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L’Europe a-t-elle vraiment besoin d’une politique industrielle ?

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Début avril, lors d’une réunion au sujet de la politique industrielle européenne entre le ministère de l’Économie et ses représentants allemands et italiens, Bruno le Maire a assuré que « le temps de la mondialisation heureuse » était terminé et qu’il fallait « être capable d’innover, d’investir, de maîtriser les nouvelles technologies, mais aussi montrer les dents face à des adversaires économiques » – à savoir la Chine et les États-Unis.

Il faut dire que la situation économique de l’UE est mal en point. En 2022, son déficit commercial s’élevait à 432 milliards d’euros dans un contexte de crise énergétique mondiale dont l’Europe a particulièrement souffert, et qui a impacté le taux de change de l’euro. L’UE est également confrontée à un phénomène de fuite de ses industries, assommées de normes environnementales toujours plus contraignantes. Entre la directive sur les émissions industrielles (IED) qui implique des investissements jugés « disproportionnés » par les exploitations agricoles, l’EU-ETS (European Union Emission Trading System) qui fixe un plafond annuel global d’émissions de CO2 aux entreprises, ou encore le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui instaure une tarification carbone sur les produits importés (il faut en effet rappeler que cette tarification accroît les coûts de production pour les entreprises localisées dans l’Union qui importent une partie de leurs inputs), la liste est longue. Cela se répercute nécessairement sur l’attractivité du continent : la part de l’UE dans les investissements industriels mondiaux a été de 6,5 % entre 2016 et 2023, contre 17 % pour les États-Unis et 55 % pour l’Asie.

Certes, le ministre aimerait proposer à la Commission européenne une simplification des normes administratives. Il évoque notamment la possibilité de remonter les seuils des PME concernées par les obligations comptables et financières des directives CSRD et CS3D. Cela ne suffira pas pour inverser la tendance de la folie réglementaire impulsée par la technocratie européenne.

En plus de l’inflation législative, ce sont les choix stratégiques de l’UE qui pourraient être remis en cause : la réindustrialisation « verte », c’est-à-dire les investissements de plusieurs milliards d’euros dans des technologies jugées plus écologiques (panneaux solaires, éoliennes, batteries), accroît la dépendance à la Chine qui bénéficie de coûts de production attractifs, d’une énergie moins chère et, surtout, de subventions massives aux énergies renouvelables. En 2022, l’UE a atteint avec ce pays un déficit record de sa balance commerciale : les importations de biens chinois s’évaluaient à 626 milliards d’euros, contre 230 milliards pour les exportations. Fortement dépendante, l’UE n’est donc pas près de rivaliser avec la Chine, comme le voudrait M. le Maire.

La meilleure façon de protéger les intérêts économiques de l’UE serait d’apporter plus de concurrence et de cesser d’entraver l’innovation en Europe. Cela vaut pour l’industrie, mais aussi pour des secteurs de pointe comme la tech – les entreprises technologiques faisant l’objet de nombreuses réglementations (DMA, DSA, RGPD…). L’acharnement de la Commission européenne dans sa lutte contre les GAFAM a récemment fait une nouvelle victime : l’entreprise de robots aspirateurs iRobot, qui devait être rachetée par Amazon. Une enquête antitrust l’a contrainte à annuler le projet et à licencier 350 personnes, ce qui prive les Européens d’une offre supplémentaire et renforce, là encore, la position des acteurs chinois sur le marché (Ecovacs Robotics, Dreame Technology, Roborock).

À deux mois de l’élection des nouveaux députés au Parlement européen, on comprend mieux l’impopularité de la Commission : l’impact global de son action est une source de division chez les citoyens des États membres puisque 31 % perçoivent son travail négativement. Rappelons que la présidente, Ursula von der Leyen, n’a jamais été élue par aucun citoyen européen. On lui reproche d’ailleurs son manque de transparence, son manque de proximité avec les électeurs et sa pratique verticale du pouvoir. De tels clivages se reflètent au sein même des institutions européennes avec la contestation de certaines nominations, comme celle de Markus Pieper, jugé trop proche de la présidence et qui a renoncé à son poste de Commissaire européen en charge des PME.

Bruno le Maire a raison : il faut être capable d’innover, d’investir, de maîtriser les nouvelles technologies, mais l’interventionnisme est probablement la pire stratégie pour être à la hauteur de ces enjeux. Bruno le Maire, comme bien d’autres, tombe dans le panneau qui consiste à expliquer par les politiques publiques et les subventions, l’avance actuelle de la Chine ou des États-Unis sur l’Union européenne. La Chine progresse, certes, mais en sacrifiant des pans entiers de son économie et de sa vie sociale, ce qu’elle paiera cher (cela commence d’ailleurs). Quant aux Américains, s’il est vrai que les plans de relance se succèdent ces dernières années – qui se traduisent par un endettement très coûteux pour les générations à venir – leurs succès économiques sont en grande partie imputables à une moindre contrainte réglementaire, à un système financier souple car décentralisé, à un marché du travail dynamique et à une tradition entrepreneuriale qui demeure vibrante. Il est urgent pour notre ministre de revoir ses analyses et d’envisager sérieusement la possibilité que la meilleure politique industrielle pour l’Europe passe justement par un désengagement de l’État.

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3 commentaires

louis 26 avril 2024 - 8:08

une politique industrielle ?? depuis 40 ans nos enarques s’acharnent par une politique de rigueur de détruire l’industrie , et victoire aujourd’hui ils y sont arriver que dire d’autres apres un pareil naufrage ! innover, avec quoi le s entreprises déposent le bilan les unes apres les autres , je pense que c’est intentionnel ce n’est pas possible autrement !😠😡

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Goufio 26 avril 2024 - 10:20

B Le Maire se comporte comme un énarque.
D’ailleurs d’après la HATVP son épargne est fléchée à 100% vers des livrets d’épargne dont la vocation n’est pas de financer les entreprises.
Il a été déclaré le plus médiocre des économistes que la France ait connu ce qui est normal pour un agrégé de lettres modernes.
N’oubliez pas qu’il est l’écrivain du « renflement brun »
Bonne journée

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Duveneaud Sylvie 27 avril 2024 - 1:40

Il en a fallu du temps pour qu’ils se rendent compte du problème, maintenant que le mal est fait et à la veille des élections européennes !!

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