L’immobilier trouve une résonnance particulière dans l’actualité fiscale du moment, mais malheureusement les contribuables qui ont investi dans la pierre ont peu de raisons de s’en réjouir : maintien d’un impôt sur la fortune à leur égard, augmentation même du poids de celui-ci en certaines circonstances, exclusion des revenus fonciers du PFU, relèvement des prélèvements sociaux sur ces derniers de 15,5% à 17,2% (soit 11% de plus). Et ce n’est pas la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80% des foyers qui suffira à équilibrer l’ensemble. Comme le confessait d’ailleurs le Rapporteur général du budget, Joël Giraud, à l’Assemblée nationale : l’objectif est plutôt d’alourdir la fiscalité sur l’immobilier.
Mais pourquoi ?
Serait-ce que la nouvelle majorité éprouverait une sorte d’aversion naturelle pour l’immobilier, comme certains dans l’opposition le disent parfois ? L’hypothèse est trop invraisemblable pour être crédible.
S’agirait-il alors de taxer plus lourdement les revenus et patrimoines liés à un secteur considéré comme improductif et sans risque ? C’est ce que mettent régulièrement en avant le gouvernement et ses soutiens. On reconnaît là une approche classique de Bercy, qui a généralement tendance à regarder les actifs immobiliers comme ayant par essence une nature strictement patrimoniale, ne participant donc pas en tant que tels à l’exercice d’une activité économique par leur propriétaire. Reste que l’analyse ne tient pas. L’immeuble n’est assurément pas qu’un actif patrimonial. Il s’agit aussi et avant tout, bien souvent, d’un centre de profits, créateur de valeurs pour son propriétaire comme pour son occupant. Ainsi, le fait de donner en location à des tiers des logements, des bureaux, des murs de boutiques, d’hôtels ou d’EHPAD, des locaux industriels tels que des entrepôts, par exemple, ne répond-il pas pleinement à une logique économique ? Les actifs sous-jacents ne sont-ils pas productifs et ne font-ils pas courir de risques à celui qui s’en porte acquéreur directement ou via une société interposée ? Evidemment si, et l’on ne peut pas croire que la nouvelle majorité puisse réellement raisonner différemment.
L’explication de cette fiscalisation plus lourde des revenus et patrimoines immobiliers se trouve par conséquent forcément ailleurs, et les débats à l’Assemblée nationale sur le PLF sont très éclairants à cet égard. Ecoutons M. Bruno Le Maire à propos de l’article 11 instaurant l’IFU : « La grande différence entre valeurs mobilières et valeurs immobilières en matière d’imposition tient au fait que les valeurs immobilières ne sont pas délocalisables ». Conclusion sans appel apportée par M. Marc Le Fur, député LR de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor, pour qui n’aurait pas compris : « Donc on peut leur taper dessus ».
Reste que si un immeuble ne peut en effet pas s’expatrier, les investisseurs immobiliers le peuvent, eux, et leurs capitaux aussi, bien évidemment. L’analyse du ministre est donc un peu hâtive. Surtout, elle n’est pas recevable juridiquement. Voilà pourquoi, faisant volte-face, M. Le Maire dira ceci un peu plus tard au cours des mêmes débats : « Enfin, sur la question des revenus fonciers, j’ai peut-être été trop lapidaire dans ma réponse et je voudrais faire comprendre notre position. Ce n’est pas que l’immobilier ne peut pas, par définition, se déplacer, c’est que les revenus fonciers sont taxés net, après déduction de charges diverses, dont les charges d’intérêts d’emprunt. Si nous taxions les revenus fonciers comme des revenus mobiliers, ils seraient taxés brut, sans déduction des charges. Je ne suis pas certain que cela serait plus avantageux ».
Qu’il nous soit permis de l’écrire, ces explications nous laissent quelque peu perplexes. Car pourquoi, dans ce cas, ne pas offrir la possibilité aux contribuables de choisir entre le PFU sur le revenu brut ou l’imposition au barème progressif sur le revenu net, à l’instar de ce que le projet de loi prévoit pour les autres revenus et gains du capital ?
En fait, la véritable justification de cette différence de traitement fiscal entre les patrimoines immobiliers et les patrimoines mobiliers est sans doute bien sûr un peu d’ordre politique – on supprime l’ISF, et EN MEME TEMPS on le maintient néanmoins sur l’immobilier en lui attribuant le nouveau nom d’IFI[[Il faut ici noter que si l’IFI est officiellement présenté comme la création d’un nouvel impôt, il correspond en réalité à un recentrage de l’ISF sur les seuls actifs immobiliers. « L’ISF est transformé en IFI » a ainsi expliqué devant la commission des finances son Rapporteur général. « L’IFI n’est en aucun cas un nouvel impôt », « la réforme ne touche pas à la part immobilière de l’ISF ; ce n’est donc pas un nouvel impôt » ont abondé devant la même commission M. Laurent Saint-Martin, député LREM de la 3ème circonscription du Val-de-Marne, et M. Michel Lauzzana, député LREM de la 1ère circonscription du Lot-et-Garonne.]] – et beaucoup d’ordre budgétaire comme souvent lorsqu’il est question à la fois de fiscalité et d’immobilier. Il est vrai qu’existent dans ce secteur de nombreuses et importantes sources de recettes fiscales. C’est ce qui faisait dire au Ministre de l’économie et des finances pendant les débats parlementaires, à propos d’un amendement tendant à étendre le PFU aux revenus fonciers : « La troisième raison [NDLA : pour laquelle le gouvernement est défavorable à cet amendement] est toute simple : le coût de votre mesure est évalué à 3,3 milliards d’euros, ce qui nous semble excessif pour les finances publiques ».
Décidément, le secteur immobilier lourdement taxé mérite bien le surnom de « poule aux œufs d’or du fisc » dont il est couramment affublé.
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C'est simple…
Macron matraque les propriétaires immobiliers pour les inciter à vendre. Que vont-ils faire de cet argent ? Le placer en valeurs mobilières, bien entendu.
France Stratégie (l'ex Commissariat au Plan rattaché à Matignon et financé par nos impôts) propose une solution radicale pour re-solvabilier l'Etat Français : spolier les Français d'une partie du terrain sur lequel est construit les biens immobiliers, et obliger les propriétaire à payer un droit annuel d'utilisation de ce terrain. Mais cela risque de mal se passer, si les propriétaires se rebiffent.
Par contre, spolier les épargnants d'une partie de leurs valeurs mobilières: c'est nettement plus faisable !
Vous vous souvenez de la faillite de Chypre en 2013 ? Les épargnants ayant plus de 100.000 euros sur leurs comptes ont été spoliés : 60% de leur épargne a été confisqué.
Vous allez me dire : cela ne m'arrivera pas, je n'ai pas cette somme. Sauf si…
Sauf si l'Etat vous oblige à vendre votre bien, via la hausse des taxes foncières et des travaux obligatoires pour cause de "modernisation écologique" ruineuse.
Alors, il y aura davantage de Français ayant plus de 100.00 euros placés en valeurs mobilières.
L'Etat Français en faillite n'aura plus qu'à se servir dans votre épargne.
C'est simple, efficace et imparable. L'Etat pourra taxer facilement les "riches" (en réalité, les familles et les classes moyennes) et se remplir les poches.
Et il pourra continuer à gaspiller votre argent, comme il le fait depuis 40 ans…