Ce succès du livre « Les yeux de Mona » est bien justifié . Ses lecteurs y trouvent ce qu’ils cherchent lors de leurs visites des musées. Thomas Schlesser, professeur d’histoire de l’art, s’efface devant un grand-père qui initie sa petite-fille à la quête du beau en lui ouvrant les portes du Louvre, d’Orsay et de Beaubourg. Rien de doctoral en lui, il s’agit de découvrir et de comprendre ces toiles, de faire une provision de couleurs et d’imagination pour le plus grand bonheur à venir de Mona. C’est par une fresque de Boticelli qu’il commence sa visite guidée, là où la pureté des lignes et la douceur des teintes annoncent la délicatesse du roman qui va suivre. Car il faut savoir recevoir pour donner, connaître pour transmettre. C’est cette connaissance incontournable que nous partage T. Schlesser : le mouvement dynamique des formes, la profondeur rendue par les couches de peinture, la symbolique des lumières, de l’harmonie ou du chaos, dans un contexte historique maîtrisé selon le tempérament souple ou révolté de l’auteur.
Si la culture artistique de T. Schlesser est éclectique, elle n’en est pas moins bouleversante. Tout le long du livre se réalise un double cheminement : celui du décryptage du sens caché  des œuvres, mais aussi des liens tissés entre le créateur et le néophyte, entre l’ enseignant et l’élève. La même œuvre peut offrir des images d’éclosion et d’explosion, entrelacer des pulsions de vie et de mort. Réalisme et abstraction, conscient et inconscient se rejoignent. Comique et tragique peuvent se juxtaposer. Une force de la vie peut annoncer un irréductible vide. C’est un bouquet de couleurs qui engendre le noir, surmonte la mort, tue l’angoisse, ébranle tout le corps. Livre qu’Albin Michel se presse de rééditer et qui incite à courir aux musées.