Voilà des décennies que les scénarios apocalyptiques sur une hypothétique pénurie des ressources prospèrent. Cette frayeur inaugurée par Thomas Malthus n’a cessé de faire des émules parmi les héritiers du courant dérivé de son nom : le malthusianisme. En 1798, Malthus publie son célèbre ouvrage sur la population. Il craignait que la démographie ne progresse plus rapidement que la production de nourritures et promettait à son pays, le Royaume-Uni, des famines à répétition. Échec de la prévision.
Dans un vieil article publié en 1997, le magazine britannique The Economist revenait sur une série de prédictions apocalyptiques écologistes qui se sont toutes révélées fausses. En 1865, rappelle l’hebdomadaire, un ouvrage de Stanley l’hebdomadaire, une pénurie de charbon au Royaume-Uni. Là encore, il s’est trompé. Quelques décennies plus tard, l’administration américaine s’inquiétait d’une pénurie de pétrole susceptible de survenir au début du XXème siècle. Ce comique de répétition n’a cessé d’être entretenu jusqu’à aujourd’hui. À ceci près que les mouvements écologistes se désolent désormais de la trop grande abondance et de la trop grande accessibilité des énergies fossiles.
En 1968, le biologiste Paul Ehrlich publiait son best-seller intitulé “The Population Bomb” qui s’inquiétait des famines que connaîtrait l’humanité dans les années 70 en raison de la surpopulation qu’il identifiait ainsi que la pression sur les ressources et la nourriture qu’elle induirait. Toutes ces prévisions se sont révélées fausses. L’humanité n’a aujourd’hui jamais été aussi proche de l’objectif d’éradiquer la sous-alimentation. Celle-ci frappait un humain sur deux au sortir de la seconde guerre mondiale et ne concernait plus que 10,9% de l’humanité en 2017.
Dans son célèbre rapport publié en 1972, le très scientifique Club de Rome alertait lui aussi sur les dangers de la croissance de la population et de la pression induite sur les ressources naturelles. Il publiait notamment ce tableau censé anticiper les pénuries de certains matériaux.
Pour comprendre ce tableau, on peut se référer au commentaire des auteurs du rapport pour le cas du chrome : “Les réserves mondiales connues de chrome sont d’environ 775 millions de tonnes métriques, parmi lesquelles environ 1,85 million de tonnes métriques sont exploitées annuellement à l’heure actuelle. Ainsi, au taux d’utilisation actuel, les réserves connues dureraient environ 420 ans.[…] La consommation mondiale réelle de chrome augmente cependant de 2,6 % par année. Les lignes courbes […] montrent comment ce taux de croissance, s’il continue, épuisera le stock de ressources […] en seulement 95 ans. “
Notons que les auteurs se laissaient une certaine marge d’erreur en supposant qu’on puisse découvrir des réserves 5 fois supérieures à leur estimation. Fort heureusement, cette marge d’erreur nous a évité une pénurie d’aluminium 35 ans après la publication de ce rapport…
Le capitalisme, système de gestion de la rareté par excellence
Il n’y eut guère que l’économiste américain Julian Simon pour s’en prendre à ces récits apocalyptiques. Selon Simon, l’erreur des biologistes, des physiciens ou des géologues alarmistes consiste à considérer les sociétés humaines comme des systèmes figés incapables d’innover. D’autant que les inquiétudes néo-malthusiennes témoignent de leur difficulté à saisir le rôle des prix et des mécanismes de l’offre et de la demande dans la gestion de la rareté des ressources. Rappelons que la rareté des ressources est le point de départ de l’analyse économique. Sans rareté, la propriété privée, l’échange, le commerce, les prix et toutes les institutions qui sous-tendent le capitalisme n’auraient plus aucun intérêt.
Une économie de marché où les prix sont librement fixés est précisément ce qui protège l’humanité du risque de pénurie. Toutes choses égales par ailleurs, la raréfaction d’un matériau augmente son prix. Cela encourage les producteurs à trouver des techniques plus sophistiquées de production et d’extraction de la ressource ou des substituts. Sa cherté régule parallèlement sa consommation, incite à sa conservation, à son recyclage et invite les populations à se tourner vers des substituts. L’ingénierie humaine est donc “l’ultime ressource” pour reprendre le titre de l’ouvrage de Simon publié en 1981.
Les ressources n’ont jamais été aussi abondantes
Passées ces considérations théoriques, place à la pratique. Afin de mesurer l’accessibilité des ressources naturelles, le site Human Progress, édité par le think tank libertarien américain Cato Institute, s’est mis en tête de créer “le simon abundance index” en hommage à l’économiste susmentionné. Le but de ce projet est d’évaluer l’évolution de l’accessibilité des ressources pour l’humanité. Comment ? En calculant l’évolution du temps de travail moyen nécessaire à l’achat d’une unité de ressource particulière à l’échelle mondiale. Le prix d’une cinquantaine de produits de base référencés par la Banque mondiale ont ainsi fait l’objet d’un examen pour savoir s’ils étaient aujourd’hui en moyenne plus accessibles pour l’ensemble de l’humanité. Les résultats sont compilés dans le tableau suivant.
En moyenne, le prix des 50 ressources naturelles listées en temps de travail a baissé de 72,34%. Cela signifie qu’un individu peut, en 2018, s’offrir 3,6 fois plus d’unités de ressources qu’en 1980 pour une même quantité de travail.
Vive la surpopulation !
La démocratisation et l’abondance des ressources naturelles sont allées de pair avec la croissance de la population. Cette évolution permet d’infirmer le discours néo-malthusien qui suggère qu’une croissance soutenue de la population humaine dilue la sécurité et le confort matériels de l’humanité. Il serait tout aussi erroné de considérer que cette démocratisation des ressources s’est faite en dépit de la population humaine. La théorie économique suggère que cette tendance a partiellement été favorisée par la croissance démographique. Celle-ci a en effet accru la taille du marché et la concurrence tout en augmentant la qualité de la division du travail internationale et de la spécialisation des industries.
Il est d’usage de considérer un être humain comme une bouche à nourrir et un consommateur de ressources. Pourtant, un être humain qui vient au monde est aussi un cerveau supplémentaire potentiellement tourné vers la créativité et l’innovation. Deux qualités qui nous permettent collectivement d’optimiser la production de richesses avec le temps.
Les auteurs du Simon Abundance Project, l’économiste Gale L. Pooley et le politologue Marian L. Tupy notent à ce propos que le prix moyen des ressources listées a décliné de 1,016% pour chaque pourcent d’augmentation de la population humaine ces 38 dernières années.
Chaque naissance nous rend collectivement plus riche pour peu que les institutions permettent aux talents de chacun de s’exprimer librement dans la division internationale du travail.
À partir de l’évolution du prix des ressources en temps de travail ainsi que celle de la démographie, les auteurs se proposent d’établir un indice baptisé “Simon Abundance Index” destiné à évaluer l’abondance des ressources pour l’ensemble de l’humanité. La progression de cet indice est illustrée via l’infographie ci-dessous tirée du site Human Progress.
Cela fait plus de deux siècles que Malthus et ses disciples se trompent. Gageons qu’ils continueront à se tromper.
3 commentaires
L'infini, c'est loin…
Désoler, mais parler de "croissance infinie" n'est guère sérieux. Il existe des limites "dures", qui ne viennent pas de l'économie mais de la physique. Par exemple, oui, l'extraction massive de carbone fossile pour le relâcher dans l'atmosphère pose un sérieux problème pour le climat.
Mais la solution n'est surement pas du coté de la multiplication des écolo-fonctionnaires, des règlements, de la subvention de "solutions qui ne résolvent rien" et du pointillisme fiscal.
En fait, la solution est connue depuis 1973, quand l'OPEP a quadruplé le prix du pétrole brut : après le choc initial, l'économie est repartie, tout en consommant beaucoup moins. Et sans qu'il y ait besoin d'un seul fonctionnaire ou d'un seul règlement, à part pour jouer les mouches du coche.
Ce qu'il faut, c'est créer une taxe de, disons, 1 € le kg de carbone fossile extrait ou importé (pour le budget général et non pas pour "nourrir" des "éléphants blancs écologistes"), supprimer TOUTES les autres taxes sur les carburants et autres produits carbonés (et les fonctionnaires qui en vivent…). Et laisser faire la liberté pour faire émerger des solutions techniques optimales !
L'espèce humaine n'est pas la seule sur la planète !
Cette analyse fait l'impasse sur les autres espèces qui vivent en symbiose avec les humains sur la planète. Si, pour le moment nous disposons des ressources pour nourrir les humains, le développement des productions se fait au détriment des autres espèces qui disparaissent à grande vitesse. Il n'y a pas besoin de faire de grandes études pour le constater. J'ai 76 ans et je constate un appauvrissement gigantesque de la faune qui m'entoure. La terre n'est pas le propriété d'une espèce !
Les limites sont physiques…
L'Afrique, continent pauvre, peut-elle nourrir les 2 milliards d'Africains que l'on prévoit sous peu ? On peut avec raison en douter.
Il en va de même de l'Inde avec les mêmes arguments.