Le rapport Ravignon sur le « millefeuille administratif », dont il a déjà été question dans nos colonnes, aborde notamment le sujet de la séparation entre ordonnateur et comptable. De quoi s’agit-il ?
Le site vie-publique.fr indique que c’est un principe comptable et une contrainte juridique qui est un des aspects de la qualité de la gestion publique. L’ordonnateur – c’est-à -dire la personne responsable des engagements de dépense (dans le cas qui nous intéresse ici, les exécutifs locaux) – n’a pas le droit de manipuler l’argent public. Seul le comptable public peut le faire. C’est lui qui, sur ordre de l’ordonnateur, encaisse et décaisse l’argent public.
Cette séparation a une double finalité. Premièrement, le contrôle : en permettant de repérer les erreurs et irrégularités en amont, avant que l’argent n’ait quitté la caisse publique. Deuxièmement, la probité car deux personnes sont moins tentées – et moins faciles à convaincre – de s’écarter des règles qu’une seule.
Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, insiste dans son rapport, sur les « coûts » et les « contraintes » de cette règle qui, selon lui, « peuvent être significativement réduits pour les collectivités et l’État ». Cela coûterait, en effet, 1,8 milliard d’euros (Md€) par an (1,3 Md€ pour l’État et 0,5 Md€ pour les collectivités).
 Si Ravignon reconnaît que « plusieurs réformes récentes ont atténué la portée du principe de séparation entre ordonnateurs et comptables », il préconise d’aller plus loin, « jusqu’à l’autonomie financière et comptable des collectivités ». C’est, selon lui, le principal moyen d’améliorer « l’efficience du circuit de la dépense et de la tenue des comptabilités en supprimant les contrôles parallèles et en doublon ».
Tous les syndicats de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) se sont offusqués de ces propositions. Par exemple, pour Olivier Brunelle, de FO DGFIP, ce principe de séparation ordonnateur-comptable offre « des garanties aux citoyens sur la bonne gestion des deniers publics ». Que les syndicats de Bercy évoquent « la bonne gestion des deniers publics », cela ne manque pas de sel !
Et qu’ils se préoccupent des citoyens est tout aussi cocasse. Nous sommes persuadés que les citoyens ne seraient pas opposés à faire 1,8 Md€ d’économies, surtout si, en plus, elles leur simplifient la vie. Car, avec la réforme proposée par Boris Ravignon, les Français pourront, par exemple, payer directement à la mairie leurs factures de cantine scolaire ou de crèche ainsi que leur taxe foncière, sans passer par l’intermédiaire de la DGFiP. Ni par le truchement des buralistes devenus, depuis l’été 2020, les supplétifs de Bercy.
A l’époque, Bruno Le Maire avait présenté ce service de proximité comme « une mesure de simplification ». Se passer d’intermédiaire, comme le suggère le rapport Ravignon, serait encore plus simple… pour tout le monde.
5 commentaires
Je connais une personne qui a vécu ce manège… il y a 40 ans. Quand elle en évoquait l’inutilité, ses collègues rétorquaient « tu veux nous enlever du boulot?! » Il faut dire que près de la moitié de l’effectif était concerné… Les erreurs, rares et mineures, entrainaient des procédures compliquant la vie des collectivités mais donnaient de l’activité justifiant leur présence.
Au moins 40 ans x 1,8 milliards = 72 milliards, c’est ça la bonne gestion de l’argent public?
On touche là à la perversion de l’emploi à vie. Ces personnes étaient prêtes à consacrer de leur temps, toute leur vie, à une tâche inutile se croyant incapables de faire autre chose, ailleurs!
Se sentir utile est une composante majeure de l’équilibre mental.
On peut parler « d’esclavage volontaire »… c’est inhumain!
il faut lire le livre de bernard zimmern : la dictature des syndicats ! édifiant
Je suis d’accord sur le principe mais il ne faut pas oublier qu’il y a toujours chez les Français un soupçon de favoritisme et de magouillage qui affecte les collectivités locales, plus que l’État central, et la séparation est censée limiter ces risques. (soupçon confirmé par certains scandales locaux et entretenu par le Jacobinisme).
Il faut donc donner des contreparties et on pourrait par exemple les soumettre à la certification annuelle de leurs comptes comme pour les hôpitaux, ceci en plus des contrôles de bonne gestion publique par les chambres des comptes tous les 5 ans.
« Deux personnes sont moins tentées – et moins faciles à convaincre – de s’écarter des règles qu’une seule. »
En somme nous si sur?
Dans un milieu ou règne la loi du « pas de vagues », je serais tenté de penser que, oui, les petites erreurs aient des suites, mais les grosses magouilles ? Ce petit monde ne s’arrangerait il pas pour laver son linge salle en famille, voire en fermant les yeux? Ne risque t il pas de s’y glisser une composante… politique?
Un contrôle fiable devrait être fait au hasard, par des cabinets d’audit privés.
« Le truchement des buralistes devenus, depuis l’été 2020, les supplétifs de Bercy. » Grand principe de Bercy : faire faire leur boulot par les autres, comme les banques et associations de gestion agrées…
Au fait, le rôle d’un syndicat est-il de défendre ses adhérents, ou de se substituer au législateur ? De quoi je me mêle ?