On voit toujours bien mieux la paille dans l’œil de son voisin que la poutre dans son propre œil. La vieille parabole pourrait s’appliquer aux relations entre les deux continents. L’Europe se montre souvent très critique de l’Amérique sans bien se rendre compte que celle-ci la considère – des torrents d’analyses en font foi – comme gravement affaiblie, engluée dans ses dénis et dans son addiction à l’étatisme. Un constat qui peut paraître sévère, mais qui est néanmoins fondé. Et d’autant plus alarmant que ces maux frappent un vieux continent qui n’a pas connu autant de dangers d’explosion depuis les années 30.
Les milieux diplomatiques et politiquement corrects sont outrés que Donald Trump accuse les Européens, avec une maladresse dont il a le secret, de ne pas dépenser suffisamment pour se défendre militairement. Le candidat nationaliste et populiste à la Maison-Blanche ose promettre de ne plus défendre de tels pays. Il donne même à la Russie le feu vert pour les attaquer. L’outrance est une constante chez Donald Trump. De tels propos affaiblissent l’OTAN, ce qui est irresponsable à l’heure où l’Ukraine manque de ressources pour combattre l’agression russe. Et pourtant…
Sur le fond, il y a hélas du vrai dans le constat caricatural de Donald Trump : l’Europe s’est incroyablement désarmée face à la Russie. Voilà des décennies que Washington souhaite – plus ou moins sincèrement – que les Européens assument une plus grande part de leur défense. De leur côté, pour mieux augmenter leurs dépenses sociales, et par conviction naïve que la guerre froide ne reviendrait jamais, les Européens ont baissé leur garde.
Non seulement leurs armées ne sont pas en mesure de combattre au-delà de quelques jours pour défendre leurs frontières, mais leurs peuples ne moquent de la sécurité collective. Qui peut croire que les Espagnols, les Français ou les Italiens veulent vraiment mourir pour que l’Estonie, la Roumanie ou la Pologne restent démocratiques et souveraines ? Qui peut croire que le parapluie nucléaire français sera suffisant pour dissuader la Russie d’envahir un jour la Lituanie ? L’extrême-gauche, ajoutée à l’extrême-droite en France (soit près de la moitié des électeurs…), sont déjà d’accord pour que l’Ukraine cède une partie de son territoire et de sa souveraineté à Moscou…
À force de répéter que « l’Europe est la première puissance commerciale du monde » et le continent « le plus riche et le plus socialement avancé », les responsables politiques européens ont fini par perdre le sens des réalités. C’est grâce au gaz de schiste américain que l’Europe vient de passer deux hivers au chaud. Le constat est rarement mentionné en France. Il est plus facile de dénoncer l’industrie américaine des hydrocarbures et l’empreinte carbone des États-Unis, depuis des salons parisiens bien chauffés.
L’Europe en panne de croissance
Le pessimisme de la presse américaine à propos de l’Europe se nourrit ces derniers temps du contraste avec la croissance étonnamment forte aux États-Unis, alors que le vieux continent reste en quasi-récession. Pourtant les dépenses publiques et les déficits budgétaires sont élevés de part et d’autre de l’Atlantique. Mais le keynésianisme sous stéroïdes pratiqué en Amérique produit plus de résultats. Une plus grande croissance démographique et une plus forte propension à consommer expliquent probablement en partie le retard marqué de l’Europe. De plus fortes dépenses en recherche & développement de la part des entreprises américaines de grande taille, notamment dans la technologie, y sont aussi pour beaucoup.
Résultat : l’Europe est à la traîne. Le gouffre s’est fortement creusé depuis quelques années. En 2008, le PIB des États-Unis était équivalent à celui de la zone euro, soit quelque 14.000 milliards de dollars. Quinze ans plus tard, la zone euro plafonne à 15.000 milliards, tandis que les États-Unis sont pratiquement à 27.000 milliards de dollars. On aurait dit cela en 1999 aux fondateurs de la zone euro, ils ne l’auraient pas cru.
L’agence Bloomberg, dans une dépêche du 10 février, va jusqu’à conclure que l’ère de la « super-puissance industrielle de l’Allemagne touche sa fin ». La désindustrialisation allemande serait le résultat de trois forces : la politique américaine de protection et de réindustrialisation réduirait le débouché qu’ont longtemps représenté les États-Unis pour la forte exportation germanique. S’y ajouterait l’émergence de la Chine comme concurrent plus sérieux pour l’Allemagne. Pour couronner le tout, la coupure du gaz russe bon marché viendrait plomber le modèle industriel allemand, et avec elle le moteur de la croissance européenne.
Dans une dépêche du 26 février, l’agence Reuters revient sur les maux qui semblent handicaper l’Europe face à la résilience américaine : l’électricité trois fois moins chère complique tout, de même que les gains de productivité sur longue période qui restent plus importants aux États-Unis qu’en Europe. Selon le classement de la Banque mondiale, le Danemark est le seul pays de l’Union européenne où il est plus facile de faire des affaires qu’aux États-Unis. « L’Italie est même à la traîne derrière le Maroc, le Kenya et le Kosovo » signale l’article…
Le « marché unique » européen reste un mythe
Et les Américains de s’étonner que 25 ans après la création de la zone euro, il n’existe toujours pas vraiment de marché unique financier en Europe. Attachés à leurs champions bancaires nationaux, les vieux pays européens ne veulent pas ouvrir leur marché sur de nombreux produits de crédit par exemple. Un Américain qui ouvre un compte en banque ou emprunte la somme nécessaire pour accéder à la propriété ne demande pas si l’établissement avec lequel il négocie est à l’origine californien ou new yorkais… La diversité de l’offre de services financiers aux États-Unis, y compris auprès d’institutions non-bancaires, est un atout important pour les entreprises et les consommateurs. La zone euro par comparaison reste une Europe de nations cloisonnées, en dépit de sa monnaie unique et de l’absence de barrières douanières.
Le marché bancaire n’est pas une exception : l’Europe compte 43 groupes de télécommunications qui exploitent 102 réseaux de téléphonie mobile au service de 474 millions de personnes. Aux États-Unis, trois opérateurs servent 335 millions de clients. Quel modèle favorise davantage l’investissement dans de nouveaux réseaux ?
Greg Ip, fin janvier, dans le Wall Street Journal, rappelle que l’adage « L’Amérique innove, la Chine copie, l’Europe réglemente »reste d’actualité et illustre toujours l’avantage comparatif de chacun des trois blocs. La Commission de Bruxelles est fière d’être un modèle de réglementation des géants américains du numérique. À bien des égards c’est vrai. Ces derniers sont bien plus étroitement surveillés en Europe. Mais in fine, qu’est-ce que l’Europe y gagne vraiment ? Moins d’innovation, moins de financements à risque, moins de créations d’emplois… On ne s’étonnera pas qu’en 2023, les fonds de capital-risque aient levé en Europe 44 milliards de dollars pour de jeunes entreprises dans l’intelligence artificielle (IA), soit autant qu’en Chine et… quatre fois moins qu’aux États-Unis. Qui va gagner la bataille de l’IA ?
5 commentaires
la bataille d el ‘IA ? sans doute la chine , quand a la france pardon la startup nation ? de la com que de la com macron en est trés accro a part ça : la recession qui va s’aggraver va sans doute faire partir la france en vrille apres …
En France au lieu de financer la recherche , on préfère financer des associations de Tricot , de Belote , de Boules ……..et autres associations bidons pour maintenir l’ordre dans les banlieues .( par les dealers ). Et au passage remercions la justice qui entretient ses recidivistes. ….Est il normal que le cumul des peines ait été supprimé ? Est il normal qu’un voyou qui a été arrêté et condamné 19 fois n’ait jamais fait un jour de prison !!!! Est il normal que les juges se transforment en assistante sociale au lieu de sévir !
On préfère surtout financer des ONG qui aident les émigrés à venir en Europe, pour nous remplacer.
Dans la vie, il y a ceux qui tournent éternellement autour du pot et ceux qui mettent les pieds dedans.
Bien à vous
Très bonne analyse. Bravo !