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Il manque 6 à 10 milliards de TVA dans les caisses de l‘État

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Il y a quelques jours notre collègue Victor Fouquet expliquait au député LFI David Guiraud qu’il ne manquait pas 100 milliards d’euros (Md€) de TVA dans les caisses de l’État qui auraient été généreusement octroyés aux entreprises par le biais d’exonérations de toutes sortes. En revanche, selon les estimations du ministère, il pourrait manquer 6 à 10 Md€.

Dans une étude publiée au mois de septembre 2024, la direction générale des finances publiques (DGFiP) estime que le « manque à gagner » de TVA en France est compris entre 6 et 10 Md€, soit entre 4% et 5% du montant de TVA collecté. Si elle était effectivement perçue, cette somme arrangerait bien les finances du pays.

Le manque à gagner est plus large que la fraude

Pour la DGFiP, le manque à gagner de TVA correspond aux sommes qu’elle n’a pas recouvrées du fait d’irrégularités déclaratives involontaires ou volontaires (ces dernières constituant la fraude proprement dite).

Pour estimer ce manque à gagner, la DGFiP s’appuie sur les contrôles fiscaux. En 2022, l’ensemble des dossiers de contrôles clôturés ont permis de redresser 2,1 Md€ de droits nets de TVA. Le même montant est à peu près recouvré chaque année depuis 2015, excepté lors des années covid (0,9 Md€ en 2020 et 1,6 Md€ en 2021). Il faut cependant avoir en tête que le montant annuel récupéré concerne plusieurs années d’affaires (c’est-à-dire les années au titre desquelles les entreprises sont redressées). Un dossier clôturé en 2022 peut ainsi, par exemple, redresser une entreprise au titre des années 2019, 2020 et 2021.

Aujourd’hui, les données du contrôle fiscal indiquent un redressement moyen de l’ordre de 5 000 € par entreprise contrôlée (en excluant les redressements exceptionnels). La DGFiP estime le manque à gagner entre 6 et 10 Md€ par an, et plutôt de l’ordre de 8 Md€ ces dernières années comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous.

Manque à gagner sur la TVA en France (en Md€)

Les secteurs du commerce (30%), de la construction (15%) et des services aux entreprises (10%) sont les principaux contributeurs au manque à gagner sur la TVA, selon la DGFiP. Et le taux d’irrégularité le plus élevé est dû aux activités immobilières (13%), à celles de l’hébergement-restauration (13%) et la construction (9%).

La principale infraction est la dissimulation d’opérations assujetties à la TVA (44,5%). Il s’agit par exemple d’entreprises ne déclarant pas une partie de leurs activités. La deuxième source de manque à gagner est la déduction à tort de TVA (18,3%), suivie par les irrégularités sur des régimes spécifiques comme celui relatif à la TVA immobilière (12,3%) et les irrégularités relatives à la territorialité (12,1%).

Une sous-estimation du manque à gagner ?

La DGFiP sous-évalue-t-elle son estimation du manque à gagner sur laTVA ? On peut se poser la question quand on prend connaissance des chiffres avancés par d’autres institutions.

La Commission européenne estime l’écart fiscal sur la TVA pour la France à 10-15 Md€ en 2020 et 2021, soit au bas mot 50% de plus que la DGFiP. Quant à l’Insee, il évoque 20-25 Md€, soit plus du double.

Comme nous l’avons dit, le manque à gagner de TVA comprend la fraude qui, par définition, est impossible à mesurer. Cependant de tels écarts laissent songeur et l’on se demande si l’étude de la DGFiP n’est pas là pour dévaloriser les autres estimations, en particulier celle de l’Insee. Car un manque à gagner important jette immanquablement le discrédit sur la DGFIP.

Plusieurs pays (Australie, Canada, Italie, Royaume-Uni, Suède) publient des estimations régulières de l’écart fiscal sur la TVA. La fourchette est importante, comprise entre 2,7% du montant théorique de la TVA pour l’Australie et 19,2 % pour l’Italie. La Suède est à 14%, le Canada à 9%, le Royaume-Uni à 5,4%. La moyenne de l’Union européenne (UE) est à 9,6%. Avec son estimation à 4-5%, la DGFiP place la France dans le peloton des pays les plus performants alors que l’Insee la plaçait au-dessus de la moyenne européenne.

Quoi qu’il en soit, la DGFiP espère beaucoup de la facturation électronique – qui sera obligatoire à partir de septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire et de septembre 2027 pour les autres. Elle devrait, en effet, permettre de recouper plus aisément ventes effectuées et déclarations de TVA, et pourrait donc conduire à réduire le manque à gagner.

Simplifier et réduire la pression fiscale

Pour autant – et la DGFiP est muette à ce sujet – il ne faut pas s’interdire de réfléchir aux raisons qui poussent les entreprises à commettre des irrégularités déclaratives, volontaires ou non, en matière de TVA.

Nous pouvons en évoquer deux : la complexité et la pression fiscale.

La complexité, parce qu’il existe quatre taux de TVA différents en France métropolitaine (sans compter les taux particuliers de la Corse et des départements d’outre-mer) : 20%, 10%, 5,5% et 2,1%. Et que ces taux peuvent différer à l’intérieur d’un même secteur. Dans le commerce alimentaire par exemple, il y en a trois :

  • 5,5% sur les produits conditionnés dans un contenant permettant leur conservation, donc pour une consommation qui peut être différée. Le contenant doit être hermétique, avec une date limite de conservation ;
  • 10% sur les produits vendus pour une consommation immédiate ;
  • 20% sur les boissons alcoolisées, quel que soit le type de consommation, immédiate ou différée.

Cette complexité favorise évidemment les erreurs involontaires et les fraudes, d’autant plus que les entreprises sont soumises à différents régimes en fonction de leur chiffre d’affaires et du secteur dans lequel elles exercent. Pourtant, paradoxalement, la fraude à la TVA est relativement simple. Le mécanisme le plus courant consiste à facturer un montant TTC à son client sans reverser la TVA à l’État, et donc à faire une fausse déclaration.

La pression fiscale, elle, reste forte sur les entreprises malgré la baisse de ces dernières années. Les impôts sur la production, en particulier, sont deux fois plus élevés en France que la moyenne européenne. Ne pouvant échapper à un grand nombre d’impôts et de taxes, il n’est pas étonnant que certaines entreprises compensent en fraudant sur la TVA.

Par conséquent, simplifier la TVA et baisser la pression fiscale pourrait permettre de réduire le manque à gagner. Il semble, malheureusement, que le gouvernement Barnier n’en prenne pas le chemin.

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