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Un choc de compétitivité peut encore enrayer la désindustrialisation de la France

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La France est un pays désindustrialisé : entre 1974 et aujourd’hui, la part de l’industrie dans le PIB a baissé de 25 à 13,4 % et la part dans l’emploi de 25 à 10,4 %. Les branches de l’industrie lourde, du textile et de la métallurgie, qui avaient été les moteurs du développement des régions du Nord et de l’Est, ont ainsi quasiment disparu. Ce mouvement n’est pas propre à la France et l’on peut schématiquement dégager deux groupes de pays : l’Allemagne, la Corée, le Japon, où la désindustrialisation a été contenue via une montée en gamme des produits, et la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et les États-Unis où la désindustrialisation a été rapide.

Depuis les années 2000, ce mouvement s’est aggravé. Le taux de marge des industries françaises ne leur permet plus d’investir massivement dans la compétitivité structurelle des biens qu’elles fabriquent et leurs produits se sont trouvés déclassés, moyennant quoi, la compétitivité prix a, en partie, pu être sauvegardée via des efforts de marges. Conséquence majeure, les exportations se sont effondrées, faisant monter le déficit de la balance commerciale si haut que l’excédent des services ne peut plus le contenir. À partir de 2006, les comptes courants de la France sont passés dans le rouge pour ne plus jamais en sortir. Les multinationales françaises investissent d’ailleurs plus volontiers à l’étranger que sur le territoire national. Elles y réalisent, en effet, 51 % de leur activité et y emploient 56 % de leur personnel.

Les impôts de production (4,4 % du PIB en France contre 0,8 % en Allemagne) et les charges sociales sont les principaux responsables de cette situation délétère. D’un côté les impôts de production fonctionnent comme une taxe à l’exportation, touchant les biens fabriqués localement, mais pas les biens importés (à l’inverse de la TVA qui taxe tous les produits), de l’autre, le coût du travail particulièrement élevé ne permet pas de produire de manière compétitive.

Les politiques de réductions de charges sociales, type CICE, n’ont pas majoritairement bénéficié à l’industrie et se sont tournées vers les secteurs abrités de l’économie, aussi peuvent-elles être considérées comme un coup d’épée dans l’eau.

De part et d’autre du Rhin, des solutions différentes ont étés mises en œuvre. Malgré l’absorption de l’ex RDA, l’Allemagne a réussi à sauver son industrie en flexibilisant le marché du travail (grâce aux lois Harz), en mettant en œuvre une politique de modération salariale et fiscale, en investissant massivement dans l’innovation et en maintenant ses activités industrielles à forte création de valeur ajoutée sur son territoire, via des délocalisations de proximité en Europe centrale.

Le levier fiscal demeurant le principal outil économique d’un gouvernement, eu égard à l’abandon de toute velléité de planification depuis plus de trente ans, il faut recommander la mise en œuvre d’un choc de compétitivité rendu possible par la suppression des impôts de production et la baisse généralisée des charges sociales.

Ce choc serait permis par l’instauration d’un plan de rigueur sur les dépenses des trois administrations publiques, une fois les effets de la crise sanitaire estompés.

Aussi faut-il recommander une politique industrielle intégrant un véritable choc de compétitivité pour l’industrie française, avec une suppression encore plus  significative des impôts de production, la CFE, la CVAE, la TFPB, la C3S, et une baisse des charges sociales généralisée et non concentrée uniquement sur les bas salaires.

L’objectif est d’une part de rendre le territoire national attractif pour les entreprises françaises comme pour les étrangères, de leur redonner un taux de marge comparable à leurs consœurs allemandes et de permettre la montée en gamme de leurs produits.

En parallèle, il faut recommander un plan de rigueur apte à entraîner une baisse de la dépense publique, par la diminution progressive de la dotation générale de fonctionnement des collectivités, par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, par la poursuite de la réforme de l’assurance chômage et également par la réforme du système de retraite. Le cas échéant, une augmentation de la TVA pourrait partiellement compenser la baisse des impôts de production, la réduction des dépenses publiques permettant par ailleurs de retrouver les équilibres budgétaires nécessaires.

Introduction

Il était une fois un vieux pays tout bardé d’habitudes et de circonspection. Naguère le plus peuplé, le plus riche, le plus puissant de ceux qui tenaient la scène, il s’était, après de grands malheurs, comme replié sur lui-même. Tandis que d’autres peuples allaient croissant autour de lui, il demeurait stationnaire. À une époque où la puissance des États dépendait directement de leurs valeurs industrielles, les grandes sources de l’énergie lui étaient chichement mesurées : il avait peu de charbon, il n’avait pas de pétrole, son industrie était frappée de routine […][1].

L’étude des contours de l’industrie française, plus de soixante ans après que le Général de Gaulle ait prononcé ce discours, a de quoi laisser perplexe tant celui-ci demeure d’actualité. À l’image de nombreux pays d’Europe de l’Ouest, la France semble avoir sacrifié son industrie sur l’autel du financement de son modèle de protection sociale, incapable qu’elle était de faire face à la concurrence des pays émergents.

En dépit des effets d’annonces, les politiques publiques en faveur de l’industrie, qui peuvent être définies comme « les actions ciblant des secteurs spécifiques pour accroître leur productivité et leur importance relative au sein du secteur manufacturier »[2], n’ont pas été en mesure d’enrayer le déclin de notre pays en la matière.

Les politiques publiques industrielles peuvent être envisagées de manière bi-dimensionnelle : la première, dite verticale, comprend les mesures publiques de soutien direct aux industries, les subventions, les droits de douanes ou les participations au capital d’une entreprise, la seconde, dite horizontale, est plus large et vise à créer un climat favorable au développement des affaires. Il peut, dès lors, s’agir de mesures diverses et variées comme la formation de la main d’œuvre, la fiscalité, la réglementation, la protection de la propriété intellectuelle, la construction d’infrastructures ou les politiques de soutien à la R&D.

Contrairement à son versant horizontal, une politique publique industrielle verticale souffre d’un défaut majeur : le manque de rationalité économique de l’État en comparaison de l’entreprise le conduit à adopter une logique incrémentale, ou pire, à privilégier les retombées médiatiques plutôt que l’efficacité économique de long terme.

Aussi, la présente note dresse-elle le bilan d’une France désindustrialisée à cause de stratégies fiscales irrationnelles et de politiques du travail centrées sur des intérêts de court-terme. La comparaison avec l’Allemagne, dont le secteur secondaire n’a en rien perdu de sa vigueur, sera la principale illustration utilisée pour asseoir ce diagnostic.

Télécharger l’étude ( format pdf) : Un choc de competitivite peut encore enrayer la désindustrialisation de la france

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12 commentaires

Serge GRASS 21 février 2023 - 6:42

« En parallèle, il faut recommander un plan de rigueur apte à entraîner une baisse de la dépense publique, par « la diminution progressive de la dotation générale de fonctionnement des collectivités, par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, par la poursuite de la réforme de l’assurance chômage et également par la réforme du système de retraite. Le cas échéant, une augmentation de la TVA pourrait partiellement compenser la baisse des impôts de production, la réduction des dépenses publiques permettant par ailleurs de retrouver les équilibres budgétaires nécessaires. » Analyse et propositions pertinentes, mais ne seront pas durables, tant la concurrence libre et faussée conduit à privilégier le moins disant social. Comme le course à l’échalote, si le jeu est poursuivi la chute est inéluctable. L’organisation économique d’une nation a d’abord pour objet d’améliorer les conditions de vie du peuple Un système social aussi généreux que celui de la France nécessite une culture civique et morale très élevée, à défaut c’est un terreau favorable au développement des parasites.

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Marsaudon 21 février 2023 - 9:58

augmenter la TVA ? le signal de plus probant de la déconfiture..

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Astérix 21 février 2023 - 10:24

Il faut uniquement baisser massivement les dépenses publiques, les taxes, les impôts etc… et ne surtout pas augmenter les impôts et taxes. Or vous préconisez d’augmenter la TVA ??? EN TOTAL DÉSACCORD. C’est incroyable, il faut toujours que le français veuille continuer à se faire arnaquer par l’état !???? Vous avez dit masochiste. Mais continuons, la France va crever !

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Romain Delisle 22 février 2023 - 10:44

Cher Monsieur,

Vous avez tout à fait raison, le système social mérite d’être réformé en profondeur mais cela ne saurait s’opérer que sur le temps long en tenant compte des désincitations au travail. Aussi, pour créer un choc de compétitivité rapide apte a redresser notre balance commerciale, l’augmentation de la TVA, impôt neutre qui touche également les produits importés, pourrait être une bonne solution transitoire.

Je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de ma considération distinguée,

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Diot Emmanuel 21 février 2023 - 8:19

Il ne faut non plus négliger l’image de certains syndicats et de leurs comportements les plus excessifs qui ternissent l’image de la France aux investisseurs. Pensez vous que le groupe Goodyear invertira de nouveau dans notre pays même avec la baisse des charges? Pas sur! Des syndicats fous ont fait peur à Goodyear. Les irréductibles Gaulois vont parfois trop loin et les politiques leur laissent trop de pouvoir de nuisance aux seins de nos entreprises. De même sur le site d’Aulnay sous Bois de PSA. Fermé en grande partie car ingérable pendant plus de 10 ans! lorsque les boulons volent dans les ateliers, cela finit forcément par décourager la majorité des salariés qui croient en leurs entreprises. Tout comme un DRH d’Air France fuyant en escaladant le grillage de son entreprise à toute vitesse, et sous les cameras des journalistes, car poursuivi par des Gaulois incontrôlables.

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Marsaudon 21 février 2023 - 9:56

Plus de 40 ans d’un socialisme pernicieux nous ont conduit au bord de l’abîme ; et le technocratisme centraliste actuel ne permet aucun espoir d’amélioration.

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Astérix 21 février 2023 - 10:18

Où comment, grâce à nos dirigeants de génie, détruire soigneusement la France ! L’entreprise de démolition a parfaitement fonctionné !

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Moulin 21 février 2023 - 11:09

intéressante étude , à lire attentivement, coté réalisme face aux forces négatives en présence. Qui, en France, pourraient vraiment mettre en place ce choc ?

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AUR ++ 21 février 2023 - 3:00

Les pays vivent selon des cycles avec leurs apogées et leurs périgées….
Aujourd’hui La FRANCE a le résultat qu’elle mérite.
• Manque de visibilité fiscale à moyen terme
• Manque de stabilité fiscale, : Taxes, Droits, Impôts de toutes natures dont la pression est toujours plus grande
• Surcharges administratives
• Droit social de plus en plus contraignant ….
Entre autres….etc…. !

Les chefs d’entreprises, ont compris que le soleil existait ailleurs….
• Les promesses gouvernementales ne servent à rien lorsque l’on assiste « au foutoir » de la FRANCE ACTUELLE…,

Qui a envie de se jeter dans la cage aux lions ?

C’est aussi simple que cela.

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AlainD 24 février 2023 - 10:08

La tva est un impôt injuste qui taxe tous les contribuables quels que soient leurs revenus. Cet impôt est sorti du crâne d’un énarque (déjà !) et ne touche que l’utilisateur final, c’est à dire le consommateur. Nous avons vu avec la restauration que la baisse du taux ne bénéficie pas au consommateur, c’était tout à fait prévisible. Il aurait été plus juste de faire payer un impôt sur le revenu à tous les contribuables avec un taux de prélèvement adapté aux revenus : les mins riches paieraient moins. Par ailleurs, il serait parfaitement possible de créer un taux de tva spécial pour les importations. Cela dit, la France est trop lourdement chargée d’une administration parasite à plusieurs niveaux (national, régional, départemental et communal), la fonction publique est pléthorique de même que le gouvernement que Macron avait promis « allégé » en d’autres temps ce qui est loin de la réalité quand on voit le recyclage des évincés de la députation. Hélas notre pays est dirigé par des personnes qui ne sont pas gestionnaires mais paperassiers : voyez les codes civil, pénal, du travail, des impôts… Tout y est compliqué, on surajoute des lois à des lois sans se préoccuper de nettoyer les textes en abrogeant ceux devenus inutiles ou redondants mais bien sûr il faut que dans les cabinets on tienne à justifier son emploi, à maintenir son semblant d’autorité. Tout marquis veut avoir des pages…(Jean de la Fontaine)

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Oncpicsou 26 février 2023 - 8:21

Non, reflechissez, la TVA est l’impôt LE PLUS JUSTE car il taxe le citoyen sur sa jouissance de la richesse et non sur sa création de richesse. C’est également le plus simple, pas de déclaration à faire, pas de « régime fiscal » compliqué à connaître, pas de paradis fiscal, etc.
Vous cherchez un choc de simplification? en voilà un!
Vous pouvez reconvertir Berci en usine de composants informatiques et les fiscalistes en commerciaux… Mais la haine et la jalousie hystériques des parasites vis a vis de ceux qui créent la richesse les aveugle tellement qu’ils doivent s’approprier le fruit de notre travail par tous les moyens.
Exemple: vous trouvez un trésor dans votre jardin, vous n’allez pas le déclarer au fisc par contre vous paierez la TVA quand vous le depenserez… et si vous ne le depensez pas c’est comme si vous n’aviez rien trouvé! Autre exemple: vous investissez le fruit de votre travail dans l’industrie pour créer de l’emploi, là aussi vous n’en jouissez pas, c’est commesi vous n’aviez rien (par contre, en vous en privant, vous contribuez a la collectivité par les emplois créés, ce qui justifie un éventuel dividende) Le jour ou vous le depenserez pour votre propre jouissance, là vous paierez la TVA !
… mais les « pauvres »? me direz vous, la voix tremblante d’emotion. Et bien, premièrement rien n’empêche de définir un taux de TVA réduit pour les produits de première nécessité, deuxièmement s’ils sont pauvre, il dépenseront peu donc paieront peu de TVA (sauf si ce sont de faux pauvres exploitant frauduleusement le système… noter au passage que ce système est en plus antifraude!)
Ma citation: « Le bon sens est le système immunitaire de la pensée « 

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Romain Delisle 3 mars 2023 - 11:04

Cher Monsieur,

Merci pour votre commentaires qui traduit assez bien l’esprit de ce que j’ai écrit. Sur cette question des dépenses fiscales et des exonérations de TVA (justifiées ou pas) un article est d’ailleurs en cours de préparation.

Je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de ma considération distinguée,

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