Le haut niveau de prévalence tabagique en France – 24,5% des adultes en 2022 – fait de notre pays une exception au sein de l’OCDE. Comme nous l’avons mis en lumière dans notre précédent rapport, « État des lieux du tabagisme en France et comparaisons internationales » de février 2024, la France est le pays qui a le moins réduit le tabagisme ces dernières années malgré ses plans successifs de santé publique.
En 20 ans, les fumeurs ont diminué de 68% en Nouvelle-Zélande et de…18% en France
Dans une nouvelle étude, nous nous concentrons sur quatre pays qui ont réussi, au cours des vingt dernières années, à réduire drastiquement le nombre de leurs fumeurs : la Nouvelle-Zélande (- 68%), la Suède (- 49%), le Royaume-Uni (- 53%) et le Japon (- 51%). En comparaison, avec une baisse de 18% de sa prévalence tabagique, la France fait figure de mauvais élève.
Évolution de la prévalence tabagique dans 5 pays
Alors que l’Union européenne a le projet d’interdire de fumer et de vapoter aux terrasses des cafés, aux arrêts de bus et dans les zoos, alors que la France cherche à interdire la commercialisation des sachets de nicotine, il est particulièrement éclairant d’examiner les politiques menées dans les quatre pays cités.
Ceux-ci ont, en effet, en commun de connaître une forte pénétration des alternatives tabagiques et nicotiniques sans combustion, la plupart du temps dans le cadre d’une politique affirmée de réduction des risques.
Nous tirons de cet examen trois enseignements principaux. Le premier est que, si dans certains pays l’augmentation des prix, en adéquation avec d’autres politiques, a pu fonctionner, ce n’est pas le cas en France. Alors que le prix du paquet de cigarettes a augmenté de 275% entre 2000 et 2024 (qui est passé de 3,20 € à 12 €), la prévalence tabagique n’a baissé que de 18%. Tous les autres pays étudiés font mieux que la France – et même trois fois mieux – sans avoir aussi fortement axé leurs politiques sur des hausses massives des prix du tabac.
En revanche, et c’est le deuxième enseignement de l’étude, la promotion des produits du tabac et de la nicotine à risques réduits s’est avérée extrêmement importante pour réduire la prévalence du tabagisme et au moins aussi efficace que l’augmentation des prix pour détourner les fumeurs de la cigarette.
Enfin, troisième enseignement, la simple mise sur le marché des alternatives peut suffire à détourner les fumeurs de la cigarette. Par exemple, au Japon, le tabac à chauffer n’a jamais été promu par le gouvernement. Il a été traité, du point de vue réglementaire, comme les autres produits du tabac (avec toutefois un léger différentiel fiscal en sa faveur). Mais, comme ceux-ci sont facilement accessibles – magasins spécialisés, supérettes, distributeurs automatiques – et peu chers, le tabac à chauffer le fut aussi. De ce fait, de nombreux fumeurs japonais se sont spontanément tournés vers le tabac à chauffer afin de réduire leur consommation de cigarettes.
Le gouvernement français poursuit inexorablement la même politique… qui ne marche pas
Dans ce contexte, le programme français de lutte contre le tabac (PNLT) pour la période 2023-2027 ne peut que laisser perplexe. En reprenant la hausse des taxes d’une part, et en limitant l’accès aux alternatives d’autre part (paquet neutre, limitation des arômes), il prend le contrepied des politiques étrangères présentées dans notre étude. Les autorités françaises envoient ainsi un mauvais message aux fumeurs – celui que tous les produits du tabac et de la nicotine sont d’égale nocivité et que, par conséquent, il ne sert à rien de se tourner vers les alternatives à la cigarette.
Tous les fumeurs vont faire les frais de cette cécité des autorités françaises à l’égard des expériences réussies de lutte contre le tabagisme. Et singulièrement les plus gros fumeurs, qui sont aussi les Français les moins favorisés, qui n’auront d’autre choix, pour préserver leur pouvoir d’achat, que de se tourner vers les marchés parallèles les enfermant dans leur addiction.