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Pourquoi il faut privatiser (réellement) La Poste

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Le fiasco de l’e-timbre rouge pose l’éternelle question de la transformation de La Poste. Malgré l’ouverture à la concurrence des services postaux le 1er janvier 2011 et le changement de statut en société anonyme, elle souffre toujours d’un grand retard par rapport à ses concurrents européens. Et si la privatisation réelle était la solution ?

Administration d’Etat depuis près de deux siècles, La Poste est devenue une personne morale de droit public après l’entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et des Télécommunications. Cette réforme, qui marque le début de son autonomie financière, n’a pourtant pas débouché sur une suppression du statut de la fonction publique. Premier employeur national hors administration publique, le groupe La Poste employait 245 000 personnes en 2021 – dont une part encore non négligeable de fonctionnaires (95 000 contre 120 000 salariés de droit privé en 2018).

Une transformation tardive par rapport à ses concurrents européens

Dans le cadre de l’harmonisation des services postaux à l’intérieur du marché unique, deux directives européennes de 1997 et 2002 ont conduit à une ouverture progressive à la concurrence, et ont mis fin au monopole de l’envoi de lettres. Cependant, l’objectif de faire baisser les prix et d’améliorer les prestations n’a jamais été réellement atteint. En octobre 2003, la Cour des comptes pointait déjà un retard dans plusieurs domaines par rapport à la concurrence européenne (capacités financières, équipement, organisation, qualité du service rendu). La Poste allemande, par exemple, réalisait un chiffre d’affaires double malgré des effectifs équivalents à ceux de La Poste française.

Comment l’expliquer ? En réalité, la privatisation complète n’a jamais eu lieu. Certes, l’ouverture à la concurrence a permis de faire baisser l’endettement net global de 46,6 % en euros courants, ainsi que la part de fonctionnaires de 91 % à 73 % entre 1991 et 2001. Mais lors de la dernière étape de cette mise en concurrence en 2011, la transformation en société anonyme ne s’est pas accompagnée de la suppression du statut de fonctionnaire comme ailleurs en Europe. La Poste néerlandaise (TPG), pour ne citer qu’elle, était devenue société anonyme à majorité privée dès 1989.

Des services qui ne cessent de se détériorer

La distribution du courrier déclinant depuis les années 80, La Poste a cherché d’autres leviers de croissance. Par la création d’une nouvelle branche Courrier – Colis – Services à domicile (BSCC), elle a voulu devenir le « premier opérateur de services de proximité » dans des secteurs tels que la silver economy, la transition écologique, ou encore les services aux territoires. Selon un rapport de 2021, les résultats sont en-deçà des attentes : les nouveaux services de la BSCC représentaient moins de 1,7 % du chiffre d’affaires global du groupe en 2020, alors que l’objectif était de 80 % en dehors de l’activité traditionnelle du courrier.

Certains sont considérés comme des succès (examens du code de la route, services à la personne), mais d’autres n’ont jamais prospéré (aide à la télédéclaration d’impôts, travaux simples à domicile, conseils en éco-mobilité pour les collectivités) ou posent des problèmes de rentabilité malgré des investissements importants (tablette Ardoiz pour les séniors, service « Veiller sur mes parents »). Cette gabegie s’explique certainement par les difficultés liées au double statut public/privé : à défaut de pouvoir licencier des fonctionnaires, La Poste doit nécessairement leur trouver une occupation.

En attendant, le déficit de son activité principale, le service universel postal, est constant depuis 2018. Il risque de s’élever à 0,9 milliard d’euros d’ici 2025 si une réforme profonde n’est pas menée. Pour soutenir l’équilibre financier de ce service non rentable, l’État verse une dotation budgétaire annuelle d’environ un demi-milliard d’euros. Le contribuable continue d’être perdant puisqu’au nom de plusieurs centaines de millions d’euros d’économie, La Poste n’a pas trouvé meilleure solution que de supprimer le timbre rouge au profit de la “e-Lettre rouge”, un véritable fiasco qui peut se résumer à l’invention de l’email payant. Un comble, pour une entreprise dont le slogan officiel est : « Vous simplifier la vie ».

Les leçons de l’étranger

De nombreux pays ont pourtant réussi à transformer leur industrie postale en profondeur, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La Poste allemande, anciennement Deutsche Bundespost, a été privatisée en 1995 pour devenir le Deutsche Post DHL Group. Cette société anonyme à capitaux mixtes a réalisé de nombreuses acquisitions comme StreetScooter GmbH, un fabricant de véhicules électriques, et UK Mail, un service postal destiné aux entreprises du Royaume-Uni. En 2017, elle détenait plus de 40 % des marchés de la livraison en région Asie-Pacifique et en Europe ; en 2021, son chiffre d’affaires était de 81 milliards (contre 34,6 milliards d’euros pour le groupe La Poste). La privatisation a permis au Deutsche Post DHL Group d’offrir un service plus efficace que celui de La Poste : 92 % du courrier arrive à destination à J+1 en Allemagne, contre 60 % en France.

De la même manière, la privatisation totale de la Royal Mail en 2013 a permis d’éponger les déficits et de résoudre les problèmes de financement d’un plan de modernisation. Après cinq siècles de service public, elle est devenue une société par actions dont la Couronne ne détient plus aucune part. Le bilan est positif : près de 2,7 milliards de livres sterling ont été investis dans les sept années qui ont suivi la privatisation, sans le moindre obstacle de financement de la part du Trésor ou du Département des Affaires. Deux exemples étrangers qui devraient ouvrir de nouvelles perspectives à La Poste française, car les contribuables ne pourront indéfiniment résorber les déficits de la branche courrier. Plutôt que des subventions massives, une solution meilleure à long terme consisterait à entamer une véritable privatisation.

 

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7 commentaires

VIGNELLO Daniel 30 mars 2023 - 5:07

Nous sortirons de la descente aux enfers en supprimant le statut public sauf pour l’Armée. Tous les citoyens naissent et demeurent
égaux en droit sauf en France !!!

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Bruno GERMAIN 30 mars 2023 - 8:00

Et oui ! Mais l’ENARCHIE, l’ENARCHIE, l’ENARCHIE- CHIENLIT se porte à merveille !

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PhB 30 mars 2023 - 11:00

Petit témoignage
Comme nous le faisions souvent, nous échangeons des cadeaux avec mes amis japonais.
Un des amis japonais m’a envoyé par la POSTE JAPONAISE un colis en cadeau fin janvier.
D’une valeur déclarée équivalente à 120€, nécessitant le payement de 57€ de taxes à un jeune-homme de Chronopost qui ne m’a présenté aucun justificatif ni l’identité de l’expéditeur ou l’origine du colis.
N’étant pas au courant (cadeau surprise), j’ai pris ça pour une tentative d’Arnaques, bien fréquentes en ce moment avec Chronopost.
Il est reparti, sans laisser d’avis de passage!
J’ai contacté les deux amis à qui j’avais envoyé un cadeau en décembre (c’est humiliant pour moi mais surtout pour celui qui ne m’a rien envoyé, sachant que les Japonais ne confirment pas la réception d’un cadeau mais en envoie un autre ultérieurement, ça peut être plusieurs mois après).
Avec le numéro d’expédition reçu de l’envoyeur, j’ai enfin pu « tracer » le colis.
J’ai contacté quatre fois Chronopost (plateforme basée à Dakar avec par deux fois des personnes ne comprenant pas le français ni l’alphabet international).
On ne m’a raconté que de la …..Me…!
Par deux fois je suis resté quatre heures derrière ma fenêtre à guetter le passage (le 13 et 14 février)….Rien; Motif; Problème d’identification de l’adresse?????
J’ai averti mon amie japonaise que le colis allait repartir pour le Japon. Elle m’a rassurée en disant que dès son arrivée elle me le retournerai en me communiquant le numéro pour le tracer et le récupérer au dépôt de Strasbourg avant distribution.
Aux dernières nouvelles après avoir été en « transit » à Roissy pour repartir au Japon le 16 février, il n’est pas arrivé à destination.
Au Japon, une lettre ou un colis n’est jamais perdu, ni volé, le destinataire est toujours trouvé: c’est un principe sacré chez eux.
J’en ai parlé au facteur hier qui a récupéré le numéro et il est d’accord avec moi, que c’est LA POSTE qui est responsable de ses sous-traitants.
N’ayant pas fait appel personnellement à Chronospot, ce n’est pas mon problème! Comme si votre démarreur de votre 208 est en panne, c’est à Peugeot de le régler.
Cette situation est une HONTE pour l’image de la France à l’Etranger.
PhB

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Astérix 21 avril 2023 - 7:47

PHB, c’est la France, Pays socialoverdocommuniste qui satisfait les français !??? Il faut renverser la table et instaurer un véritable régime libéral.

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Pablo Neruda 19 septembre 2023 - 7:53

Et après quand vous n’aurez plus de postier qui vous connaît mais que des intérimaires uberisés payés au lance-pierre qui n’en auront rien à faire et vous jeteront le courrier chez le voisin ou le colis dans la cage d’escalier vous irez pleurer.
Suffit de voir chronopost la blague que c’est à force de rogner sur tout pour les actionnaires. Ou les trains anglais qui se rentraient dedans au bon vieux temps de Tatcher

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AlainD 31 mars 2023 - 8:20

Oui mais en France nous avons des énarques qui se décarcassent pour inventer des machins genre e-timbre (ou comment faire payer un email) dont l’efficacité reste à démontrer d’autant qu’en bureau de poste les employés ne sont pas formés à l’utilisation du bazar. C’est ce qui s’appelle mettre la charrue avant les boeufs…
Dans un autre genre, nous avons un autre énarque -argentier en chef – qui ne trouve rien de mieux que de distribuer quelques chèques(pas à tous) plutôt que de réduire les taxes grevant le prix des carburants… Bien sûr c’est une autre histoire !!

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charlot 3 avril 2023 - 8:36

Une question plus que d’actualité: En regard des graves soucis « financiers » des banques « major » en France quel est le risque de perdre ses avoirs dans 1 établissement bancaire comme « LA BANQUE POSTALE » ?
Les FONDS déposés sur les comptes sont-ils « garantis  » par la charte européenne ?(CF 100 000 euros)
En ce qui concerne les livrets d’épargne sont-ils gérés par la Caisse des Dépôts et Consignation?
A quoi sont utilisés les avoirs « disponibles » de la Banque Postale ? merci

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