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« Projet 2025 » de la Heritage Foundation : il faut réduire le poids de l’État et non élargir la fonction présidentielle

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La menace progressiste n’aura une chance d’être écartée aux États-Unis que si le pays revient aux idéaux qui ont préexisté à sa fondation et parvient à recentrer la sphère d’intervention de l’État sur les seules fonctions régaliennes de celui-ci. En outre, il n’y a pas lieu d’appeler à une « deuxième révolution américaine », comme l’a dit le président du think tank conservateur américain Heritage Foundation : mieux vaudrait redécouvrir et réactualiser les valeurs qui ont sous-tendu la révolution historique de l’Amérique (1765-1783) et faire confiance aux institutions du pays dont le fonctionnement est prévu et garanti par la Constitution.

Nos lecteurs assidus le savent : l’IREF s’est souvent fait l’écho de la Heritage Foundation, notamment lors des différentes réactualisations de son classement annuel de la liberté économique dans le monde. Dans les années 70 et 80, Le think tank américain avait soutenu la candidature d’un authentique défenseur du libéralisme classique et du capitalisme de laissez-faire : Ronald Reagan. En 2023, il a rédigé en vue de la prochaine élection présidentielle aux États-Unis tout un programme politico-économique de près de 900 pages appelé « projet 2025 », afin, nous dit son directeur Paul Dans, d’ « amener une nouvelle armée de conservateurs alignés, entraînés (…), prêts à se battre contre l’État profond ». Le laboratoire de réflexion plébiscite donc aujourd’hui clairement le mélange de libéralisme et de populisme caractéristique de Donald Trump, et espère qu’en cas de victoire de celui-ci en novembre prochain, le « projet 2025 » pourra commencer à être appliqué dès le premier jour du second mandat présidentiel espéré1.

Sortir de l’ornière progressiste

Le « projet 2025 » part à notre sens d’un constat qui reste fondamentalement juste : depuis des décennies, la gauche radicale américaine a considérablement élargi son influence, le progressisme s’est largement enraciné au sein de l’État fédéral et des institutions culturelles, et Obama n’y est certainement pas pour rien. Les États-Unis ont été fondés sur des bases résolument libérales (défense de la liberté individuelle et de la propriété privée, méfiance envers la centralisation étatique et forte limitation des prérogatives de l’État fédéral), que l’actuel socialo-progressisme entend bien ruiner : ceux qu’on appelle outre-Atlantique les liberals (c’est-à-dire les progressistes radicaux dont l’influence n’a cessé de croître ces dernières années au sein du parti démocrate) abhorrent les idéaux des pères fondateurs et rêvent de remplacer l’actuelle Constitution par une constitution de type socialo-collectiviste. Si l’Amérique entend un jour renouer avec son « exceptionnalisme », la seule voie possible consistera pour elle à revenir à ses valeurs fondatrices que l’on trouve exprimées avec force aussi bien dans la Déclaration d’indépendance que dans la Constitution.

Si le constat duquel part le « projet 2025 » est vrai, que pouvons-nous dire des propositions qu’il contient ? Plusieurs d’entre elles nous paraissent être de bonnes mesures : la limitation du pouvoir des agences environnementales (largement responsables d’une inflation normative et réglementaire telle qu’elle dissuade l’initiative privée et l’innovation), la fermeture des agences fédérales faisant la promotion de l’idéologie woke, le contrôle bien plus strict de l’immigration illégale, ou encore la suppression du ministère de l’Éducation – dont les missions seraient dès lors davantage décentralisées en étant confiées aux États particuliers.

Un curieux paradoxe : davantage d’État pour lutter contre le péril… de la collectivisation du pays

Cependant le « projet 2025 », qui se veut être un projet de grande envergure, prévoit aussi, en cas de victoire du candidat républicain, le remplacement (plutôt que la suppression) de milliers de postes de fonctionnaires… par d’autres fonctionnaires censés se montrer loyaux envers le nouveau président. Nous aurions préféré voir la Heritage Foundation recommander le licenciement ou le non-remplacement des fonctionnaires opérant dans un grand nombre d’agences fédérales, dont le champ d’action outrepasse largement les fonctions régaliennes de l’État. Car l’État fédéral américain est en réalité devenu au fil des années un véritable mammouth progressiste (le Big Government), qui nécessiterait un énergique dégraissage en profondeur. Or des observateurs ont souligné que le « projet 2025 » semble moins vouloir réduire le poids de l’État que substituer à l’État actuel une sorte d’ État acquis au « trumpisme ». De plus, s’il  était appliqué, il conduirait à un élargissement de la fonction présidentielle : « Le grand défi auquel est confronté un président conservateur, peut-on y lire,   est la nécessité existentielle d’une utilisation agressive des vastes pouvoirs de l’exécutif pour rendre le pouvoir – y compris le pouvoir actuellement détenu par l’exécutif – au peuple américain. Pour relever ce défi, il faudra […] faire preuve d’audace pour plier ou briser la bureaucratie à la volonté présidentielle et faire preuve d’abnégation pour utiliser la machine bureaucratique afin d’éloigner le pouvoir de Washington et de le rendre aux familles, aux communautés religieuses, aux gouvernements locaux et aux États américains ».  Les auteurs du « projet 2025 » ont raison de vouloir prendre le problème de la bureaucratisation de l’Amérique à bras le corps : mais ce n’est pas en donnant plus de pouvoir à l’exécutif ni en élargissant le champ d’action de l’État – quand bien même celui-ci deviendrait un « État MAGA » (Make America Great Again) – qu’ils atteindront leur objectif.

On mesure ainsi l’écart séparant Reagan de Trump : comme le résume très bien le journaliste et essayiste Steven Greenhut dans un article repris par le média Reason, le « projet 2025 » reprend souvent « la nouvelle approche conservatrice qui consiste à mettre le gouvernement au service des causes conservatrices, par opposition à l’objectif louable de Reagan de limiter le pouvoir du gouvernement ».

Le président de la Heritage Foundation, Kevin Roberts, a par ailleurs récemment déclaré : « Nous sommes en route vers une deuxième révolution américaine, qui se passera sans effusion de sang si la gauche ne s’y oppose pas ». L’Amérique n’a pas besoin d’une « deuxième révolution », elle doit plutôt, nous l’avons dit, revenir à l’héritage des pères fondateurs, respecter scrupuleusement le principe constitutionnel de séparation et d’équilibre des pouvoirs, et œuvrer à la limitation du pouvoir étatique. Le temps est certes loin où Thomas Jefferson défendait le principe d’un gouvernement « sage et frugal ». Et pourtant c’est justement vers un tel idéal que les républicains d’aujourd’hui devraient tendre.


1 Trump a déclaré le 5 juillet 2024 sur sa plateforme Truth Social qu’il n’avait « rien à voir avec (le projet 2025) ». Une déclaration surprenante quand on sait que plusieurs de ses collaborateurs ont participé à son élaboration. Peut-être Trump a-t-il ainsi voulu couper l’herbe sous le pied des commentateurs qui ne verraient en lui qu’une sorte de « marionnette » du projet 2025.

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