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Trouver des saisonniers : découverte de cette France qui ne veut pas travailler

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Jean-Philippe Delsol s’est récemment demandé, dans un article, si les Français voulaient encore travailler. C’est bien la question que se posent les exploitants agricoles et viticoles quand il s’agit de trouver des saisonniers. Voici un petit panorama de ce que mon exploitation viticole familiale de Charente a pu observer.

Les agriculteurs ont besoin, comme chaque année, de saisonniers pour effectuer différents travaux : récolte des fruits et légumes, notamment des melons et des fraises, pour les maraîchers ; vendanges pour la viticulture, dans certaines régions en Champagne et dans le Beaujolais. En outre, dans toutes les vignes, mécanisation de la récolte ou non, on a besoin de saisonniers pour les relevages aux mois de mai et juin. Les relevages, c’est simplement ranger les bois de vignes entre des fils de fer pour qu’ils tiennent. Mais cette tâche pourtant simple semble encore trop compliquée pour certains saisonniers – aussi compliquée que, pour les viticulteurs, trouver de la main d’œuvre pour une durée d’un mois.

Un saisonnier est un travailleur comme un autre

Afin de trouver des saisonniers, il y a quelques années nous passions des annonces directement et recevions les candidats à notre domicile. Cela prenait beaucoup de temps, pour des résultats peu satisfaisants. Généralement, seul un tiers des candidats venait en entretien, et seulement la moitié d’entre eux venait le premier jour. Ainsi, une candidate avait renoncé car son domicile se situait à 17 km de notre exploitation (tandis qu’un ouvrier permanent en parcourt 25) et, fait aggravant elle devait se lever tôt le matin (embauche à 8h00). Pourtant certains ne rechignaient pas à faire 35 km , car ils touchaient ainsi des indemnités kilométriques octroyées par un organisme public qui aidait les jeunes travailleurs. Le hic, c’est que certains en profitaient frauduleusement : ainsi, un couple à qui nous avions signé un certificat d’embauche a touché ces indemnités… sans venir une seule fois, et a nous a menacé lorsque, l’organisme nous ayant consulté pour vérification, le pot aux roses a été dévoilé ! Depuis, nous passons par des agences d’intérim, ce qui diminue notre charge mais ne garantit pas de trouver du personnel compétent, loin de là.

Nous faisons appel à l’une d’elle depuis des années. Elle facture une heure 17 € pour un salarié payé au SMIC à 10.15 €.
Pour cette campagne, nous avons eu cinq jeunes de 18 à 25 ans qui pendant trois semaines ont été incapables (ou n’ont pas voulu) d’appliquer les consignes les plus simples. L’un d’eux ne savait pas que les feuilles des vignes tombent à l’automne (comme celles des arbres, peut-être ne le savait-il pas non plus) et pensait que les relevages se faisaient toute l’année, alors qu’il habite dans la région.
Dans le passé, nous avons eu une mère d’environ 50 ans et ses 2 enfants de 25 et 30 ans. La mère, au bout de deux heures, en a eu « marre de ce boulot de merde ». Ses enfants nous confesseront plus tard qu’ils n’ont jamais pu la faire travailler.
Une autre mère, venue avec son fils, a fait toute la campagne. Son fils, en revanche, est parti au bout de 2 jours. Il confondait les branches, les feuilles, les raisins, et pour finir en beauté, nous a lâchés tout à trac en nous insultant. Sa mère, qui est restée un mois, ne comprenait pas les consignes ni les bases les plus élémentaires du travail. Elle croyait d’ailleurs qu’elle faisait les vendanges.

Des immigrés pour faire le travail de ceux qui préfèrent l’assistanat

Une autre agence d’intérim facture 20.30 € pour un salarié à 10.15 € de l’heure. En un an, elle a augmenté ses tarifs horaires de 2 €. Elle nous a envoyé fin mai trois saisonniers la même journée. Deux d’entre eux, des hommes, ont harcelé plusieurs membres féminins de l’équipe (même les plus jeunes) et ont reçu d’étranges appels téléphoniques. Dont un de la gendarmerie. Il devait d’agir d’autre chose que d’un excès de vitesse car il a dû appeler son avocat, nous avons compris qu’il risquait une condamnation avec sursis… Nous leur avons signifié le soir même qu’ils n’étaient plus les bienvenus, ils ne comprenaient pas pourquoi. La jeune fille envoyée avec eux est arrivée le premier jour avec une demi-heure de retard, ne comprenait rien à rien de ce qui lui était demandé et n’est restée que 4 jours.
Bref, nous avons connu beaucoup de déboires. Or, il est important de le rappeler, les deux agences d’intérim sont liées à des organismes publics, qui promettent toujours nous envoyer du personnel fiable et ayant déjà de l’expérience dans le domaine…
Comment donc s’étonner que les travailleurs dans l’agriculture proviennent de plus en plus de l’immigration ?
Déjà dans les années 80, avant la mécanisation, les vendangeurs venaient d’Espagne. D’autres, qui sont restés dans la région, venaient du Portugal. Il y a encore de nombreux Espagnols qui viennent travailler, notamment dans le sud de la France. En Charente, ce sont des Roumains qui pendant 6 à 7 mois par an s’activent dans les vignes. Certains s’installent même à leur compte comme prestataires de services, employant leurs compatriotes ou des Bulgares. Dans la région de Cognac, ils sont près de 3000 et leur nombre augmente chaque année. Ils font le travail, plus vite et pas plus mal. Ils arrivent à l’heure, et trouvent l’adresse du premier coup, contrairement à nombre de saisonniers qui arrivent en retard tous les matins ou qui se perdent. Et leur salaire est le même que celui d’un Français, pour couper court aux discours des travailleurs détachés.
Donc, avant de se plaindre de ce genre d’immigration, il faut s’informer sur la réalité de terrain : si des étrangers viennent travailler dans les cultures en France, ce n’est pas pour prendre la place des autochtones, mais bien pour combler le vide laissé par nos 9% de chômeurs, qui trouvent l’assistanat plus confortable que le travail.

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3 commentaires

france_peripherique 17 juin 2020 - 12:02

Quel est le juste prix du travail physique ?
Sur un site libéral comme l'IREF, on s'attend davantage à miser sur le prix du marché pour définir l'équilibre entre la fatigue d'un travail physique et son niveau de rémunération. A 15€ voire 20€ de l'heure, ou mieux encore au rendement, ces postes saisonniers ne trouveraient ils pas preneur ?

Et d'ailleurs en vertu de quoi un travail certes peu qualifié mais fatiguant, devrait être moins payé qu'un travail plus qualifié, mais assis devant un bureau ?
Qui décide de cette hiérarchie salariale ?

Il est en revanche exact que l'assistanat social crée un seuil de rémunération en dessous duquel le non-travail est préféré.

Enfin votre entreprise agricole a trouvé preneur avec les saisonniers immigrés. Remarquons que si cette mains d'oeuvre obtenait la citoyenneté française, l'Etat-providence pourrait la démotiver à son tour avec son assistanat.

L'oisiveté ne repose pas sur le caractère d'une population française, mais sur un système d'assistanat désincitatif, et un prix du marché du travail physique à renégocier !

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Aymeric Belaud 19 juin 2020 - 6:48

Je suis bien d'accord avec vous sur le fait que le problème vient de la politique d'assistanat.

Pour les relevages, le prix ne peut-être qu'à l'heure. Le SMIC horaire est amplement justifié pour un travail qui n'est pas très physique. Augmenter ce salaire relève de la compétence des agences d'intérim, qui nous fixe un prix déjà plutôt cher (17 à 20€ de l'heure). Pour les saisonniers que nous recrutons directement, il serait impossible pour nous d'augmenter le salaire. A cette saison, il est possible d'avoir 15 saisonniers, sur une période d'un mois. Augmenter les salaires des saisonniers est financièrement impossible pour les viticulteurs.

Nous payons à la tâche en hiver pour des saisonniers (1 ou 2) qui viennent tirer les bois. Ce travail est rémunéré au pied de vigne. Celui qui travaille bien et vite peut se faire beaucoup d'argent, rapidement. Nous trouvons encore moins de volontaires.

Tout ne se résume pas au prix ou au salaire, malheureusement…
Beaucoup ne veulent simplement pas travailler, et c'est bien triste.

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fanny 11 juillet 2020 - 12:00

attractivité du job
il est certain que les travailleurs saisonniers sont plus exposés aux risques d’accidents du travail , du fait de la précarité de cette main d’œuvre, leur manque d’information, de formation et de connaissances des lieux et des procédés qui augmentent ainsi leur vulnérabilité et nuit à l’attractivité du job :https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/fiches-metier/la-prevention-des-risques-professionnels-des-travailleurs-saisonniers

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