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La chasse aux riches, une autre lubie des complotistes ?

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La contestation envers les « riches » dans le discours public et amplifiée par des tactiques de polarisation politique est propagée à travers diverses communautés conspirationnistes en ligne. Par Nicolas Lecaussin, Directeur de l’IREF (Institut de recherches économiques et fiscales) et co-auteur (avec Jean-Philippe Delsol) de l’ouvrage « A quoi servent les riches ? ».

Une étude publiée il y a quelques jours par l’Observatoire stratégique de l’information (OSI) met en lumière la montée fulgurante de la remise en cause des « riches » dans le débat public. Les experts du think-tank (spécialiste des sujets de désinformation et de débats publics en ligne) ont analysé plusieurs millions de messages et près de 250 000 articles partagés sur les réseaux sociaux. Ils décrivent un phénomène qui s’enracine dans la crise sanitaire de 2021, prospère grâce à la « stratégie de conflictualité de LFI et la mobilisation des activistes écologistes », et se diffuse via la caisse de résonance de différentes communautés « conspirationnistes », toujours très actives en ligne.

À l’arrivée, ces discours propagent l’image du « riche » comme force occulte, œuvrant dans l’ombre à faire le malheur des peuples, à coups de vaccins empoisonnés et de 5G manipulatrices. Un meta-discours (que certains médias relaient sans beaucoup de prudence), qui n’est pas sans rappeler l’antisémitisme traditionnel, avec lequel ces communautés ont d’ailleurs parfois renoué à l’occasion des événements en Israël.

Polarisation politique et mobilisation des activistes

« Faut-il brûler les riches ? » : c’est la question que posent les auteurs de l’étude, en écho au « Mangeons les riches ! » attribué à Rousseau, devenu le mantra des cercles anticapitalistes et radicaux. La dénonciation rituelle des riches (et bien sûr des « ultra-riches ») est effectivement devenue un aspect structurant du débat public, mais l’habituelle critique marxiste a pris un nouveau tour : anti-macroniste d’abord (le « Président des riches »), puis environnementale. Sur X (ex-Twitter) ou Youtube, on constate une multiplication par deux ou trois du volume d’occurrences de ces attaques en 2022-2023.

Une analyse de l’orientation politique des profils partageant ces contenus permet de constater, sans surprise, que 72% d’entre eux sont liés à l’extrême-gauche ou au mouvement écologiste. Surtout, il apparaît que ce sujet est porté et animé en réalité par un nombre très limité de comptes, mais relayés par des médias alternatifs ou contestataires, avec une certaine porosité dans les médias classiques.

D’une analyse sémantique réalisée sur près de deux millions de tweets, il ressort que la critique du gouvernement est centrale. Elle s’articule selon des éléments de discours clairement complotistes (vaccins, Ukraine, lobbys occultes…). Plus surprenant, une analyse des noms propres le plus souvent cités fait apparaitre deux pôles. Du côté des cibles principales : Emmanuel Macron, Bernard Arnault, Elon Musk et Bill Gates. Du côté des « dénonciateurs », Jean-Luc Mélenchon, Monique Pinçon-Charlot et Marine Le Pen.

L’émergence de discours complotistes

La présence de Monique Pinçon-Charlot au cœur de ces débats mérite que l’on s’y attarde. Cette sociologue spécialisée dans la dénonciation des inégalités a progressivement dérivé vers des sphères complotistes, intervenant même dans le documentaire de la même veine « Hold-Up », où elle déclare que les « riches » s’apprêtent à procéder à un nouvel « Holocauste » et à « éliminer la partie la plus pauvre de l’humanité ».

Il s’agit, répétons-le, d’une composante de plus en plus prégnante du débat public en ligne, un ressort facile certes, mais néanmoins pernicieux, qu’il faudrait considérer avec un peu plus de sérieux. À l’IREF, nous avons souvent écrit sur cette obsession française qu’est la haine des riches en démontrant la fausseté des mythes sur les inégalités et l’accumulation des richesses, ou les mensonges à propos de l’imposition des plus riches (les 10 % les plus riches payent 70 % du total de l’impôt sur le revenu). La preuve en a été apportée maintes fois : il s’agit surtout d’entrepreneurs qui ont réussi, ce qui devrait en faire des exemples pour les plus jeunes et les stimuler.

Répétons cette évidence : aucun État de droit ne s’est appauvri à cause des riches. Certains médias reprennent souvent sans aucune réserve ni aucun recul des éléments de langage imposés cyniquement par une poignée d’individus aux motivations troubles, sur des comptes en nombre très minoritaire. On souhaiterait qu’ils offrent une audience au moins aussi grande à un travail tel que ce rapport de l’Observatoire stratégique de l’information. Histoire de remettre l’information dans une juste perspective.

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(*) https://observatoire-strategique-information.fr/2024/01/25/faut-il-bruler-les-riches-plongee-au-coeur-des-nouveaux-narratifs-anticapitalistes/

Lire l’article sur La Tribune

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1 commenter

TELLE 26 février 2024 - 3:59

Pour les personnes riches qui créent de la richesse profitable au pays OK, mais pour les politiques qui s’enrichissent au fur et à mesure par cumul de mandat ou de retraites NON.
Par ailleurs, on devrait demander la mise en place d’un plafond de retraites pour toutes ces personnes qui vivent et s’enrichissent en politique et qui n’ont jamais travaillé et donc rien produit pour le pays?

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