. ». Bref, les réglementations liées au franchissement de seuil sont une bonne chose pour l’entreprise selon l’IPP. Par conséquent, il est urgent que les pouvoir publics mobilisent des sources de données fiables pour pouvoir contrôler plus efficacement « la taille des entreprises et faire respecter le droit du travail ».

Nous pensons, au contraire, que la solution n’est pas dans l’accroissement des contrôles pour faire appliquer de mauvaises règles, mais dans le changement, voire la suppression, des règles, surtout si celles-ci ne sont pas respectées comme le prétend l’IPP.

C’est pourquoi la loi Pacte était la bienvenue. Elle était cependant bien timide. Il aurait fallu aller beaucoup plus loin dans la simplification, non seulement en supprimant les seuils sociaux jusqu’à 250 salariés (ce qui pourrait faire gagner 5,4 Mds€ de valeur ajoutée produite par les entreprises et 75 000 emplois), mais aussi en allégeant les contraintes et les procédures qui font, par exemple, que l’administration du personnel coûte plus cher en France que partout ailleurs en Europe comme nous l’avons expliqué il y a peu.

 

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1 commenter

REMI 26 avril 2022 - 9:52

Ah si l’État pouvait se mettre à la place des chefs d’entreprise embourbés dans toutes les règlementations et obligations totalement dépassées dans l’esprit mondialiste des échanges entre entreprises…
• POURQUOI LA TRICHERIE…

• OUI POSONS NOUS LA QUESTION DES CAUSES…. !

Ah si l’État, pouvait analyser les RAISONS OBJECTIVES de la désertification industrielle et économique de la France qui croule sous les obligations administratives et les charges fiscales… ?.
Ah si l’État devenait RÉALISTE et surtout VISIONNAIRE pour recomposer une France des CRÉATEURS de valeurs ajoutées économiques aux meilleurs bénéfices des ressources apportées directement à l’État par des dirigeants, acteurs de VALEURS ajoutées économiques, sociales et culturelles grâce à leurs possibilités d’entreprendre sans être encadrés
L’État serait gagnant… Mais pour cela il faut être un ÉTAT QUI OUVRE LES YEUX SUR LE MONDE ET LES CONDITIONS QU’IL SE DONNE POUR SE DÉVELOPPER…
CELA NE PARAIT PLUS ÊTRE LE CAS EN France !

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